Re-bonsoir,
Je suis le parcours de ce Potez 63-11 et de son équipage depuis plusieurs années. Je prépare un ouvrage sur Roye pendant la période 1939-1945 et c'est tout naturellement que je me suis penché sur le destin de ces aviateurs.
Voilà quelques mois j'ai réussi à entrer en contact avec le neveu du Lieutenant Pierre Régis qui m'a très cordialement indiqué l'adresse de son cousin, fils de Pierre Régis. J'ai donc été en relation épistolaire avec lui. Il était très touché que quelqu'un pense encore à son père après tant d'années.
Actuellement, je suis entrain de prendre contact avec le Souvenir Français et la municipalité de Roye pour voir s'il ne serait pas possible d'apposer une plaque à l'endroit, le plus proche possible, où l'avion a percuté le sol. Dans les années 1990, le comité du Souvenir Français de Montdidier sous la présidence de Jean-Pierre David avait érigé plusieurs plaques comme à Remaugies, Davenescourt ou encore Assainvillers, afin de créer une sorte de chemin du souvenir. C'est dans cet esprit que j'essaie de voir si la même chose est posssible à Roye.
Je joins le texte d'une plaquette dédiée à cet équipage qui montre le sacrifice de ces trois aviateurs. Il faut prendre évidemment du recul avec la fin du récit car nul ne peut témoigner objectivement des derniers instants des aviateurs et du Potez en ce matin du 7 juin 1940.
Cordialement
Eric Abadie
In Memoriam
Pierre REGIS Mort pour la France
C'était une force de la nature une sorte de faucon à l’œil perçant, au corps agile, à la décision rapide et d'une sûreté d'action merveilleuse. La mer, la montagne n'avaient pour lui que des appels : toute crainte lui était parfaitement étrangère. En société il en était de même. Tel il était lorsque je l'ai connu : ce n'étaient que les étincelles d'un feu, que la guerre devait rendre éblouissant. La jeunesse d'un héros ne fait-elle pas souvent deviner ce que l'homme sera plus tard ? Son service militaire fut retardé du fait d'un terrible accident dû à son audace et qui faillit lui coûter un bras. On l'ajourna, on l'aurait même réformé sans son insistance. Il avait trop pratiqué l'aviation pour ne pas choisir cette arme à laquelle tous ses instincts le conviaient ; mais c'est comme observateur et non comme pilote, comme il l'eût désiré, qu'il servit en 1939 ; c'est d'observateurs que l'on manquait surtout. On sait l'inaction dans laquelle se passèrent les premiers mois de cette guerre ; et les exercices préliminaires auxquels on se livrait à l'arrière, se faisaient sans le matériel suffisant. Brusquement rappelé de permission, comme tant d'autres, lors de l'invasion du 10 mai, il commença par une reconnaissance en terrain ennemi, où sa carlingue reçut un obus qui, par chance, n'éclata pas, et dont il revint sain et sauf avec les clichés désirés. Puis c'est un épisode autrement tragique : dans le repli général, la préservation sous les bombardements célestes, à Mantes, de tout le personnel et de tout le matériel aérien possible, menacés d'anéantissement. Le calme et le sang-froid furent à la hauteur du courage, car cette âme ardente savait conserver à l'occasion le flegme d'un tempérament tranquille. Des citations bien naturelles reconnurent en lui ces rares qualités. Mais voici la journée épique, celle où nous devons laisser la parole au rapport de son frère Jacques Régis : «Puis vint l'aube du 7 juin. Equipage d'alerte de nuit sur le terrain ; ils sont commandés pour aller survoler la région de Roye où les blindés allemands semblent opérer une concentration massive. Il s'agit de survoler les lignes à basse altitude, de s'enfoncer au-dessus du secteur de Roye pour dénombrer au ras du sol, dès le point du jour, les unités ennemies qui se préparent à l'offensive. Le renseignement est urgent, on a demandé un équipage d'élite qui, la mission remplie, doit se diriger à toute vitesse vers Chantilly où se trouve le G . Q. G., y jeter un message qui sera attendu depuis l'aube sur une pelouse balisée à cet effet, afin que le résultat soit connu directement et sans retard, puis rejoindre le terrain. Avant l'aube, ils mettent les moteurs en route, mais l'un d'eux refuse de partir, tous les efforts sont vains, une demi-heure est perdue ainsi. Pierre, voyant que l'heure passe et de précieuses minutes perdues, fait avancer un autre appareil dont les moteurs partent bien. Le temps de les chauffer et de décapoter l'appareil, de le débarrasser de son camouflage nocturne, encore une demi-heure de perdue. Le jour n'est pas loin maintenant et le risque de la mission augmente à chaque minute, car la chasse ennemie prend l'air dès le lever du jour et Pierre sait qu'il n'aura pas de chasse française pour le protéger ; enfin l'appareil est prêt, calmement il donne l'ordre du départ. L'appareil roule, accélère sa course, puis bascule et s'effondre dans un trou de bombe mal comblé, du bombardement de l'avant-veille, écrasant son train d'atterrissage dans la profonde cuvette. On se précipite, l'appareil est remorqué hors de piste pendant que les mécaniciens s'affairent à préparer un troisième Potez. Il fait presque jour maintenant et, quand ce dernier est prêt, c'est dans la clarté du soleil levant que l'équipage décolle en trombe. Mais hélas ! les minutes perdues vont leur être fatales. Ceux qui sont restés sur le terrain et qui savent le terrible danger que ce retard leur fait ,courir, ont le cœur serré. Dans l'émotion de ces minutes tragiques, Pierre reste toujours d'un calme serein, comme il va le rester un peu plus tard dans un ciel de bataille. En effet, l'appareil fonce maintenant à 350 km. à l'heure vers Roye. Mais il fait grand jour ; le bimoteur essaie de se faufiler à basse altitude et aborde les lignes ou ce qu'il en reste, car la percée -allemande a disloqué notre front depuis quelques jours. Mais là-haut, les Messerschmitt qui veillent, ont vu l'appareil et une nuée de chasseurs ennemis foncent de plusieurs milliers de mètres. S'échapper, il n'en est pas question, bien qu'ils aient une chance en faisant demi-tour tout de -suite ; mais il y a la, mission. Alors ils continuent et leurs malheureux 350 km. sont submergés par les chasseurs ennemis qui foncent en piqué à plus de 600 km. à l'heure. Ils sont au-dessus de Roye. Le mitrailleur d'arrière, Mathelin, un as du tir, plein de calme et de sang-froid, tire, tire sur les Messerschmitt qui le mitraillent par derrière. Il en abat un. Mais ils sont vingt, et plus peut-être, et les Français sont touchés. L'appareil prend feu. Mathelin, certainement, a été tué dès le premier engagement. L'appareil pique au sol, poursuivi par les chasseurs, mais l'équipage de Pierre n'a pas dit son dernier mot. Quel est celui qui reste vivant à bord ? Est-ce Prini, le pilote sûr et adroit ? Est-ce Pierre lui-même qui, avec la double commande, aura tenté l'ultime manœuvre ? On ne le saura jamais. Quoi qu'il en soit, un témoin oculaire de qui nous tenons ces détails, nous dit : «ils semblaient s'abattre, l'appareil flambait ; tout à coup, ils redressèrent dans un dernier sursaut et firent feu de leurs mitrailleuses d'avant sur un appareil allemand trop imprudemment rapproché et l'abattirent, puis le Potez piqua et s'écrasa sur les bords de l'Avre, aux portes de Roye». Et c'est là, plus de quatre mois après, le 18 octobre, que par les soins d'un oncle affectionné, M. Emile Régis, le corps de Pierre fut retrouvé, la face contre terre et les bras en croix. La veille de sa mort, il avait communié dans la cathédrale de Chartres.
Gabriel Ancey.
CITATION A L'ORDRE DE L'ESCADRE AERIENNE
«REGIS (Pierre), lieutenant, groupe de reconnaissance 1/35 : officier observateur, calme et réfléchi. A accompli brillamment le 27 mai -1940 une reconnaissance à basse altitude dans les lignes ennemies. Bien que son avion ait été endommagé par les tirs de la D.C.A. ennemie, a continué sa mission jusqu'au bout, ramenant les renseignements les plus précieux. Cette citation comporte la croix de guerre avec étoile de bronze».
Extrait du JOURNAL OFFICIEL du 8 Mars 1941
«REGIS (Pierre), lieutenant, groupe de reconnaissance 1/35 : officier observateur calme, courageux et sûr. A fait preuve des plus belles qualités d'activité réfléchie et de cœur, notamment au cours du bombardement aérien du terrain de Mantes, le 3 juin 1940. Tombé glorieusement au champ d'honneur, le 7 juin, au cours d'une reconnaissance aérienne à l'intérieur des lignes ennemies. Déjà cité. Cette citation comporte l'attribution de la croix de guerre avec palme.»
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