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 Sujet du message : Rozoy-sur-Serre, 1940
MessagePublié : ven. juin 10, 2022 10:51 am 
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L'Union, 7 avril 2020
Du côté de Rozoy-sur-Serre

La situation se dégrade rapidement dans le département de l'Aisne. Jean Beudy, qui est employé aux Grandes Minoteries de Rozoy-sur-Serre, constate le premier mouvement d'exode avec, notamment, le meunier Leblond qui part avec son épouse en camionnette pour une première étape à Laon. «Le mercredi 15mai 1940, vers 10heures, des avions ennemis ont survolé le secteur à basse altitude puis ont bombardé la voie ferrée de la ligne Laon-Liart, à moins d'un kilomètre de la gare de Rozoy. Un homme est tué. Il s'agit d'un cheminot habitant Chery-lès-Rozoy.» Le jeune employé apprend, vers 11h30, le départ de la boulangère: «Elle passe en voiture et annonce à qui veut bien l'entendre qu'elle évacue et qu'elle a dû laisser le pain dans le four à Marlemont, parce que les Allemands y sont déjà arrivés.» Cette information, ainsi diffusée, met en colère le brigadier de gendarmerie Rochel qui veut la faire emprisonner pour «propos défaitistes et propagation de fausses nouvelles».


Un side-car et un camion

De retour chez lui, Jean Beudy apprend que son frère, en permission depuis cinq jours, doit rejoindre d'urgence son régiment tandis que son père se fixe un double objectif: emmener son fils à la gare et mettre à l'abri une cousine, Mathilde Gobron, jeune mariée, enceinte et sur le point d'accoucher. Les réfugiés qui arrivent du nord sont de plus en plus nombreux. Ils traversent le village souvent sans s'arrêter. Certains affirment que: «les boches», les suivent à quelques kilomètres. Si les Allemands vous trouvent ici, ils vont penser qu'on vous cache et alors, c'est sûr, nous allons tous mourir La mère d'un témoin, pour protéger sa famille L'information est alors impossible à vérifier mais entre 17et 18heures, il n'y a, cette fois, plus de doute: «J'ai aperçu, débouchant de la route de Raillimont, face à la fontaine, un side-car équipé d'un fusil-mitrailleur. D'un bond, je suis rentré à la maison et j'ai fermé la porte. J'ai juste eu le temps de voir un camion militaire stopper devant le café de l'Industrie. Il y a eu plusieurs coups de feu. Je suis retourné dans la cuisine où se tenait mon grand-père Blaise, une amie de la famille, Blanche, et maman, très inquiète, craignant que papa, sur le retour, tombe sur l'envahisseur.»


Un drôle d'abbé

Soudain, un capitaine français traverse la cour des Beudy. Il est bizarre, affirme être l'abbé Toulemont de Quimper et assure qu'ils vont tous mourir: «Il nous a ordonné de nous mettre à genoux pour recevoir l'extrême-onction.» La maman de Jean, furieuse, lui réplique: «Laissez-nous, si les Allemands vous trouvent ici, ils vont penser qu'on vous cache et alors, c'est sûr, nous allons tous mourir.» Le 16, en début de matinée, un char dégage la rue encombrée de véhicules abandonnés. La journée est tendue. Plusieurs familles se regroupent au café et, dans la nuit, des camions d'essence sont bombardés: «Nous avons vu les maisons et l'hôtel de la Place en flammes. Le carburant en feu s'écoulait dans le caniveau face à la mairie. Nous nous sommes repliés vers la rue Notre-Dame puis nous nous sommes abrités le long d'une haie près du cimetière.» Tout un quartier du bourg est en feu.

Hervé Chabaud

Nota : il existait bien un abbé Toulemont, professeur d'histoire à l'école Saint-Yves de Quimper avant la guerre. Devenu commandant de réserve, il reçut la Légion d'honneur, à titre militaire, en 1950. Il était alors recteur de Kerlaz.


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