Historique du 78e Régiment d’Infanterie pendant la guerre 1939-1940 Charles-Lavauzelle et Cie, imprimeurs (Paris – Limoges – Nancy) Page 51 à 54
8 juin 1940 La 6e compagnie est en position à Chaussoy et dans le parc de cette localité. Commandée par le capitaine Guyomar, le P. A. de cette unité comprenant 3 sections de F.-V. (lieutenant Rebeyrotte, adjudants-chefs Faure et Bassibey), une S. M. (lieutenant Boudet), 2 canons de 25, 1 canon de 37 et 1 canon de 75 anti-chars. La 4e section de F.-V. de la compagnie (adjudant Couhet) est à Hainneville. Le P. C. du bataillon s'installe aux lisières sud-ouest du village d'Epagny. L'ennemi recherche immédiatement le contact. La 6e compagnie signale à 7 heures qu'une colonne blindée de 40 chars légers débouche de la corne ouest du bois de Berny et se dirige sur la ferme (cote 118) où se groupent également 50 motos. Dès le début de la matinée, on observe un passage continu de colonnes motorisées ennemies descendant vers le sud, sur la route Amiens - Paris, ce qui ne laisse aucun cloute sur l'importance de la rupture de notre front et sur notre situation. Vers 8 heures, un motocycliste allemand est tué aux lisières nord du parc de Chaussoy. Le 8 juin est la journée de la 6e compagnie. Il est environ 9 heures, quand sur les lisières ouest et nord du parc, se produit la première tentative de l'infanterie allemande, accompagnée de quelques chars. Elle est stoppée par les feux de mitrailleuses, de F. M.. et de V. B. Cette tentative est suivie d'un calme apparent, mais des ronflements de moteur indiquent une mise en batterie de l'artillerie adverse vers le bois planté. Jusqu'à 22 h. 30, la compagnie est soumise à des bombardements par obus de moyen et de gros calibres presque incessants occasionnant de nombreux tués et blessés dont on peut évaluer le nombre à plus de la moitié de l'effectif. Des attaques violentes et réitérées de l'ennemi sont toutes repoussées après, parfois, d'énergiques contre-attaques pour reprendre le terrain momentanément perdu. Durant toute la journée, le capitaine Guyomar s'est dépensé sans compter, allant constamment d'une section à l'autre, s'imposant à tous par son calme, son sang-froid. son mépris absolu du danger, sa volonté à tonte épreuve, galvanisant toutes les énergies par son magnifique exemple et réussissant ainsi à conserver la position intacte. Les munitions sont parfois épuisées, mais le ravitaillement et les liaisons s'opèrent malgré tout. Le lieutenant Dabin, faisant preuve d'un dévouement admirable, arrive lui-même en chenillette avec obus de 37, de 25, grenades et cartouches. Les agents de liaison arrivent encore fréquemment au P. C. du bataillon. De nombreuses armes automatiques, les roulantes, sont démolies, les chevaux tués. Les caves du château servent de poste de secours. Le médecin lieutenant Bourland et le médecin auxiliaire Charcosset soignent les blessés et les évacuent, quoique difficilement, sur Epagny. Le chef de bataillon reçoit un ordre de repli qui ne doit être exécuté que sur pression de l'ennemi. Il donne aux commandants de compagnie l'ordre de tenir jusqu'à la nuit et dans tous les cas de ne pas bouger sans son ordre. Il estime que se replier dans de telles conditions serait trop dangereux. D'ailleurs, l'activité de l'artillerie ennemie fait sérieusement sentir ses effets sur le bois de Rampont, violemment bombardé entre 17 et 20 heures, sur Epagny qui reçoit environ 200 obus. Mais les liaisons téléphoniques sont constamment à rétablir avec le P. C. R. I. et avec le III/78e, d'autant plus que le 3e bataillon n'est plus relié au P. C. R. I. que par le II/78e. Bombardement également sur Hainneville vers 15 heures, quelques blessés graves ; ici quelques tentatives d'infiltration de l'infanterie allemande. Sur le flanc gauche du bataillon, la 7e compagnie signale à trois reprises le passage, à 1.800 mètres, de colonnes se dirigeant vers le sud (La Faloise). Le village d'Epagny risque de se voir tourné par le sud. Sur l'ordre du chef de bataillon, la surveillance redouble sur la route allant à La Faloise, afin de s'opposer à toute infiltration entre ce village et Epagny. Vers 17 heures, le chef de bataillon est, appelé au P. C. R. I. Le colonel lui apprend qu'il porte son P. C. au bois de Fay et lui donne l'ordre, tout en conservant Hainneville, d'installer le II/78e sur la rive est de la Noye, pour en interdire le franchissement en faisant face à l'ouest (quartier 200 mètres à l'ouest de la ferme de Courcelles et Hainneville). Le chef de bataillon établit son ordre de repli et de défense. Le P. A. d'Hainneville reste placé sur la rive ouest et face à l'ouest, la 6e compagnie sur la rive est à hauteur d'Hanneville constituera le P. A. de droite en liaison avec le 1/78e. Au centre, et légèrement en retrait dans un boqueteau, la 7e compagnie avec le P. C. du bataillon. A gauche, la 5e compagnie à hauteur de la ferme de Courcelles et en liaison avec le III/78e. L'ordre arrive à 20 h. 30 au P. C. de la 7e compagnie ; à 21 heures au P. C. de la 6e compagnie. A partir de 22 h.30, la 7e compagnie décroche par échelons et sans incident ni perte. La 6e compagnie éprouve plus de difficultés ; au moment même où arrivait l'ordre de repli, des formations compactes ennemies se dirigeaient du bois de Berny vers le parc, mais elles furent arrêtées avant d'avoir atteint la lisière. Ce n'est qu'à la nuit tombante que l'effort ennemi s'arrête et le repli s'effectue à partir de 22 h. 30. Avec le lieutenant Rebeyrotte, le capitaine Guyomar, le dernier, quitte le parc rempli de fumée. Le village de Chaussoy brûle ainsi qu'une barricade, les issues nord et est sont bombardées et battues par les mitrailleuses. Enfin, la 5e compagnie, restée pour tenir Epagny jusqu'au repli de la 6e compagnie, franchit le pont sur la Noye vers 24 heures. A leur passage à Epagny, les compagnies reçoivent du chef de bataillon des indications verbales complémentaires sur leur nouvelle mission. Le lieutenant du génie chargé de faire sauter le pont reçoit du lieutenant Hubert l'indication que le bataillon s'est écoulé en entier. Mais le 2e R. I. C. passe toujours. A la suite de l'admirable conduite de la compagnie, cette unité a été l'objet de la citation collective ci-dessous : ORDRE N° 1361/C. CITATION A L'ORDRE DE L'ARMÉE. 6e compagnie du 78e régiment d'infanterie. « Chargée le 8 juin 1940 de tenir le point d'appui du parc de Chaussoy, entourée de trois côtés, a subi dans la matinée, une intense préparation d'artillerie de plusieurs heures. A ensuite brisé quatre attaques successives de chars et d'infanterie, clouant au sol le gros des attaques à 100 mètres de sa position, par de vigoureuses contre-attaques refoulant ou détruisant des éléments qui avaient pris pied dans la position, infligeant à l'adversaire des pertes importantes en personnel et en chars Malgré la supériorité d'un adversaire ardent et obstiné et ses pertes extrêmement sévères, a maintenu l'intégrité absolue de sa position. Ne s'est repliée que sur ordre, au contact même de l'ennemi, ramenant tous ses blessés et tout son matériel. Par son héroïque résistance, a forcé l'admiration de l'adversaire dont le chef a tenu, après la capture du commandant de compagnie, à adresser à ce dernier, ses éloges chaleureux pour la belle conduite de son unité. Le présent ordre comporte l'attribution de la croix de guerre avec palme. Grenoble, le 12 janvier 1943. Signé : DENTZ.
J.O. du 13 mars 1943 pages 738 et 739 Nomination dans l'ordre de la Légion d'Honneur Pour Chevalier GUYOMAR (Edmond), capitaine au 78e régiment d'infanterie : commandant de compagnie de F. V. qui a fait l'admiration de ses chefs et de ses subordonnés. par son cran, son énergie sa volonté à toute épreuve. Le 8 juin 1940 son point d'appui du parc de Chaussoy ayant été soumis à un violent bombardement de plusieurs heures, n'a cessé, pendant tout le bombardement, de parcourir le front de son unité encourageant les hommes à la résistance, le maintenant sur place. A, par la précision de ses feux, brisé quatre attaques successives de chars et d'infanterie, clouant au sol le gros des attaques à 100 mètres de sa position ; par des vigoureuses contre-attaques, a refoulé ou détruit les éléments ennemis qui avaient pris pied dans la position, infligeant à l'adversaire des pertes importantes en personnel et en chars. Malgré la grosse supériorité d'un adversaire ardent et obstiné, et des pertes extrêmement sévères, a maintenu l'intégrité de sa position. S'est replié sur ordre au contact même le l'ennemi, ramenant tous ses blessés et tout son matériel.
Cordialement Eric Abadie
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