Edition du Progrès de la Somme du lundi 29 juillet au jeudi 15 août 1940 page 2
Arrondissement d'Amiens
AIRAINES
La petite ville d'Airaines peut être considérée comme entièrement détruite. Quatre-vingt-dix pour cent des maisons sont anéanties. Par miracle, l'hôtel de l'Ecu de France et les maisons voisines sont presque indemnes. La rue de l'Abbé-Perdu, depuis la Boulangerie Liétaer jusqu'aux dernières maisons vers Paris, en y comprenant la place de l'Abbaye, n'a presque pas souffert. Le quartier de Dourriez, à partir du pont, a été broyé par la mitraille. Toutefois, la maison de M. Marcel Lefebvre, la maison voisine et le château de M. Lévis n'ont pas trop souffert. L'hospice (où la Mairie s'est installée) est presque indemne. Un seul obus est venu frapper le pavillon des femmes. Par miracle également, l'église Notre-Dame, ainsi que les tours du vieux château n'ont pas souffert. Par contre de l'hôtel de ville il ne reste que les quatre murs et les halles, grandes et petites, ont entièrement flambé. Il en est de même de tout le quartier du marché, en y comprenant la rue Tripier. Le quartier de la rue Saint-Denis et route d'Amiens est radicalement détruit, avec les écoles et le presbytère. L'église a reçu quelques obus dans sa toiture, qui a été percée, ainsi que la voûte et quelques-uns sur le clocher. Celui-ci paraît avoir résisté. Il y a une bonne centaine de personnes restées ou rentrées à Airaines ; toutes sont occupées à déblayer les routes principales. Il ne rete plus que que la rue Tripier qui soit encore impraticable. Le ravitaillement n'est pas facile. On manque de choses indispensables, comme par exemple : de sel de cuisine, de bougies, d'allumettes etc. M. Buteux, deuxième adjoint, est rentré et a installé sa boucherie dans la maison Dingeon, charcutier, qui est intacte. M. le docteur Lheureux exerce son art dans la maison de M. Lefeuvre, rue de l'Abbé-Perdu. M. Alfred Assegond, conseiller municipal, dont le fils a eu la jambe gauche sectionnée par un éclat d'obus, seconde M. Buteux. Les autorités militaires allemandes se montrent aussi serviables que possible. Chacun s'accorde à le reconnaître. La tâche de la municipalité est facilitée largement par la présence de M. André Laboulet, qui connait parfaitement la langue allemande. Le Quesnoy-sous-Airaines est presque entièrement détruit. M. Léon Catuhe, l'excellent maire d'Airaines, a été évacué très souffrant. Son état de santé, un moment alarmant, s'est amélioré depuis quelques jours. Nous lui souhaitons un prompt rétablissement. Il est actuellement à Letierdre-Pouldu, villa "Le Touën" par Clohars-Carnoët (Finistère). C'est M. Ernest Fréville qui faisait fonctions de maire dans les jours qui précédèrent l'évacuation. Il demeura à son poste sous les bombardements, dont le premier, celui du 20 mai, avait provoqué la panique et l'exode presque général de la population. Il fit donner une sépulture provisoire sur place aux morts, entr'autres chez M. Cavillon, ancien sénateur, à deux belges et une femme, et c'est lui qui assura la difficile évacuation des vieillards, car il n'y avait plus personne. Deux vieilles femmes de Domart-en-Ponthieu étaient demeurées dans les caves, chez M. Ricout. L'une a succombé depuis. Les vieillards et les infirmes parvenaient le 6 juin à Cesson, près de Saint-Brieuc. Pendant le bombardement du 20 mai, Mme Rincheval, femme d'un gendarme de la Brigade d'Airaines fut tuée, tandis que le gendarme Choquet près d'elle, n'était que blessé.
Cordialement E. Abadie
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