Article du COURRIER PICARD de l'édition du 12 septembre 2021 page 7
Article de THIERRY GRIOIS
CROUY-SAINT-PIERRE (Somme)
HOMMAGE aux tirailleurs sénégalais Tombés si loin de leurs pays
Crouy-Saint-Pierre L’inauguration de la stèle du Tirailleur sénégalais, plus largement dédiée à tous les soldats originaires d’Afrique tombés en France lors de la Seconde Guerre mondiale, a été empreinte de solennité et d’émotion hier. Des représentants des ambassades du Congo, du Mali, du Gabon et du Sénégal étaient présents. Il aura fallu attendre plus de 80 ans pour qu’une stèle rende enfin hommage au sacrifice des 134 combattants africains du 44 e Régiment d’Infanterie Coloniale tombés dans le village lors des combats des 5 et 6 juin 1940 contre l’armée allemande. Un régiment qui comprenait des jeunes soldats venus du Sénégal, du Gabon, de Guinée, de Côte d‘Ivoire, du Congo, du Mali, alors colonies françaises. L’importance de la cérémonie de ce samedi 11 septembre, sa solennité et son émotion, étaient à la hauteur de cette longue attente. Une cérémonie qui a consisté en particulier à inaugurer, en présence de nombreux élus, la statue en résine composite représentant un tirailleur sénégalais du sculpteur-plasticien Olivier Briquet. Au pied de cette statue expressive, implantée au bord de la Départementale 3 qui traverse le village, Hamidou Camara, un Amiénois de 24 ans, originaire de Guinée-Conakry, qui a servi de modèle au sculpteur, était particulièrement ému.
« UNE VRAIE RECONNAISSANCE DU PEUPLE FRANÇAIS »
« J’ai rencontré Olivier Briquet lors d’un stage que je faisais à l’association La Courte Échelle à Ailly-sur-Somme en 2018. Il m’a demandé de lui servir de modèle et j’ai accepté », rappelait-il. Avant d’ajouter : « Ce jour et cette statue sont très importants pour moi parce que je représente ici toute l’Afrique. Je lui donne une image. Et j’ai vraiment à cœur de représenter mon continent et tous les pays dont les jeunes soldats se sont battus ici. C’est une journée vraiment très particulière dont je me souviendrai et à laquelle je suis heureux de participer. Cette cérémonie est une vraie reconnaissance du peuple français. Elle fait écho pour moi au bon accueil que j’ai reçu en France il y a quelques années… »
Quelques minutes plus tôt, le jeune homme avait été applaudi par les représentants des ambassades du Congo, du Mali, du Gabon et du Sénégal, présents sur place, pour avoir prêté ses traits à la statue. Norbert Ékouya-Ngatse, attaché militaire auprès de l’ambassade de la République du Congo, en tenue militaire, était de ceux-là. « Pour nous, cette journée commémorative est importante, soulignait-il, en mettant ainsi à l’honneur le Tirailleur sénégalais, elle rappelle qu’avant que nos pays soient indépendants, nos grands-parents et nos parents ont combattu et donné leur vie pour la France. Même si je suis soldat, l’émotion est là aujourd’hui, devant le sacrifice de ces hommes. Cela donne à méditer sur leur courage. Je trouve dommage que les jeunes générations de Français ne connaissent pas ou peu cet aspect de la Deuxième Guerre mondiale. D’autant plus que, c’est de mon pays, de Brazzaville, alors capitale de la France libre, que le général de Gaulle a lancé son célèbre appel aux Africains pour qu’ils l’aident dans une offensive contre l’ennemi allemand le 26 octobre 1940. Ce sont des repères historiques qui manquent aujourd’hui. » Des repères que la statue inaugurée ce samedi contribuera à ne pas totalement effacer. LE CONTEXTE HISTORIQUE DE LA STATUE La statue inaugurée officiellement ce 11 septembre mais en place depuis mai dernier, représente un tirailleur sénégalais en arme et porteur de sa chéchia. Elle a été érigée à la mémoire des Armées Coloniales Françaises qui ont combattu dans la région en mai et juin 1940. Le 44 e Régiment d’Infanterie Coloniale, intégré aux troupes du commandant Raoul Salan, défendait les villages de Crouy-Saint-Pierre, où la section du capitaine Amédée Blay était positionnée, et Saint-Pierre à Gouy, où était positionnée celle du capitaine Jean-Alexandre Heurtebise, les 5 et 6 juin. Tous ont été massacrés.
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