Article complet de CAMILLE TYROU - édition du COURRIER PICARD du 23 octobre 2021
Hirson Six lycéens de Joliot-Curie font un travail de longue haleine depuis mars 2021 pour découvrir, apprendre et partager la mémoire et l’histoire d’une famille hirsonnaise, de confession juive et déportée à Auschwitz en 1942. Ils racontent en détail leur projet. Leur travail revient en quelque sorte à trouver une aiguille dans une botte de foin… Un nom, une adresse, une photo et la certitude que cette famille a été déportée. Voilà les seuls indices que possédaient les six lycéens lorsqu’ils ont démarré leur projet, qui consiste à retracer l’histoire de la famille Ayzen, de confession juive, installée à Hirson et déportée à Auschwitz en 1942. « C’est un projet porté par la Région Hauts-de-France depuis plusieurs années mais seulement depuis deux ans en Picardie. Le lycée a répondu à l’appel à projets et a été sélectionné pour y participer. Nous avons ensuite retenu six élèves de 1 re sur lettre de motivation » , détaille le professeur d’Histoire-Géographie, Lionel Wimmer, qui coordonne le projet.
Sur l’idée glissée par l’enseignant, Alicia, Aurélie, Raphaëlle, Léon, Gaylor et Simon ont décidé de mener un travail de fourmi pour raconter l’histoire de la seule famille de confession juive déportée d’Hirson. Un foyer qui a fui la Pologne dans les années 1920 pour vivre un temps à Nancy avant de venir s’installer à Hirson, au 24 rue de Vervins. « L’idée est de découvrir son histoire afin de comprendre ce qu’ils ont fait entre leur arrivée dans la commune et leur arrestation puis déportation à Auschwitz » , déclarent les lycéens.
Un travail digne de détectives, qu’ils effectuent chez eux ou ensemble au lycée en dehors de leurs heures de cours. « La première difficulté c’est que leur nom de famille est écrit de différentes manières selon les documents officiels. Il fallait s’assurer qu’on travaillait bien sur la bonne famille. Après on avait très peu d’indices au début, ça n’a pas été facile pour chercher des informations sur leur vie » , constate Gaylor.
Des recherches qui ont finalement pu porter leurs fruits grâce aux premières pistes affinées par les deux enseignants en charge du projet. « Nous les accompagnons dans ce projet en gérant toute la logistique. On est allé aussi à plusieurs reprises aux Archives départementales et aux Archives d’Hirson pour éplucher les premiers documents. On a trouvé une bonne dizaine de cartons dans lesquels les six lycéens allaient pouvoir se pencher pour leurs recherches. Ensuite, c’était à eux de garder ce qui allait bien pouvoir leur servir » , précise Lionel Wimmer. Depuis mars dernier, les six lycéens ont donc la tête dans le guidon, ou plutôt dans les cartons pour mener à bien leur projet. « Nos recherches se basent essentiellement sur des documents d’archives, des documents administratifs, des actes de naissances et on a aussi trouvé un livret scolaire. On a découvert que c’était une famille de cinq personnes, avec trois enfants : Georges, Rosa et Hélène, âgés de 15 à 18 ans. Ils étaient Polonais et ont fui leur pays dans les années 1920. Ils ont été naturalisés en 1937 avant d’être déchus de leur nationalité française en 1940 puis d’être déportés en 1942. On a découvert que le père tenait un magasin de vêtements à Hirson, « Au petit profit », installé au 26 rue de Vervins » , racontent les jeunes détectives. Mais un petit sentiment d’inachevé envahi le groupe de lycéens. « On a très peu d’informations et pas de témoignages puisqu’ils sont tous morts au camp. On ne sait pas trop ce qui leur est arrivé une fois là-bas. On a seulement fait des suggestions sur les circonstances de leur mort. Une chose est sûre, elle a seulement été actée en 2012. C’est assez frustrant de ne pas tout trouver pour retracer leur mémoire » , regrettent-ils.
De ce travail, les six lycéens ont choisi de réaliser six courtes vidéos pour présenter et retracer la vie de cette famille grâce aux documents qu’ils ont pu trouver. Ils réalisent aussi actuellement une carte interactive pour synthétiser leurs recherches. « L’objectif de ce projet, ce n’est pas le voyage mais de perpétuer la mémoire de cette famille au travers de leurs propres paroles. Ils deviennent en quelque sorte les transmetteurs et les ambassadeurs de la mémoire. C’est pourquoi, ils présenteront leurs travaux au lycée et dans les collèges des environs » , conclut le professeur Lionel Wimmer.
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