Artillerie Regiment 194

 10. Batterie

 

Ce régiment comprenait trois batteries légères et une batterie lourde, c’est à cette dernière qu’appartenait le témoin : Heinz REICHENBACH. Le récit qui suit est essentiellement tiré de son carnet de route (lettre du 30 mars 1994).

9 juin 1940

La 10e Batterie se dirigea vers le sud en direction de Catigny et Lagny en laissant le village de Campagne sur sa gauche. Là on apprit que l’ennemi s’était retiré de 30 km au cours de la nuit dernière.

Au cours de notre progression on découvrit les traces des durs combats de la veille. Partout, dans les jardins, dans les rues et les chemins on voyait des soldats et des bêtes tués qui se décomposaient très vite à cause de la chaleur estivale. Une batterie française lourdement chargée avait été prise pour cible par notre artillerie en cours de route et avait été détruite. Les chevaux gisaient dans les harnais. Les pièces étaient en partie détruites.

Notre marche se poursuivit sans encombre par Suzoy, Ville, Passel, la Divette, Chiry, Ribécourt en direction de Béthancourt. A cause d’une coupure de la route on fit demi-tour en direction de Machemont et Mélicoq pour rejoindre la route principale. On l’atteignit à hauteur de Thourotte et l’on se dirigea vers Longueuil-Annel. On obliqua à droite vers Giraumont. On cantonna peu avant cette localité et le bivouac fut installé dans un bois. La 10e Batterie devait prendre position près de Bienville au nord de Compiègne.

L’aviation française effectua des reconnaissances nocturnes et lança des bombes éclairantes sur tout le secteur
Dans le secteur au sud de la Divette entre Passel et Ribécourt on avait vu les traces de la déroute des troupes françaises. Les bas-côtés et la chaussée étaient jonchés de casques et d’équipements. Des barricades avaient été érigées à la hâte avec des charrettes remplies de pierres et des automobiles. Certaines particulièrement écoeurantes étaient faites de bétail tué, des vaches et des chevaux. Les animaux empilés gonflaient et éclataient avec la chaleur dégageant une odeur insupportable.

10 juin

Importants mouvements de troupes allemandes en direction de Compiègne. Dans la matinée le 10./AR 194 installa un poste d’obversation au Mont de César. La colline dans la forêt de Compiègne fut prise sous des les tirs nourris de l’artillerie française. Le commandant de notre IV.Abt / AR 194, Le Lieutenant-Colonel Matzke, y installa son PC et dirigea en personne les tirs sur des cibles précises dans Compiègne.

11 juin

On marcha des heures dans la forêt de Compiègne. Là aussi il y avait eu de durs combats la veille. Sur la large chaussée en béton je vis cinq tanks français détruits. Manifestement le commandement français avait tenté de stabiliser le front. Les services de santé allemands s’occupaient des tués et des blessés français. Dans la matinée le 10./AR 194 quitta Bienville pour Compiègne dont on s’était emparé la veille au soir.

La ville offrait un triste spectacle. Nous avons traversé la voie ferrée et vu la gare qui brûlait encore au milieu des ruines. Nos soldats et cheminots s’activaient déjà avec des civils aux travaux de déblaiements. Tous les pont sur l’Oise avaient sauté. On traversa sur un pont de bâteaux que nos pionniers avaient déjà lancé. On croisait toujours plus de groupes de prisonniers.

À Gilocourt on quitta le forêt et on se dirigea vers Béthancourt-en-Valois tout proche. La 10e Batterie prit la direction de Crépy pour s’installer sur de nouvelles positions. On ne tira pas de là. La batterie traversa Glaignes et Huleux et occupa une nouvelle position. Ce village était sous le feu nourri de l’artillerie française. Un violent orage accompagné de fortes pluies gêna l’avancée des travaux.

12 juin

Tôt le matin l’observatoire de la batterie fut établi au Mont Cornon. Vers midi changement de position pour Fresnoy-le-Luat. On se dirigea vers la sucrerie de Beaurain au sud

Dans l’après-midi toutes les batteries tirèrent sur Crépy-en-Valois.

Dans la soirée nous fûmes pris sous des tirs de contrebatterie si violents qu’il fallut déplacer le train de combat. Nos positions furent aussi touchées. Il fallut aussi se creuser des trous derrière le mur d’un parc pour se protéger des éclats tout en s’abritant de la pluie avec les toiles de tentes. Malgré l’intensité des tirs il n’y eu, Dieu soit loué, aucune perte

13 juin

Vers midi reprise de la progression vers l’est. Le IV.AR.194 qui avait soutenu une division voisine pendant deux jours rentra dans le giron de la 94 ID.

On traversa Duvy pour atteindre Crépy-en-Valois sévèrement bombardé. Sous un meilleur temps on traversa Levignen et on installa le bivouac pour la nuit à Boissy-Fresnoy.

 

© Marc Pilot – Picardie 1939 – 1945 – janvier 2012