En hommage au soldat catalan Félix Tarris est le dernier des cinq soldats originaires du Roussillon morts au champ d'honneur le 6 juin 1940 à Épénancourt à être toujours inhumé dans le cimetière du village de la Somme. L'histoire mémorielle entre l'est de la Somme et les Pyrénées orientales est partie d'une découverte en 2016, quand le maire, Pascal Blondelle, a trouvé au fond d'un tiroir deux petites plaques d'immatriculation militaire (Courrier picard du 24 janvier 2018). L'une des plaques portait le nom de Félix Tarris avec la mention «Perpignan» au verso. Les recherches de Steve Normand, président des anciens combattant du canton de Nesle, de l'Onac (Office national des anciens combattants) et du service de sépulture de Bray-sur-Somme ont permis de faire le lien avec les cinq soldats tombés le 6 juin 1940 à Épénancourt. Une cérémonie d'hommage est organisée aujourd'hui pour les 78 ans de la disparition du soldat du Roussillon. «En tant que représentants de la commune, nous ne pouvions pas ne pas y aller.» Gérard Soler, maire de Corbère-les-Cabanes, le village de la famille Tarris, et son premier adjoint Jean-Pierre Brial, se sont posés en avion à Charleroi en Belgique le 5 juin, avant de descendre dans la Somme. Les deux élus viennent avec le drapeau tricolore de Corbère-les-Cabanes, qu'un ancien combattant centenaire de la Somme portera lors de la cérémonie.
La famille venue en 1950 sur la tombe Trois frères, arrières-petits-cousins de Félix Tarris et leur oncle Albert ont fait aussi le long voyage d'un millier de kilomètres, mais pour eux en voiture, pour assister à l'hommage à Épénancourt. «J'ai connu mon arrière-grand-père jusqu'à mes 11 ans et il me parlait de son beau-frère mort à la guerre», confie Christophe Grando, domicilié à Millas, où était né en 1910 son aïeul Félix-Julien Tarris. Mort quatre jours avant ses 30 ans, le soldat de 1940 n'a pas laissé de descendants directs. Seule l'une de ses deux soeurs, Justine, arrière-grand-mère des Grando, a fondé une famille après guerre. «En apprenant cette histoire, nous avons tout de suite voulu monter. Il s'est sacrifié pour nous et il est loin de sa famille», poursuit Christophe Grando. L'arrière-petit-cousin quadragénaire sait que ses grands-parents avaient fait leur voyage de noces en 1950 à Épénancourt pour se recueillir sur la tombe de leur aïeul, le seul qui n'avait pas retrouvé sa terre natale à la fin de la guerre. Pour la cérémonie, l'association du Souvenir français du canton de Roye a rénové la tombe et l'Onac a offert la nouvelle croix.
Des Panzers et la Luftwaffe contre des défenseurs sans munition Le président local du Souvenir français, André Melet, revient sur les combats des 5 et 6 juin 1940. «C'était la 2e grande offensive allemande qui s'est déroulée au sud de Péronne. Il s'agissait du plan Falrot. Sur 6 kilomètres, il y avait 640 Panzers et la Luftwaffe en appui. Ces soldats pyrénéens appartenaient au 112e RIA (Régiment d'infanterie alpine). Ils tenaient un pôle de défense mais manquaient de munitions.» C'est dans ce combat inégal qu'ont été tués Félix Tarris et ses frères d'arme. Le 6 juin sur la tombe de Félix Tarris, ses descendants déposeront une plaque avec le Mont Canigou gravé. Le symbole d'un pays natal que le soldat a quitté à tout jamais 78 ans plus tôt.
Nicolas TOTET, Courrier Picard, 6 juin 2018
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