TRAVECY (Aisne)
BLOCH 152
Je portais, je l'avoue une tendresse particulière à ce pilote de chasse disparu, non pas que je l'aie connu, mais sa femme le recherchait avec une douleur si pathétique et si digne à la fois , que je résolus de m'attacher passionnément à résoudre le tragique mystère. [...] J'avais appris que le lieutenant Rémi PERONNE était un "pilote de 14", un de ceux qui, venu à vingt ans dans l'aviation, lui furent à jamais fidèles. Il passait ses dimanches sur les "terrains", goûtant cette merveilleuse libération que donne seul le vol. Il disait souvent, à sa famille, qu'il ne voulait pas devenir un "vieux monsieur rhumatisant, et que ce serait en plein ciel qu'il mourrait". En mars 1940 il refusait de reprendre sa situation d'ingénieur à Paris et de quitter son escadrille. [...] L'avis de disparation, donné par le commandant du groupe 2/10, précisait : "Lieutenant Rémi PERSONNE abattu en combat aérien le 17 mai 1940 vers midi, alors qu'il pilotait un Bloch 152 n° 117 (le 2 dans l'escadrille)." un autre Block, du même groupe, avait été également abattu au cours de ce combat, ce qui s'était produit "dans un secteur de 50 kilomètres autour de Chauny (Aisne)" et qui opposait 17 avions français à une soixantaine d'avions allemands. Bien des appareils, tant bombardiers que chasseurs, étant tombés dans l'Aisne, je vérifiais une par une toutes les indications reçues à leur sujet. En particulier, je réussis, après mille patientes démarches, à identifier les cinq pilotes de chasse inhumés comme "aviateurs inconnus" dans le secteur de Chauny.
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A TRAVECY, un avion gisait dans la plaine, près du chemin de Tergnier, au lieu dit "La Fontaine", à côté d'une rangée de peupliers... Une croix était plantée à côté des ferrailles déchiquetées et noircies par l'incendie. Croix symbolique seulement, car le corps du pilote n'avait pas été retrouvé. Le combat s'était passé le 17 mai , vers midi, à très haute altitude (7 à 8000 mètres). Du sol on pouvait seulement voir une nuée d'avions tournoyant dans le ciel ; mais soudain, un appareil français s'abattit en flammes. Nul ne sauta en parachute... [...] Quand le feu fut éteint, on trouva parmi les ferrailles tordues quelques débris d'uniforme d'où se dégagea, un peu plus tard, une odeur cadavérique... Puis ce furent l'exode et la bataille de l'Aisne. En octobre 1940,, lors de mon premier voyage, l'avion brisé gisait toujours, gardant encore son tragique mystère que je devais mettre si longtemps à percer. L'eau remplissait la cavité de percussion, en vain je retournais les débris ; le moteur, complètement enfoui au sol, n'était pas accessible, la dérive était en accordéon, et la peinture écaillée par le feu. Je pus seulement déchiffrer "Blo..52". J'emportais cette pièce capitale, craignant que l'hiver la rende encore moins déchiffrable, ou que les "amateurs de souvenirs" ne s'en emparent. A mon retour à Paris, je demandais à des mécaniciens de l'étirer, mais nul ne voulut se charger de ce travail trop délicat... Souvent je revenais tourner autour de ce Bloch 152 inconnu, comme si j'espérais qu'il allait enfin miraculeusement, me révéler son mystère. A l'été, avec le concours de M. Dubois, président de l'aéro-club de l'Aisne, nous fîmes d'ultimes travaux pour essayer d'extraire le moteur de sa gangue de boue, et récupérer la plaque de contrôle. Hélas, une nappe d'eau souterraine rendit nos investigations fort laborieuses car, à mesure que nous pompions l'eau en surface, elle revenait par le sous-sol. En vain nous avions travaillé, nombreux, tout un jour. Nous n'avions trouvé que quelques ossements carbonisés, quelques boutons d'uniforme, mais aucune pièce technique, aucun objet personnel, susceptibles de nous préciser l'identité du pilote mort.
Germaine L'Herbier-Montagnon - Disparus dans le ciel - pages 150 et 151
Cordialement Eric Abadie
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