Bonjour à tous, La découverte du charnier du bois de Gentelles, le vendredi 8 septembre 1944, qui s'ajoute à de nombreuses autres exactions allemandes, suscite de vives réactions de dégoût de la part de la population picarde. Pour débuter son article, le journaliste de Picardie Nouvelle, dans son édition du mardi 12 septembre suivant, se lance dans une diatribe et se laisse submerger par de virulents sentiments anti-allemands, compréhensibles dans l'état d'esprit de l'époque mais inutiles de rappeler ici près de soixante-dix ans après les faits.
AU BOIS DE GENTELLES Dans des sapes de la guerre 1914-1918 on découvre 26 corps de Français assassinés par les Allemands Abattus sur place, les malheureux ont été achevés à coups de crosse [...] "Cette fois, se sont des civils qui ont été assassinés et qui sont morts après avoir été achevés à coups de crosse de fusil. Les constatations sont là, indiscutables. Il s'agissait, selon toute vraisemblance,de civils français, de ceux qu'on appelait des "terroristes" et qui étaient que de vaillants patriotes... Mais pouvaient-ils attendre mieux des Boches ? Bousculés et sans cesse harcelés par les Alliés et les F.F.I. nos oppresseurs devaient se résoudre à quitter Amiens à brève échéance. Dans la nuit - vraisemblablement celle du lundi 28 au mardi 29 août - pressés par la marche des événements, ils se trouvèrent dans l'obligation d'évacuer une partie de leurs prisonniers politiques. Ils procédèrent donc à cette opération, mais, en cours de route, à coups de mitraillette, ils exécutèrent leurs victimes à l'orée d'un bois - elles étaient dix-huit - les achevant à coups de crosse de fusil. Les assassins connaissaient bien l'endroit. Ils savaient qu'il y existait des sapes datant de l'ancienne guerre et ils y entassèrent les cadavres. Ils tentèrent alors de faire disparaître les traces de leur forfait en jetant de la terre sur les flaques de sang et en s'efforçant de combler l'entrée de la cagna. Ce n'était pas la première fois que les criminels procédaient ainsi puisque, dans une cagna voisine, on devait retrouver huit autres corps qui y avaient été cachés, semble-t-il, quelques semaines auparavant.
Une odeur suffocante
Les F.F.I. de Boves, Gentelles et Villers-Bretonneux, dont l'action avait été particulièrement importante, aussi bien avant la libération qu'à l'occasion du départ des Boches, avaient procédé vendredi dernier à des battues en vue de s'emparer des ennemis pouvant encore se trouver dans la région. Vers 18 heures, sous le commandement du chef Lefèvre, commandant la brigade de gendarmerie de Boves, ils fouillaient le bois de Gentelles. le lieutenant Laurent - un brave que les F.F.I. de Boves abritaient depuis le 11 août dernier, date à laquelle il avait été parachuté - arrivait avec un groupe d'hommes à la lisière du bois en direction de la Grenouillière lorsqu'il sentit une insupportable odeur cadavérique. Il crut tout d'abord à la présence du cadavre d'un quelconque animal. Mais il se rendit rapidement compte qu'il s'agissait de tout autre chose. Les F.F.I. qui l'accompagnaient et qui connaissaient bien cette partie du bois, purent remarquer que les entrées de deux sapes -vestiges de la guerre 14-18 - avaient été presque complètement bouchées et ce, tout récemment. Dans la partir haute de l'une et l'autre cagnas, subsistait une petite ouverture d'où s'échappait l'intolérable odeur. La lueur d'une lampe électrique permit d'apercevoir un soulier à l'intérieur d'une des cagnas. Il n'y avait pas de doute : un corps humain, pour le moins, gisait à cet endroit. Un examen plus poussé permit de constater qu'il ne s'agissait pas d'un corps, mais de plusieurs. Même constatation pour l'autre sape. De plus, devant l'une des cagnas - celle où l'odeur était la plus forte - on découvrit de larges traces de sang et, auprès d'elles, des douilles de mitraillette. On découvrit également un papier de boucherie portant, écrit au crayon, le nom de Blancherd. Les autorités furent prévenues et le capitaine Fortin, commandant les brigades de gendarmerie de l'arrondissement d'Amiens, se rendit à Gentelles : il n'y avait aucun doute, on se trouvait en présence d'un charnier et d'un charnier ne datant que de quelques jours. Plusieurs habitants de Gentelles se souvinrent d'avoir entendu, peu de jours auparavant, des coups de feu et des rafales de mitraillette. M. René Lesage, fils du maire de Cachy, qui s'était réfugié à Gentelles avec ses chevaux pour échapper à la réquisition, avait entendu, dans la soiréee du 25 août, des coups de feu en provenance du bois. M. Lenne, instituteur et secrétaire de mairie de Gentelles, avait été interpellé dans la matinée du mardi 29 août par l'officier allemans stationné dans la commune, qui lui avait dit : - Monsieur, il y a des francs-tireurs à Gentelles. Hier soir, vers 11 h. 30, on a tiré des rafles de mitraillette dans le bois. Si cela recommence, je serai impitoyable avec la population. Je prendrai des otages, vous le premier. Faites bien attention ! De plus, le 31 août au matin, deux F.F.I. de Gentelles, MM. Raymond Drouard et Etienne Pillot, qui étaient à la recherche d'armes, passaient aux abords des cagnas lorsqu'ils aperçurent deux soldats allemands. Il s'agissait des occupants d'une chenillette culbutée au bord de la route et qui les firent partir en les menaçant de revolvers. S'agissait-il là des deux assassins revenus sur les lieux de leur forfait ?
à suivre ...
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