Leichte Flak-Abteilung 71, 3. Batterie (Sf)

Flak 71

Dans la soirée du 8/6/40 nous étions à Wavignies, en pointe. On avait capturé d’innombrables prisonniers et matériels, nous ne savions pas ce qu’il y avait à droite et à gauche. On avait donc disposé les pièces en demi-cercle et nous étions allongés pour la nuit dans le trèfle, seules quelques sentinelles veillaient.

Le lendemain matin à 4H nous étions en route, il fallait s’emparer de Saint-Just et cerner d’importantes forces stationnées au nord. Quant à nous, il s’agissait de tenir les carrefours pour endiguer le flot continu des colonnes de véhicules français que l’on voulait encercler. Pour sécuriser ce dernier itinéraire de repli, les Français avaient mis en ligne deux chars de 32t, sans penser que nos canons de 2cm étaient beaucoup trop légers. Nous avions attaqué immédiatement pour fermer la nasse et capturer d’importantes forces ennemies.

Nous avons déclenché les premiers tirs à une distance de 200m mais nos obus étaient sans effet sur ces gros blindés. Encore un peu plus près… Un camarade et moi nous sommes rapprochés. 150m, 100m, toujours aucun résultat, le char tirait sur nous à la mitrailleuse mais cela ne nous impressionnait pas. Soudain les colosses se déplacèrent, de vrais lâches jurions-nous, ils voulaient disparaître. En avant ! L’un était déjà endommagé et l’autre le remorquait, ils ne devaient cependant pas nous échapper ! J’avais parcouru 50 m quand un coup, une détonation, une grosse fumée et une gerbe de terre éclaboussa mon canon. Un bonjour de l’artillerie allemande. La première pensée fut c’est fini ! Bientôt cependant la fumée se dissipa et l’on vit les deux chars fuyant devant nous. Le tir d’artillerie ne nous avait pas touchés. Maintenant le char tirait de toutes ses armes et touchait mon moteur, m’empêchant d’avancer, il restait cependant sous mes tirs. Je me fis remorquer par mon camarade jusqu’au prochain croisement où je pouvais prendre la route sous mon tir et réparer mes avaries. Personne n’était blessé, Dieu soit loué, seule notre voiture de liaison était criblée de balles. Pas le temps de penser à autre chose car une nouvelle colonne de véhicules approchait toute vitesse et ils n’échappèrent pas à nos tubes. En quelques minutes tous les véhicules étaient en flammes et malgré une défense farouche tous les personnels furent capturés. Nos obus avaient été terriblement efficaces. Des corps étaient démembrés, l’un avait la poitrine à moitié arrachée mais ce furent des semaines difficiles et de nombreux camarades étaient tombés.

Le combat n’était pas fini, les Français cherchaient à percer de toutes leurs forces  et nous envoyaient des chars. 15 de ces mastodontes venaient vers nous et nous n’avions que deux canons légers. Mais il n’y avait rien à faire, les positions devaient être tenues. On ouvrit le feu sur eux, des étincelles jaillirent, je ressentis une douloureuse brûlure à la cuisse gauche et tombais au sol. La douleur lancinante ne passait pas mais je devais continuer à diriger les tirs de mon canon. Il n’y avait que la jambe gauche qui n’allait plus. Les canons tiraient toujours et les chars aussi. Deux chars étaient détruits sur la route et un troisième était en feu. Nos véhicules étaient percés comme des écumoires mais nous tirions toujours, la distance était d’une trentaine de mètres. Mon canonnier droit eut la tête déchiquetée par un obus, son voisin sauta sur son siège, le chef de pièce fut grièvement blessé à côté de moi et s’écroula sans un bruit.

Sept chars ennemis détruits dirent nos chefs dans un bref message. Sept chars ennemis… Mais trois camarades avaient terminé leurs courtes vies et cinq autres avaient versé leur sang pour l’Allemagne. Tel fut le jour de gloire de la 3. Batterie du Leichte Flakabteilung 71.

Karl Niepenberg, Leutnant et Adjudant