Pages 15 à 19 de l'article du général PETIET
voir : 3e Division légère de cavalerie
viewtopic.php?f=36&t=3634Sur toute la partie ouest du front, et en particulier sur le plateau du Quesnoy, l'après-midi fut marqué par une évolution rapide des événements. Le groupe
Pouyat, du 72e R. A., allait y écrire, au prix de très lourds sacrifices, une page des plus glorieuses.
Le 1er groupe du 72e, était en batterie dans les bois de la ferme Buzincamps, à 2 kilomètres environ au nord-est du Quesnoy-sur-Airaines, tandis que le groupe
Châtelain était déployé dans la région Soues-le-Mesge, en appui du 6e Dragons.
Les mesures draconiennes prescrites touchant la circulation, les ravitaillements, le camouflage, étaient soigneusement appliquées : en outre, les tirs «n'étaient, en principe, effectués que par sections ou pièces nomades. Aussi le groupe n'eut-il que peu à souffrir des tirs ennemis de la matinée, qui battaient systématiquement les bois de Buzincamps et particulièrement leurs accès. Il put, par contre, effectuer de nombreux tirs sur les passages de la Somme notamment, en appui de notre infanterie.
Vers 9 heures, le commandant Pouyat recevait du colonel
Thomas l'ordre écrit de se reporter, avec son groupe, au sud du Quesnoy, sur un terrain et dans un dispositif permettant l'action optimum contre les chars.
Après reconnaissance, le commandant
Pouyat déplaça son groupe par échelon. La batterie
Vandelle, initialement disposée dans les vergers ouest du Quesnoy, à faible distance du P. C. du colonel commandant le 53e R. I. C. M. S., fut ensuite reportée sur un emplacement plus favorable à proximité des deux autres batteries, déployées à 500 mètres au sud et au sud-est de la route Quesnoy - Tailly - L'Arbre-à-Mouches. Quelques tirs avaient déjà été effectués sur les bois de la ferme Buzincamps occupés par l'ennemi, lorsque, vers 13 h. 30, l'officier de liaison avertit le groupe d'un débouché imminent des chars ennemis. A 14 heures, en effet, les chars furent aperçus au débouché, des lisières sud du Quesnoy.
Batterie
Vandelle (1). — Ils furent aussitôt pris à partie, entre 1.500 et 1.800 mètres, par la batterie
Vandelle et se divisèrent rapidement en trois vagues (2).
Laissant de côté la vague I, — la plus à l'ouest, qui rentrait mieux encore dans les possibilités des 1ère et 2e batteries, la batterie Vandelle ouvrit le feu sur les vagues II et III.
Elle obtint très rapidement une hausse courte au plus près des chars et exécuta un tir avec fauchage qui en démolit quelques-uns.
Tandis que la vague II, — vague centrale, — marquait un temps d'arrêt, la vague III s'écartait rapidement en s'infléchissant vers l'est, cherchant à tourner la batterie. Le capitaine Vandelle prescrit alors un tir par section : la section de droite barrant la vague III, la section de gauche passant au tir individuel sur la vague II, lui démolissant plus de 12 chars en moins de cinq minutes. Les pelotons de pièces effectuèrent ces tirs avec un sang-froid parfait, sans aucun affolement. En fait, la précision du tir fut remarquable.
Il n'y avait au groupe qu'une très faible quantité d'obus de rupture : une dizaine au maximum par pièce. On eut donc recours à tous les projectiles, même aux obus à balles, non dénués d'efficacité d'ailleurs, en particulier sur les chenilles. Quant aux obus explosifs, ils eurent un rendement excellent, chaque coup au but faisant sauter le char ennemi. Lors de l'impact, une grosse fumée jaune brun s'élevait, suivie du bruit d'un fort éclatement, puis du crépitement des munitions.
Bientôt un nombre de plus en plus considérable de chars débouchent au sud du Quesnoy : près de 300, signale le capitaine
Vandelle, qui, malgré l'efficacité de son tir, ne peut espérer les arrêter tous.
(1) Le 1er groupe (commandant
Pouyat) du 72e Régiment d'artillerie avait pour commandants de batteries : 1ère batterie, le lieutenant
Delplanque ; 2e Batterie, le capitaine
Klein ; 3e batterie, le capitaine
Vandelle.
(2) Voir le croquis page 12.
Rien ne manifeste plus la présence, sur cette partie du champ de bataille, de l'infanterie de la 5e D. I. C, avec laquelle les liaisons sont maintenant coupées.
Vandelle se prépare donc à faire un bond vers la crête située à 1 kilomètres plus en arrière, afin de recommencer le tir depuis cette nouvelle position, et fait alors rapprocher les tracteurs des pièces, moteurs restant en marche, chauffeurs au volant.
La vague de l'est, — III, continuait son mouvement tournant, mais elle était maintenant peu nombreuse et une importante proportion des chars furent détruits lorsqu'ils s'approchèrent de la batterie à 500 mètres.
Pendant ce temps, les chars ennemis de la vague centrale ajustaient de mieux en mieux leur tir : aussi, lorsqu'ils arrivèrent entre 600 et 800 mètres, le capitaine
Vandelle décrocha-t-il sa batterie : le repli s'effectuant par échelon : une section couvrant pat son tir le mouvement de l'autre. La 1ère section fut arrêtée sur la route par le capitaine adjoint du groupe qui, sur une position manquant malheureusement de vues suffisantes, réengagea la lutte, avec une magnifique âpreté, jusqu'à épuisement des munitions.
La 2e section décrocha lorsque la position fut devenue tout à fait intenable, les chars n'étant pas à plus de 300 mètres.
Elle se replia en ordre, profitant de tous les mouvements du terrain, jusque vers Montagne Fayel, d'où elle rouvrit à nouveau le feu contre les chars, jusqu'à épuisement de ses munitions.
La
batterie Delplanque avait, elle aussi, ouvert le feu sur les chars dès leur débouché du Quesnoy. Elle était renforcée d'un canon de 25 de l'escadron divisionnaire anti-chars qui, passant à ce moment sur la route, s'incorpora à elle avec la camaraderie de combat traditionnelle à la Division. Elle fut en butte, dès le début, à un tir des plus violents qui lui coûta des pertes sérieuses. Le lieutenant
Delplanque eut le bras emporté par un obus de char.
Couverte par une de ses pièces, qui prenait d'enfilade la route du Quesnoy, la batterie se replia vers Montagne Fayel, et le commandant du groupe, craignant l'entassement avec la 3e batterie, la ramena sur la crête suivante d'où elle ouvrit à nouveau le feu jusqu'à épuisement de ses munitions.
La 2e batterie, capitaine
Klein, était venue prendre position à la gauche des deux précédentes, en lisière d'une sapinière, au sud de la route du Quesnoy à l'Arbre-à-Mouches, à 500 mètres environ du cimetière du Quesnoy.
Lors du débouché des chars ennemis, elle prit aussitôt à partie la vague de l'ouest, n° I, composée de 40 chars environ qui marchaient droit sur la batterie. Le tir commença avec la hausse de 2.000 mètres et se manifesta rapidement efficace. Mais la riposte allemande s'avéra des plus brutales, causant à la batterie de lourdes pertes. Celle-ci fut peu après attaquée de flanc et à revers par une forte vague de chars, débouchant au sud d'Airaines : « 3 ou 4 lignes de 25 chars, comme pour une revue » , d'après les témoins oculaires. Elle fut, en peu de temps, complètement anéantie. Le capitaine
Klein, avec un sous-officier blessé, réussit la nuit suivante à passer au travers des lignes ennemies et à rejoindre la Division.
Le lieutenant
Maurice, grièvement blessé dès les premiers coups de canon, est, peu de temps après, blessé à nouveau et perd connaissance. Vers le soir il sort de son évanouissement ; ses forces ne lui permettent que de ramper ; il est, en effet, atteint de sept blessures. Il a un œil crevé et ne voit que faiblement à travers une fissure du caillot de sang qui lui recouvre la figure. Il quitte le bois rempli de cadavres et reste toute la nuit sur le bord de la route sans voir personne. Au matin, espérant pouvoir gagner nos lignes, il repart, parvient à atteindre Warlus où, exténué, il entre dans une maison, et s'endort. Réveillé par le bruit d'une colonne passant sur la
route, il se précipite : c'est une colonne allemande. Un officier s'arrête, le fait monter en side-car et le conduit à un poste de secours où il est pansé. Mais l'ambulance qui le transporte vers l'arrière s'engage dans Airaines où tient encore un bataillon du 53e R. I. C. M. S. Le lieutenant
Maurice retombe donc entre des mains françaises mais, dans la nuit du 7 au 8 juin, les Allemands entrent à Airaines et il est de nouveau fait prisonnier.
Il est environ 15 heures lorsque le commandant
Pouyat décide de regagner son état-major, abrité dans un petit bois voisin de la route Le Quesnoy-Montagne Fayel. Force lui est de ramper dans les blés, car il est sous le feu des mitrailleuses... Mais l'état-major du groupe : 25 hommes, dont de nombreux blessés disposant en tout de sept à huit mousquetons, est complément entouré par les chars ennemis et ne pourra être dégagé. Après destruction de son matériel, le personnel restant, qui a subi de lourdes pertes, tombera dans la soirée aux mains de l'ennemi.
Rejoint à ce moment, il est environ 16 heures, par son adjoint le capitaine
Marchand, le commandant
Pouyat se dirige sur Montagne-Fayel. Mais à l'entrée du village il tombe à nouveau sous le feu des chars ennemis et le capitaine
Marchand est grièvement blessé. En le halant dans le fossé de la route, il peut être relevé et emmené ; il devra, par la suite, être amputé de la jambe gauche.
Pendant toute la fin de l'après-midi, les débris du groupe, dispersés autour de Montagne-Fayel, ravitaillés en munitions par un groupe de 75 de la 5e D. I. C, en position vers le bois de Warlus, continueront à prendre sous leur feu les éléments blindés en marche vers Camps-en-Amiénois : 5 à 6 chars ennemis sont à nouveau détruits.
L'adjudant-chef
Bouden, de la batterie
Vandelle, se fait à nouveau remarquer par son ardeur combative et la précision de son tir.
En fin de journée, le groupe
Pouyat totalisait 38 chars détruits, dont 19 par la seule batterie
Vandelle.
Général
PETIETfin de l'article où il est indiqué :
(à suivre)
TOME LXXIV. — 1343. 2
18 BEVUE DES DEUX MONDES