44th Bomb Group (Heavy)

44th Bomb Group (Heavy)

44b

 

67th Sq., 42-52616 C-Bar, Carter, GLORY BEE

 

Le S/Sgt. Donald A. Maule (mitrailleur latéral gauche) fait ce commentaire dans son journal personnel : “Notre 9e mission – 27 juin 1944. Nous fûmes près d’y passer aujourd’hui. Artie (Roley Aterburn, copilote) a eu trois doigts coupés à la main droite par la Flak. La même explosion a également coupé tous les câbles des instruments, un tuyau hydraulique et l’arrivée d’oxygène d’Artie. Nous avons été touchés à 23.000 pieds. On a compté pas moins de vingt impacts, tous de la Flak. C’était vraiment pas loin ! Un éclat a transpercé le pneu gauche et coupé le câble d’aileron. Nous nous sommes posés en catastrophe avec trois moteurs, plus de frein, le pneu gauche à plat et avec l’aileron gauche hors d’usage. De l’avis général ce fut le plus bel atterrissage jamais vu. Artie fut emmené à l’hôpital immédiatement. Nous avons atterri à 20H45 après avoir décollé à 15H15, dire que c’était une mission d’après-midi…
Nous transportions douze bombes de 500 livres. La température était de – 30° C. Cible : tunnel ferroviaire à 15 miles au N.O de Paris. Raté [note]Grand-père me raconta que les discussions allèrent bon train pour savoir s’il fallait se débarrasser du pneu crevé avant l’atterrissage et finalement il fut décidé que non. On découvrit plus tard que Hitler était présent sur l’objectif ce qui explique que la Flak était si dense. http://www.jdsqrd.com/diary_1.html
Ndlr : bien entendu cette dernière affirmation relève de la légende.[/note]

* * * * *

 

506th Sq., #41-29496 Bar-Q, Scudday, ARIES , MACR #6744

 

SCUDDAY, BERNIE L. pilote, 1st Lt. 0-682906, Forsan,Texas (tué)
FARRELL, JOHN A. copilote, 1st Lt. 0-755660, Philadelphia, Pennsylvanie (tué)
McCORMICK, RAYMOND A. navigateur, 1st Lt. 0-689617, Milwaukee, Wis, (prisonnier)
RICHARDSON, PAUL bombardier, 1st Lt. 0-752904, Riverside, Californie (tué)
WYCHECK, JOSEPH E. mécanicien, T/Sgt. 13116002, Treskow, Pennsylvanie (tué)
VENTURA, ANTHONY J. radio, T/Sgt. 32551956, Falcuner, New-York (tué)
TEPE, CARL W. mitrailleur de nez, S/Sgt. 18184357 (Canadien), Texas, prisonnier
RIES, ROBERT P. mitrailleur latéral droit, S/Sgt. 35669582, College Hill, Ohio (tué)
ACUFF, COYLE J. mitrailleur latéral gauche, S/Sgt. 14134043, Washburn, Ten, prisonnier
WARREN, LESTER D. mitrailleur de queue, S/Sgt. 13078765, Wilmington, Delaware (tué)

Le MACR indique que cet appareil fut touché par la Flak environ 30 secondes avant le largage des bombes à une altitude de 23,500 pieds. Il semble avoir été principalement touché dans le compartiment radio où l’on distingua des flammes à cet instant. L’avion amorça une descente rapide avant de piquer vers 15,000 pieds. A ce moment-là il était en feu, il s’écrasa ou explosa juste avant le sol [note]Cet avion était aussi appelé RAM IT – DAMMIT. Marcel Mavré se trompe donc quand il indique GEMINI, idem quand il déclare que Carl Tepe a été tué[/note]. Un parachute ouvert fut repéré, il y en eut peut-être un autre.

Témoignage du 1st Lt. Raymond A. McCormick : « L’histoire du #41-29496 et de son équipage est assez précise. Depuis Reims le vol d’approche effectué droit sur la cible, un pont sur la Seine juste au nord de Paris, était d’une longueur inhabituelle. En tête, il y avait un avion guidé par radar, dirigé depuis l’Angleterre. Au cours de l’approche il volait si haut que notre bombardier, Paul Richardson, décida de monter dans le poste de pilotage car il disait ne pas pouvoir suivre la trajectoire de l’appareil de tête dans on viseur. Ce fut une décision fatale ! Carl Tepe et moi nous étions dans le nez quand nous fûmes touchés.
Je vis Carl essayer de sortir de la tourelle de nez et je manœuvrai le volant de la trappe du train avant. Cette trappe était déformée en haut et coincée. J’ai poussé un bon coup et me suis retrouvé à l’intérieur. Carl avait accrochés ses chaussures au support de la mitrailleuse et éprouvait des difficultés à se débarrasser de ses bottes chauffantes. Il y parvint cependant, sauta et fut capturé peu après avoir touché le sol.
Coyle Acuff, un mitrailleur latéral, attrapa son parachute sur le plancher en contreplaqué qui remplaçait la tourelle ventrale quand l’avion commença à brûler et il pense qu’il est passé au travers du plancher ! Il agrippa son parachute qu’il plaça sur sa poitrine en plein ciel. L’un des autres mitrailleurs arrière, Warren ou Riess, se parachuta sans déclencher l’ouverture immédiatement mais quand il le fit sa voile fut attrapée par l’hélice du moteur N°1 d’un autre avion du 44th qui suivait la formation 1500 pieds en dessous.
Cet appareil était piloté par un certain Lt. Milliken (disparu plus tard). Son co-pilote était Manierre de Lake Forest dans L’Illinois. J’ignore si c’était Warren ou Riess mais le parachute se transforma en une sorte de longue corde et je le suivis des yeux vers le sol. Une terrible fin !
Le poste de pilotage avait été détruit par la première explosion de l’obus qui avait pénétré juste derrière le nez et l’avait soufflé tout entier – un coup direct. Je jetai un coup d’œil sur le compartiment du navigateur mais il était désert, il ressemblait à un grand canoë. Plus de toit !

Depuis que j’avais ouvert instinctivement mon parachute vers 20.000 pieds la descente vers le sol me parût interminable. Cela me sembla durer 20 minutes. Je tombai dans un secteur boisé et me retrouvai accroché entre deux bouleaux comme une serviette sur un fil à linge. J’avais une déchirure de la vessie pour laquelle les Allemands m’hospitalisèrent à Beauvais. Plus tard, je retrouvai Tepe et Accuf dans un camp de transit dans cette ville. On les envoya à Memel, en Lituanie et j’allai au Stalag Luft 1. Dans ce camp il y avait au moins une vingtaine d’officiers du 44th ».

Le Lt Jack Wind, pilote d’un appareil du 506th tout proche raconte : « Bernie et moi parlions de cette mission ce matin-là – c’était pour nous deux la 31e et la dernière espérions-nous. Ce fut le cas malheureusement et d’une sale manière.
Il volait en tête et j’étais le deuxième, juste derrière lui. Quand on amorça l’approche notre leader fut distancé et nous nous retrouvâmes six minutes derrière la formation de tête. Elle largua ses bombes et libéra un fumigène, les canons allemands en profitèrent pour ajuster leurs tirs pendant que notre leader suivait la trace du bomb run
[note] Le “bomb run” indique le vol en formation très serré (trois minutes) de même altitude, de même vitesse, et de même cap lorsqu’elle se dirige vers l’objectif[/note]. Je me souviens avoir appelé le leader, je pense que Scudday a fait la même chose, lui criant de changer d’altitude. Les Allemands nous avaient en plein dans le collimateur mais il vola droit dans la fumée. Le premier obus toucha Scudday en plein dans le cockpit. J’ai vu sa verrière exploser avec de la fumée et des flammes. L’avion sembla ébranlé puis partit en vrille. Ce dont je me souviens ensuite c’est que nous étions à cinq miles de la formation, environnés par la Flak.
Mon copilote déclara que j’ai soudain appuyé sur le palonnier et glissé loin de l’escadrille. J’ai retrouvé une note dans mon journal où je dis que j’avais « perdu les pédales » et c’était vrai ! Quand je retrouvai mes esprits, le copilote avait pris les commandes. L’équipage signala avoir vu un parachute de l’avion de Scudday puis mon mécanicien rapporta que les jauges d’essence étaient à zéro alors que l’on approchait des côtes françaises. On appela l’Air-Sea Rescue pour un cap vers le plus proche terrain en Angleterre et l’on donna le choix à l’équipage de sauter sur la France ou d’essayer de le faire une fois en Angleterre. Je n’ai jamais aimé l’idée de devoir faire confiance à ce tas de tissu de soie à 20.000 pieds. On s’est donc laisser glisser, moteurs coupés, pour atterrir sur une base de P-47. Il s’averra qu’il restait 800 gallons d’essence. On redécolla pour retourner à la base avec un équipage qui venait de crasher son avion en le posant sur la même base
 ».

* * * * *

506th Sq., #42-95209 Bar-W, Stone

 

STONE, FRED E. pilote, 1st Lt. 0-747516
DERR, MERRITT E. copilote, 2nd Lt. 0-747767
PETRICHUK, ANDREW L. navigateur, 2nd Lt. 0-684623
FLUGMAN, HERMAN G. bombardier, 1st Lt 0-543494
BROWN, CHARLES J. mécanicien, T/Sgt. 32371366
CORVELIERA, SAMUEL M. radio, T/Sgt. 39118367
RYAN, ROBERT E. mitrailleur de nez, S/Sgt. 17059318
STRANGE, WILLIAM S. mitrailleur latéral droit, S/Sgt. 6255935, Elysian Fields, Texas, prisonnier
FOUST, ROBERT M. LW mitrailleur latéral gauche, S/Sgt. 18217202
YOANITZ, MORRIS mitrailleur de queue, S/Sgt. 36264653

Au moment de bombarder, à 19H13, l’avion fut endommagé par la Flak au niveau de la connexion entre la pompe et le 3e réservoir d’essence. Il en résulta une fuite et l’essence vaporisée pénétra par l’ouverture latérale. Le Sgt Strange dut prendre cette vapeur pour de la fumée et croire que l’appareil était en feu ou que l’incendie était sur le point de se déclarer. Il sauta immédiatement par l’ouverture. L’équipage n’était pas sûr de l’ouverture du parachute mais ce fut le cas comme l’indiquent les éléments qui suivent.

Le sergent Robert Foust mitrailleur latéral gauche en face du sergent Strange a fourni des informations supplémentaires : «  Lors de notre mission précédente (le 25 juin), le Sgt Strange vit un avion d’un autre groupe volant près de nous. Il avait demandé la permission de rejoindre la formation pour se protéger. On pouvait voir les membres d’équipage se démener pour tenter d’arrêter la fuite d’essence occasionnée par des dommages qu’il avait reçu. Quelques minutes plus tard le feu se déclara dans la soute à bombes et le pilote (un dénommé TUFFY) quitta la formation en piquant, je suis certain que c’était pour éviter de toucher nos B24 en cas d’explosion.
On put voir les gars se parachuter par le panneau arrière en feu ! Quelques parachutes s’ouvrirent mais ils étaient en feu également. Il semble qu’il n’y ait eu aucun rescapé. Bill Strange fit la remarque que s’il était touché comme cela un jour, il sauterait immédiatement et conseilla aux autres de faire de même.
Ce fut au cours de la mission suivante le 27 que nous fûmes touchés au niveau de la pompe de transfert dans la soute à bombes et nous tous qui étions dans la partie arrière fûmes couverts d’essence. Le Lt Stone quitta la formation pour épargner les B24 de chaque côté (41-29496 de Scudday et le 42-110082 qui fit un atterrissage forcé)
J’avais ouvert le panneau arrière pour évacuer les débris, Bill Strange me tapa dans le dos et me tendit mon harnais. Après avoir débranché mon masque à oxygène, je me débarrassai de mon gilet pare-éclats et ajustai mon parachute. Quand je relevai la tête je vis Bill Strange sauter par le panneau arrière.
A ce moment j’étais un peu étourdi par le manque d’oxygène et toutes mes activités mais alors l’avion reprit de l’altitude. Notre pilote, le Lt Stone, avait repris le contrôle. Je rebranchai mon intercom et lui rapportai que Strange avait sauté. Le Lt Stone expliqua l’avarie que nous avions subie et indiqua au reste de l’équipage que si quelqu’un voulait sauter il en avait la permission mais qu’il allait tout faire pour ramener l’avion à la base. Il y parvint. Personne ne voulut sauter
 ».

Voici le récit de Merrit Derr le copilote :« Mon journal de bord indique que la cible était un pont ferroviaire et que la durée totale du vol fut de 5H45. C’était ma 24e mission et je me souviens que l’équipage pensait que c’était du gâteau, on se sentait presque invincibles. Ce que c’était stupide comme nous pûmes le constater plus tard…
Si je me souviens bien le temps était beau. Au breefing j’étais fier d’avoir été retenu pour cette mission. Pour moi la cible correspondait à une mission facile, une de plus pour un tour qui en comptait 35.

C’était toujours Stone qui pilotait jusqu’à la cible et durant le bombardement, je prenais ensuite les commandes pour le retour à la base de Shipdham. Ce fut le cas lors de cette mission. A l’approche de la cible la Flak devint nourrie et précise et nous fûmes touchés au-dessus de l’objectif. Juste au moment de larguer les bombes il y eut une violente explosion qui semble s’être produite juste à l’extérieur de la vitre du copilote. L’avion du Lt Scudday, le Q-496, qui était devant nous sur notre droite passa sur le ventre et descendit en flammes. Nous fûmes touchés de nombreuses fois ce qui occasionna l’incendie du 3e moteur. Il y avait un grand trou dans le réservoir et l’essence s’échappait par la soute ouverte, les circuits hydrauliques étaient coupées et des éclats traversaient le cockpit. Pourquoi n’avons-nous pas explosé ? Je ne le saurai jamais.
Je jetai un coup d’œil par-dessus mon épaule vers la soute et le flot d’essence qui s’en échappait me fit penser à une vache qui pisse. Un éclat pénétra dans l’habitacle, se logea dans mon siège et me coinça littéralement contre ma ceinture (je possède encore cet éclat aujourd’hui). Un autre éclat entra par le côté gauche du cockpit, traversa les commandes et sortit par le côté droit. Par chance Stone et moi étions occupés avec des boutons, sinon il aurait eu les mains brisées sur les commandes. Nous arrêtâmes le 3e moteur et éteignîmes le feu avec l’extincteur. Charlie Brown, notre mécanicien, et le Lt Herman Flugman qui volait avec nous comme observateur stoppèrent le flot d’essence du mieux qu’ils pouvaient en bouchant le trou avec des vêtements. Brown parvint à rétablir les circuits hydrauliques en utilisant des morceaux de bois mâchés tirés de je ne sais où.
Nous commencions à perdre de l’altitude et ne pouvions rester avec l’escadrille. A ce moment-là Bob Foust appela dans l’intercom pour signaler que Bill Strange, le mitrailleur latéral, avait sauté. Surprise ! Surprise ! Aucun signal d’évacuation n’avait été donné mais apparemment vu depuis la position latérale ce devait être imminent. Pendant ce temps on avait appelé nos petits copains et le plus beau P51 qu’il m’a été donné de voir vint nous rejoindre. Il nous escorta jusqu’à la côte. On évalua ce qui restait comme carburant et nous décidâmes de sauter après avoir rejoint les lignes alliées. Une fois celles-ci atteintes, on fit de nouveau le point sur le carburant et on décida de rester dans l’avion tant qu’il aurait de quoi voler. Un nouveau coup d’oeil sur le niveau en Angleterre et nous nous dirigeâmes sur la station 115. Finalement nous parvîmes à atteindre Shipdham mais il ne restait que quelques vapeurs d’essence dans les réservoirs et nous nous posâmes sur l’herbe. Cela mécontenta l’officier mécanicien car il lui fallut remorquer l’appareil jusqu’à la piste en dur.
Cette nuit-là nous allâmes tous en ville et nous saoulâmes consciencieusement, ce qui eut pour résultat que plusieurs gars se blessèrent au retour en tombant à bicyclettes dans les fossés
 ».

 

Voici le récit de William Strange : « Le rapport de Bob Foust est très juste sauf en ce qui concerne un petit détail. L’avion fortement endommagé qui vola près de nous concerne notre second raid sur Brunswick. Lors de ce raid notre escadre fut sévèrement attaquée par des chasseurs, les 392e et 492e eurent de fortes pertes. L’avion qui était endommagé vola avec nous peu de temps, prit feu, se désintégra et il n’y eut pas semble-t-il de survivants. J’ai déclaré que dans de telles circonstances j’essaierai de sauter avant d’être pris au piège.
Je suis resté cloué au sol pendant une semaine avant le raid de Creil avec un méchant mal d’oreille causé par un atterrissage lors d’un autre raid. C’est pourquoi je n’ai pas effectué la mission du 25 juin.

Le raid de Creil fut de loin le plus efficace à part la plus forte Flak que je n’avais jamais vue. Cela explosait de partout, nous étions dans une fumée noire. D’habitude la fumée était plutôt marron mais pas cette fois et ça occultait le soleil. Je regardais l’avion de Scudday quand il sembla encaisser un coup direct. Je ne pouvais penser qu’il y avait des survivants, j’appris cependant plus tard qu’il y en avait eu trois.
Quelques secondes après Scudday nous fûmes touchés à notre tour. Comme Bob Foust a fourni un bon récit je ne vais raconter que ce qui s’est passé après avoir sauté.
Après avoir quitté l’avion, il me sembla que je faisais des culbutes et, comme c’était désagréable, je décidai de tirer sur la corde d’ouverture. J’avais dû attendre car j’avais manqué de succomber au manque d’oxygène. Le temps m’a paru long avant d’atteindre le sol qui devait être à environ quatre miles. Je pouvais voir la fumée qui indiquait l’endroit où les bombes avaient été larguées, je vis aussi trois parachutistes.

En approchant du sol le vent s’engouffra dans ma voile et me fit franchir la route qui se trouvait 300 pieds en dessous. Juste avant de toucher le sol je fus emporté dans des arbres, je joignis les jambes pour ne pas enfourcher une grosse branche et je fus recouvert de feuilles avant de toucher le sol plus lourdement qu’on le devrait. Mes jambes se dérobèrent et ma tête cogna en me faisant voir des étoiles. J’ai toujours pensé que mon parachute avait dû se mettre un peu en torche ce qui avait accéléré ma descente. A la fin mon parachute et les suspentes restèrent accrochés dans les branches mais mon harnais s’est tendu puis détendu ce qui explique que mes pieds se soient dérobés. J’ai dû me soulever pour pouvoir détacher mon parachute resté accroché dans un arbre.
Dès que j’en fus libéré, je commençai à courir pour m’éloigner de la route. J’avais parcouru 200 yards quand une Française arriva en courant et criant “Américain ! Américain !”
Je pense qu’elle était bienveillante. Quelqu’un lui criait de revenir, ce devait être probablement sa mère. Elle prit mon casque qu’elle cacha sous son corsage et me conduisit par un chemin creux jusqu’à une cave. La porte était fermée et refusait de s’ouvrir.

A ce moment-là un Allemand arriva avec son fusil en bandoulière sur la poitrine. Nous le vîmes mais lui non. Malheureusement il s’arrêta sur le talus et regarda tout autour. Nous n’étions pas bien cachés, il suffisait qu’il se retourne pour me voir. En travers du chemin il y avait trois arbres que je pouvais atteindre avant qu’il ne puisse pivoter et ajuster son tir. Laissez-moi vous poser une question : qu’auriez-vous fait à ma place ? J’ai couru mais la fille ne m’a pas suivi et je me suis toujours demandé ce qui avait bien pu lui arriver. J’aurais dû retourner en France après la guerre et tenter de la retrouver.
Donc j’avais couru vers les arbres et atteint ce qui ressemblait à une mare d’environ 15 pieds de diamètre avec un tas de pierres au milieu. C’était sec avec des herbes poussant à l’intérieur et je me glissai au milieu en pensant que l’on pouvait m’observer. Pour me voir il fallait qu’on se trouve du côté opposé. Rapidement j’entendis des pas qui se rapprochaient encore et encore, je tournai autour des murs pour ne pas être du côté d’où ils venaient. C’était peut-être la fille mais je ne devais pas me montrer. Tout était redevenu calme. J’aurais dû attendre la nuit comme on me l’avait enseigné. Cependant je n’aimais pas l’idée de quitter cet endroit de nuit car il y avait trop d’arbres, de chemins creux et de fossés. Je voulais marcher tranquillement et apercevoir les autres en premier. J’atteignis la route qui était à 400 yards. Il y avait une clôture métallique assez difficile à escalader car elle mesurait 8 pieds de haut. Peu importe, une voiture ou un camion descendait la route et je me réfugiai dans les bois.
Je décidai alors d’essayer à l’opposé de la route et je marchai bientôt avec confiance car les arbres s’éclaircissaient et le terrain était meilleur pour marcher. Je commençais seulement à apercevoir la lumière au bout du tunnel quand un soldat en uniforme bleu apparut avec son fusil.
J’étais à portée. Nous nous vîmes au même moment et cette fois il n’y avait pas d’arbres à proximité pour fuir. Il me fit signe d’approcher sans jamais vraiment pointer son arme sur moi. Il me fit marcher devant lui sur quelques centaines de mètres jusqu’à un camion où il y avait cinq soldats. Il était différent du premier que j’avais vu, il paraissait être plus jeune d’une dizaine d’années. L’un des cinq posa une question qui devait vouloir dire qu’il demandait où il m’avait trouvé. Je fus conduit dans une petite ville où l’on me confisqua ma gourde et mon kit de survie que je n’avais pas ouvert. Je passais la première nuit à dormir, ou du moins à essayer, dans un bureau où travaillaient une dizaine de soldats

Revenons à mon état d’esprit après ma capture. Je n’étais pas content et je pensais qu’il aurait suffi d’un peu de chance pour l’éviter. Je ne sais pas ce que j’aurais dû faire d’autre ni si le résultat aurait été différent.
Environ une semaine plus tard j’étais à Francfort où je ne fus pas interrogé. Le seul interrogatoire se déroula à Bruxelles où l’on chercha à savoir les noms des membres de mon équipage. J’ai d’abord refusé mais un Américain me conseilla d’accepter. (…) Je fus envoyé au Stalag Luft IV. Carl Tepe, un membre de l’équipage de Scudday, était l’un des dix homes de la chambre IV. Coyle Accuf était dans le même enclos. Je fus libéré vers le 1er mai 1945 dans un hôpital au nord de Munich
 ».

* * * * *

506th Sq., #42-50339 Bar-C, Tucker FUEDIN’ WAGON

 

TUCKER, JAMES pilote, 1st Lt. 0-757629, Largo, Floride
TRUDEAU, ELMO C. copilote, 2nd Lt., California
WILSON, ALFRED R. navigateur, 2nd Lt. 0-753096
ROMEO, SANTO mécanicien, T/Sgt. 14023217, Memphis,Tennessee (tué)
KHOURY, RAYMOND radio, T/Sgt. 32686237, Brooklyn, New-York
MILLICAN, IVAN C. mitrailleur de nez, S/Sgt. 38370290, San Saba, Texas
REEVES, THOMAS J. mitrailleur latéral, S/Sgt. 14059236, Miccosukee, Floride
WHITESIDE, LEON M. mitrailleur latéral, S/Sgt. 34431924, Forest City, Caroline du Nord
MEYERS, JOSEPH F. mitrailleur ventral, Sgt. Croydon, Pennsylvanie
BREAKEY, KARL D. mitrailleur de queue, S/Sgt. 33408973, Johnsonburg, Pennsylvanie

 

Voici les informations fournies par le Lt James Tucker : « Après nos deux premières missions, je fus promu pilote. Je n’avais pas de copilote attitré et il y en eut pas mal, c’est pourquoi je ne me souviens pas du nom de celui qui me secondait ce jour-là.
Le 27 juin notre objectif était Creil, à environ cinquante km au nord de Paris. La réaction ennemie a été assez forte sur le trajet, le bomb run sur la cible et les tirs de la Flak étaient fournis et précis. Nous reçûmes un coup direct dans les moteurs N°1 et N°4 qui furent mis hors service.

Après le bombardement nous fûmes interceptés par des chasseurs parce que nous étions estropiés et ils détruisirent nos systèmes hydrauliques et d’alimentation en oxygène. Le moteur N° 3 s’arrêta au-dessus de la Manche et le N° 2 près des côtes anglaises. C’était juste à proximité d’une base de chasse établie juste en bordure de la côte. Il nous était impossible de réduire la vitesse du moteur N° 3 car le système hydraulique était hors service, nous ne pouvions également le faire manuellement à cause d’un autre dysfonctionnement.
En apprenant cela le mécanicien, le Sgt. Romeo, était descendu en dessous du poste de pilotage pour essayer de baisser la roue et la verrouiller. Je lui avais donné l’ordre de revenir aussitôt car il était très près du point de contact avec le sol. Cependant, pour des raisons inconnues, il tarda trop à revenir et quand on toucha le sol le train avant rentra et l’écrasa. Il mourut sur le coup. Aucun autre membre d’équipage ne fut blessé ».

 

Sources :
« 44th Bomb Group Roll of Honor and Casualties » Compiled by Will Lundy
Originally published in 1987, Updated and re-released in 2005
http://www.40thbombgroup.org/

 

© Marc Pilot – Oise 39 – 45, février 2008 / Picardie 39 – 45, août 2013