610e Régiment de Pionniers

Caporal Jean HERVAGAULT

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  610e Régiment de Pionniers, 1er Bataillon, 1ère Compagnie

 

Durant des années, les vacances du jeune Jean-Yves Hervagault se déroulèrent suivant le même rite immuable : il venait en famille se recueillir sur la tombe d’un soldat inconnu inhumé à Montdidier. Ce pouvait-il que cette tombe renferme la dépouille de son père ? Malgré les incertitudes, il s’en était convaincu peu à peu.

Le 18 mai 1994, un retraité de Montdidier qui retournait son jardin mettait à jour des ossements avec quelques effets personnels dont une montre gousset. A l’intérieur, une gravure sur le couvercle : Jean Hervagault, Val d’Izé. Jean-Yves, devenu prêtre, pouvait enfin faire son deuil et procéder aux obsèques de son père le 11 juin 1994.

Le 610e Régiment de Pionniers, unité indépendante du 10e CA, fut mis à la disposition de la 4e DIC le 4 juin 1940 et quitta Saint-Martin-le-Nœud pour la Somme [note] JMO du 610e Régiment de Pionniers.[/note] Le 5 juin, la 1ère Compagnie est mise à disposition du II / 2e RIC à Dommartin. C’est de ce village que Jean Hervagault enverra sa dernière lettre à sa famille le 6. A partir de ce moment il partagera le sort du 2e RIC et la capture.

Fait prisonnier à Angivillers le 10 juin, il entame un long trajet à pied sous un soleil de plomb avec plusieurs milliers de ses camarades. Pierre Durand a également été capturé à Angivillers, dans une prairie à quelques centaines de mètres du clocher. « Les Français étaient fouillés, pour voir si nous n’étions pas armés. Quant à nos camarades africains ils devaient se mettre « à poil », et ils étaient fouillés car ils cherchaient un couteau qui avait servi à couper la gorge à un gardien. A Montdidier, avant de monter en ville, il y a un pont sur un cours d’eau, et j’ai vu sauter à droite 5 ou 6 camarades qui étaient derrière moi, et si moi aussi j’avais pensé à la soif, nos sentinelles ont eu vite fait de faire leur œuvre.

Et nous voilà 3000 montant au calvaire de Montdidier, nous n’avions pas pensé à nous évader, car nous étions surveillés par un régiment de SS, des chefs soit disant, mais je ne pouvais pas regarder tellement ils me faisaient peur.

Sur la place de Montdidier, votre père mon cher Jean-Yves, qui était sûrement un bon patriote, aperçoit un camarade qui vient de s’écrouler après tant d’autres, un sénégalais, il va le secourir et lui donne à boire. Ce n’était pas du goût de la sentinelle qui lui ordonne de rentrer dans le rang. Selon ses camarades il voulait simplement le sauver ; altercation entre les deux hommes, bousculade pour le faire rentrer dans le rang.

Voilà la scène telle que je l’ai vécue : un bruit anormal, un camarade visiblement bousculé par un gardien à 3 ou 4 mètres de moi, je l’ai vu et entendu crier « Vive la France ! ». Une détonation et il s’écroule là ».[note] Lettre de Pierre Durand à Jean-Yves Hervagault, 13/7/2001[/note]

Selon d’autres sources, Jean Hervagault conscient du danger aurait imploré le gardien : « Ne me tuez pas, j’ai une épouse et trois enfants ». Un coup de crosse, une détonation et c’en est fini. Le bourreau n’était certainement pas un SS, c’est la 10e Panzer, le régiment GroßDeuchtsland en particulier qui opéra le coup de filet dans le secteur d’Angivillers. Des massacres y furent commis, d’autres suivirent durant le trajet vers la captivité.

Une plaque apposée par le Souvenir Français rue Aristide Briand rappelle le martyre de Jean Hervagault.

 

Sources :

Archives famille Hervagault
JMO du 610e Régiments de Pionniers

© Marc Pilot – Picardie 1939-1945 – septembre 2008