336 Bomb Squadron (95 Bomb Group)

336 Bomb Squadron

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Pilote : 1st Lt Richard M. SMITH 0-672007 (2)
Copilote : 2nd Lt William R. BOOHER 0-68061 (3)
Navigateur : 2nd Lt Louis FEINGOLD 0-747085
Bombardier : 2nd Lt Warren C. TARKINGTON 0-673752 (1)
Radio : T/Sgt Alphonse M. MELE 32515731 (6)
Mitrailleur dorsal : T/Sgt Kenneth A. MORRISON 39846543 (8)
Mitrailleur ventral : S/Sgt Jerry ESHUIS 19113783
Mitrailleur latéral : S/Sgt Robert F. ADAMS 35318775 (4)
Mitrailleur latéral : S/Sgt Anthony ONESI 32479031 (5)
Mitrailleur de queue : S/Sgt Thomas G.O’HEARN 11090452 (7)

Cet équipage posant devant le B-17 « Destiny’s Tot », qui sera rebaptisé « Cincinnati Queen », est déjà chevronné car ses membres comptent entre une dizaine et une vingtaine de missions. Celle du 30 décembre 1943, qui visait les industries de Ludwigshafen, sera sans retour et l’appareil s’est écrasé à Campremy au lieu-dit « Le Marly ». Pour sept membres d’équipage commença alors un long et dangereux périple en France occupée qui allait bénéficier des derniers moments d’un réseau d’évasion célèbre : Shelbourne Line.

 

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Cincinnati Queen B-17 42-30674 Code ET-C

 

Selon l’interrogatoire de Kenneth A. MORRISON, l’avion fut abandonné vers 14H20 après avoir subi de gros dommage par la Flak : gouvernail et ailerons endommagés, moteur #4 qui mouline et cockpit en feu. L’intercom était hors service L’équipage sauta entre 16 000 et 17 000 pieds

Louis Feingold, le navigateur, a laissé un court récit de cet épisode : « Mission #20. Un largage réussi sur Ludwigshafen, Allemagne. Réussi… jusqu’à ce que la Flak touche l’avion. Sorti de la formation, un traînard, le B-17 fut assailli par sept chasseurs. La seule solution était de se parachuter. Le navigateur et le bombardier atterrirent dans un champ à 60 miles au nord de Paris. Immédiatement quelques fermiers locaux vinrent à leur aide. Heureusement le navigateur se souvenait du Français appris au lycée et fit l’interprète. Ils se cachèrent dans un bois jusqu’à l’arrivée d’un Français qui parlait anglais. Bien qu’il n’en avait pas la moindre conscience, ce fut leur premier contact avec la résistance française.
Le Français fixa un rendez-vous la nuit aux fugitifs à un endroit proche « où les fils passent sur la route ». Pouvait-on avoir confiance en lui ? Etait-il un collaborateur ? Allaient-ils être capturés ? Finalement il y eu consensus : c’était leur seule chance.
La nuit le français revint en sifflant « It’s A Long Way To Tipperary ». Ils étaient saufs, le navigateur et le bombardier poussèrent un soupir de soulagement.
La chance était avec les deux fuyards. Ils prirent rapidement contact avec la Résistance ; cela augmentait leurs chances de retrouver la sécurité toute relative de l’Angleterre.
Ainsi commença leur périple le long de la Shelbourne Line, une route d’évasion créée par deux Canadiens spécialistes des opérations d’évasion. Durant une semaine les deux fugitifs furent baladés d’un endroit à un autre, y compris une usine et une boulangerie, pendant que les Allemands écumaient le secteur à leur recherche.
Ils furent ensuite conduits chez Odette et Gaston Legrand à Clermont où ils rejoignirent quatre autres aviateurs. Les Legrand hébergèrent les six hommes durant trois semaines avant de recevoir l’ordre de faire partir quatre d’entre eux. Avant de partir pour Paris on leur donna de faux papiers d’identité, le navigateur devint un agriculteur sourd et muet.
Les deux fugitifs eurent de la chance, ils furent parmi les derniers à pouvoir suivre la Shelbourne Line avant qu’elle ne soit close. Les deux restants qui devaient partir quatre jours plus tard n’arrivèrent jamais en Angleterre. Ils furent capturés par les Allemands et restèrent prisonniers jusqu’à la libération, soit un an et demi plus tard. »

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Les rapports d’évasion constituent une source incomparable de renseignements. Dès son retour l’évadé était débriefé et l’on cherchait à savoir les contacts qu’il avait pu avoir afin d’en faire profiter ceux qui pourraient se retrouver dans la même situation. On déterminait également les forces et les implantations de l’ennemi. Le rraport qui suit est hélas incomplet et ne commence qu’au moment où le navigateur et le bombardier furent pris en charge par la Résistance.

Escape & Evasion Report N° 419-420 Appendix C, 3 mars 1944
Louis Feindgold, 2nd Lt, 0-747085 (419)
Warren C. Tarkington, 2nd Lt, 0-673752 (420)
336 Bomb Sq, 95 Bomb Group
Interviews du 27 février 1944

« L’homme à bicyclette se trouvait être le chef de la résistance de Saint-Just-en-Chaussée. Son nom est Jean CROUET et c’est un ingénieur chimiste qui travaille pour Ford. Nous passâmes la nuit du 30 décembre 1943 dans son château.
Le 31, il nous emmena dans son usine. Il y fabrique de la peinture de camouflage pour les Allemands. Cette peinture est sabotée et n’offre aucune protection contre les reconnaissances aériennes. Il est le chef régional du sabotage et il a fait exploser 15 locomotives dans la nuit du 5 janvier. Il avait prévu d’en détruire 25. Cette information nous a été donnée par Bernadette. Il nous cacha dans un tunnel sous l’usine jusqu’à midi où l’on pris un repas dans son bureau pendant que les ouvriers déjeunaient. Nous passâmes la nuite et tout le jour de l’an dans son bureau. Pendant ce temps des camions chargés d’allemands sillonnaient la ville à notre recherche. Un mois auparavant l’équipage complet d’une forteresse s’était évaporé grâce aux habitants et les Allemands avaient annoncé qu’ils fusilleraient quiconque trouvé dans la campagne dans l’intention d’aider les aviateurs.
Cette nuit nous fîmes conduit à Monsieur Harry, un boulanger, qui réside dans la rue principale. Nous y restâmes jusqu’au 3 janvier où nous retournâmes chez Jean pour un jour. Dans la nuit du 4 janvier nous fûmes hébergés par Monsieur et Madame Rousseaux qui habitent près de chez Harry.
Dans l’après-midi du 6 janvier nous quittâmes la ville en suivant Jean jusqu’à ce qu’un camion nous embarque. Avant de nous quitter Jean donna ses chaussures, son pantalon et son manteau à Tarkington. Il donna un autre manteau à Feingold. Du camion nous fûmes ensuite transférés dans des voitures qui nous conduisirent jusqu’à Clermont. Nous fûmes introduit rapidement chez madame Odette et son fils Edmond Sauvage. Elle possède une crèmerie. Son mari est un collaborateur qui est parti en Allemagne en 35. Elle vit avec Gaston Legrand, un ex-prisonnier qui fait le boucher au marché noir. Il passe son temps à tirer sur les collabos mais il s’en est abstenu durant notre séjour pour ne pas augmenter le danger. Madame a de si bonnes relations avec le commandant allemand qu’il lui laisse utiliser son automobile. Edmond coupe le lait vendu aux Allemands depuis deux ans et ainsi il peut ravitailler les enfants avec du vrai lait. Quand le commandant s’en est rendu compte il lui a botté le derrière et l’a envoyé un étage plus bas. Il profite de la position de sa mère pour voler des cigarettes au PC allemand et les donner aux évadés. Quand nous arrivâmes le 6 janvier nous fîmes la connaissance du Lt Edward Donaldson (Escape and Evasion Report number 460)
Durant notre séjour nous avons rendu visite tous les après-midi à Melle Bernadette. C’est un membre de l’organisation qui parle Anglais et nous a fourni des livres. Elle est allée à Cambridge et a été gouvernante en Ecosse. Elle a été couturière à Clermont durant sept ans. Elle s’est chargée deux fois de transmettre des lettres à nos familles. Nous avons également fait connaissance de Lucien et Maurice Leclerc, fils du plus gros entrepreneur de Clermont (propriétaire d’une scierie etc…) et par conséquent dispensé du travail obligatoire par les Allemands. Ils nous fournirent de la nourriture et des cigarettes. Leur mère nous a envoyé à chacun un maillot de corps et une chemise neufs et de bonne qualité.
Le 8 janvier nous fûmes rejoints par le Lt Donaldson (pilote), le Lt Glenn Camp (navigateur), le Lt Jarvis Cooper et un mitrailleur, le sergent Parker (E & E number 461). Le 20 janvier mademoiselle Bernadette nous a dit que quatre d’entre nous devaient partir le jour suivant et les deux autres le mardi suivant. Nous décidâmes que les trois qui étaient là depuis le plus de temps partiraient et un autre qui serait tiré à la courte paille. L’heureux gagnant fut le sergent Parker.
Le jour prévu les guides vinrent nous chercher. Nous fîmes conduits à la gare tandis que Lucien Leclerc patrouillait en voiture. Nous pensions aller à Beauvais mais nous descendîmes à Creil. A cause d’une confusion nous fûmes séparés. Tarkington partit avec Parker et Feingold avec Donaldson. Tarkington passa la nuit dans la maison d’une femme non identifiée. Feingold fut embarqué dans une voiture d’épicier et envoyé chez un homme. Sa femme pensait que nous allions partir en sous-marin.
Le 22 janvier tout le monde se rejoignit à la gare. Edmond Sauvage et un des guides de la veille nous conduisirent à Noailles. Les guides nous laissèrent et une voiture nous conduisit dans la ferme de Mr et Mme Robert Eckert à une dizaine de km. Le 24 janvier une camionnette nous embarqua jusqu’à Auneuil où nous allâmes chez l’un de nos guides, Mr Gilbert, juge de paix. C’était un ancien officier qui s’était évadé d’Allemagne. Il est le chef local de la résistance. Un docteur vint examiner Tarkington qui n’avait pu en voir un chez les Eckert. Gilbert prit des photos d’identité et fabriqua des cartes. Le 26 janvier, le sergent Reeves qui avait été abattu le 21 vint nous rejoindre. Un barbier nous coupa les cheveux. Il s’avéra plus tard que c’était notre guide parisien.
Le 27 janvier on roula environ sur 25 km pour rejoindre une gare et de là partir pour Paris. »

Enfin, ce bref récit montre combien le sort des blessés était difficile dans une France » » sous contrôle :
« Jerry Eshuis, un mitrailleur ventral, fut gravement blessé en combat aérien et se parachuta avec un éclat dans la cuisse et l’aine. Alors que trois membres de son équipage était trop blessés pour être cachés, Eshuis fut emmené par des Français qui déterminèrent rapidement que l’éclat devait être ôté avant que l’infection s’installe. Un docteur examina ses plaies le jour de l’an et retira l’éclat en pratiquant une incision de 22 centimètres. Comme les Allemands tenaient une comptabilité serrée des médicaments dans les hôpitaux et les cabinets médicaux l’opération dut se dérouler sans anesthésie. Des personnes lui tinrent les bras et les jambes et lui mirent un linge dans la bouche pour étouffer ses cris. »

Seuls Adams, Onesi, et O’Hearn furent capturés, le reste de l’équipage rentra sain et sauf.

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Sources :

MACR 2024
« The last escape through the Shelbourne Line » by Louis Feingold,Navigator, 8th Air Force. In “Air Forces Escape and Evasion Society”, Turner Publishing Company, 1992
« Silent Heroes, Downed airmen and the French Underground » Sherri Greene Ottis, University Press of Kentucky, 2001
« Mavré » page 144

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© Marc Pilot – Oise 1 Picardie 39 – 45, août 2013