NESLE
INHUMATION DE SIX SOLDATS "MORTS POUR LA FRANCE"
Sur les instructions de la préfecture en même temps que sur la demande de la Croix-Rouge de Genève, M. le Maire de Nesle a fait procéder le 26 mars, à l'exhumation des corps de six soldats "morts pour la France". Ces braves, qui tous appartenaient au 65e B.C.A. ont été tués au cours de la bataille commencée le 5 juin (1940) sur la Somme et qui s'est poursuivie avec acharnement pendant les journées du 6 et du 7 (juin 1940). Au cours de cette lutte malheureusement par trop inégale, de belles unités se sont glorieusement défendues, lâchant le terrain pied à pied, succombant seulement sous le nombre et devant la supériorité mécanique des Allemands : c'est ainsi qu'une division alpine qui tenait ce secteur a vaillamment combattu et subi des pertes sensibles dans notre région, et tout particulièrement dans notre ville. Vingt braves dorment ici leur dernier sommeil, loin du soleil de leur Provence, et leurs tombes étaient jusqu'à présent dispersées çà et là dans la petite cité. Pour six d'entre eux, enterrés sans doute précipitamment au cours de la bataille, la croix de bois signalant le lieu où ils reposaient, ne portait aucune indication d'identité. C'est pourquoi leur exhumation avait été décidée afin de rechercher tout ce qui pourrait donner une indication quelconque permettant de les identifier. Le Maire, aidé des employés municipaux et de personnes dévouées, a procédé à cette douloureuse besogne : la ténacité et le sentiment du devoir avec lequel ils recherchent le moindre indice sur ces dépouilles permettra sans doute de retrouver les noms de trois de ces morts. Cette funèbre opération achevée à 11 heures, un à un, portés par les anciens combattants des deux guerres, leurs camarades, les cercueils contenant leurs restes ont été acheminés vers la crypte servant actuellement d'église. La demi-obscurité de la crypte ornée avec goût et simplicité aux couleurs de la France, semblait ajouter encore au recueillement d'une telle cérémonie. Avant que le sixième et dernier cercueil n'ait été amené sur le sobre catafalque tricolore, et que toutes les délégations n'eurent pris place, la crypte s'était remplie peu à peu d'une foule nombreuse et recueillie. C'est dans un silence émotionnant que commença la messe de Requiem, célébrée par M. l'abbé Carette, doyen de Nesle. Traduisant l'émotion de toute l'assistance, la chorale Sainte-Cécile alterna les chants liturgiques avec M. Chartier, chantre, et exécuta quelques morceaux appropriés à la circonstance. Après la messe, les six cercueils repris par les Anciens Combattants, puis placés sur un fourgon décoré de feuillages et de drapeaux, les Anciens Combattants de 1914-18, et ceux de 1939-40 formant la garde d'honneur. Suivaient ensuite : le docteur B..., président du Souvenir Français de la section de Péronne, accompagné d'une infirmière ; M. Longuet Maire de Nesle, et le Conseil municipal ; les dames de la Croix-Rouge française et du secours national ; une délégation des enfants des écoles conduite par M. L. Leroy, Directeur, puis la foule des assistants. On peut dire que tous les foyers neslois étaient représentés à cette manifestation de foi et du souvenir, remplaçant auprès de ces six soldats anonymes tombés au Champ d'honneur, la famille lointaine qui, en ce jour encore, garde peut-être le secret espoir d'une nouvelle de l'absent, qui hélas ! ne reviendra plus. Au cimetière chacun, avec une émotion difficile à contenir, défile lentement devant les dépouilles, en emportant la leçon de leur sacrifice et en songeant à la France qui ne saurait mourir.
Le Progrès de la Somme, numéro 22324, 6 - 7 avril 1941
Cordialement Eric Abadie
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