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MessagePublié : lun. mai 17, 2010 18:51 pm 
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Inscription : sam. oct. 24, 2009 10:38 am
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Bonsoir à tous,
Bonne lecture. Cordialement. Eric

Carnet de Guerre d’un soldat du 24e B.C.A.
Témoignage de Lucien MARTELLI, militaire de carrière, Sergent-chef à la 2ème Compagnie du 24e BCA en mai 1940 (1).

La publication de ce témoignage a été rendu possible grâce à l’aimable autorisation de sa fille, Monique BOURGEOIS-MARTELLI, qui a voulu rendre hommage à son père à l’occasion du soixante-dixième anniversaire des combats de 1940. Tous droits de reproduction du présent carnet lui sont réservés.

Liminaire
Les lignes qui vont suivre sont extraites d’un carnet de guerre, sorte de petit journal, parfois succinct, écrit au jour le jour par Lucien Martelli. Nous en donnons le détail entre le 22 mai et le 12 juin 1940. A cette date, le 24e B.C.A., est déjà sorti du département de l’Oise en direction du canal de l’Ourcq.
Le carnet de guerre s’achève le 17 juillet 1940.
Ce récit dépouillé mais non moins authentique sera mis encore plus en relief par une lecture parallèle de la page consacrée au 24e B.C.A. sur notre site :

Picardie 1939 -1945 : http://www.picardie-1939-1945.org/article51.html
Dans un ordre général adressé aux officiers, sous-officiers et soldats de la VIIe Armée, en date du 24 juin 1940, 23 heures, quelques heures avant la mise en application de l’armistice, le Général Frère déclarait :
« La guerre se termine sans que la VIIe Armée ait été battue. Attaquée sur la Somme et sur l’Ailette par un ennemi disposant d’une supériorité écrasante en aviation et en engins blindés, vous n’avez pas cédé.
Ces durs combats ont été suivis de la douloureuse épreuve de la retraite. L’avance de l’ennemi sur nos deux flancs nous menaçant d’encerclement, il a fallu, pour échapper à son étreinte, opérer un repli de plus de 400 kilomètres. Je connais les efforts surhumains que vous avez dû fournir. Si je vous les ai demandés, c’est pour vous éviter la honte et les misères d’une capitulation en rase campagne.

[…]
Soldats de la VIIe Armée, vous représentez une force contre laquelle l’ennemi s’est brisé et qu’il n’a pu dissocier. Il faut que les vôtres le sachent, quand vous rentrerez dans vos foyers. »


Carnet de Guerre

22 – 5 – 40
Nous bivouaquons au carrefour de l’Armistice où nous avons l’occasion d’aller visiter le fameux wagon et le monument commémoratif. (2)

23 – 5 – 40
Nous rejoignons le bataillon à Pontoise-les-Noyons (3) Ferme de la Courcelle. (4)

25 – 5 – 40
Mouvement sur Brethigny (5)

26 – 5 – 40
Mouvement sur Babœuf (6)

27 – 5 – 40
Halte dans la forêt d’Avricourt. (7)

28 – 5 – 40
Nous arrivons à Moyencourt (Somme). (8)
Le bataillon est arrivé à l’endroit qui lui est désigné.

2 – 6 – 40
Etant en 2ème ligne, les compagnies F.V. vont prendre position derrière le canal du Nord.

3 – 6 – 40
A partir de ce moment, l’activité aérienne de l’ennemi devient de plus en plus formidable, d’autant plus qu’aucun avion français ou allié ne se montre.

4 – 6 – 40
L’attaque ennemie semble se dessiner. Quelques engins blindés forcent le front sur notre droite. Celui-ci se referme, les engins blindés sont détruits plus en arrière par nos armes anti-chars.
5 – 6 – 40
Attaque ennemie. Réveil en trombe.

6 – 6 – 40
Assistons depuis Moyencourt au bombardement par les avions allemands des villes de Roye – Nesle – Liancourt-Fosse – Avricourt.
Les avions ennemis évoluent comme au-dessus d’un terrain d’exercice. Il est vrai que le champ est libre et qu’aucune résistance ne se révèle à eux.
Débordement par la gauche d’une colonne ennemie. Prise par eux de Fosse, Liancourt.
La 6e ½ qui se trouvait à Fosse, disparaît en entier.
Les Allemands ont une cohésion, formidable et une liaison toute mathématique entre les différentes armes. Nous n’avons rien d’autre que nos armes propres à leur opposer.

7 – 6 – 40
Nous quittons Moyencourt à 1 h. 30. Avons ordre de nous porter à Flavy-le-Meldeux. (9) Ce secteur était tenu par le 141e R.I.A. Lorsque nous y arrivons, il n’y a plus qu’une section, car le repli général a été ordonné. Peu après notre arrivée, nous devons nous replier sur Murancourt. (10) L’ennemi est à nos trousses et recevons ordre de nous replier sur Tricot.
En cours de route, nous avons subi des bombardements furieux, principalement à Campagne et Cattigny (11) où nous sommes restés plus de deux heures.
Plus de cent avions étaient sur nous. Cela ressemblait même à un grand meeting s’il n’y avait de la casse.
Enfin bombes, mitraille ne nous ont pas été ménagées.

8 – 6 – 40
Arrivons à Tricot au petit jour. Avant midi gagnons Mairie. (12) Après-midi, étape Mairie – Estrés-Saint-Denis.

9 – 6 – 40
Estrées-Saint-Denis – Pont-Sainte-Maxence. Campons dans la forêt d’Arlatte. (13)

10 – 6 – 40
Déplacement dans la forêt d’Arlatte et prise de contact sur l’Oise. Après-midi, vif engagement pour le bataillon. Encerclement de la 1ère Compagnie. Avons le dessus, et repli normal du bataillon sur Avilly-Saint-Léonard. (14)
Durant toute l’après-midi, avons été sous le feu de l’artillerie allemande (77 et minens).
Entre temps le T.C. se replie sur Fosse (15), après un arrêt dans la forêt de Coye.
Nous attendant à trouver une ligne de résistance avec des troupes fraîches sur l’Oise, grande est notre déception de ne rien trouver. Le bataillon est seul et livré à ses propres moyens. Il s’acquitte très bien de sa tâche. Nous commençons cependant à comprendre que nous sommes trompés et que nous ne sommes pas les plus forts.

11 – 6 – 40
Sans ordres précis, déplacement inutile de Fosse à Lagny.
Lagny – Orry-la-Ville (Seine et Marne).

12 – 6 – 40
Repli d’Orry-la-Ville à Vaujours (Seine et Oise).




(1) Adjudant-chef en 1945.
(2) Lucien Martelli ne se doute pas qu’un mois plus tard ce lieu accueillera la signature de l’armistice demandé par la France.
(3) Pontoise-les-Noyon.
(4) Ferme située à environ 1 km au sud de Pontoise-les-Noyon.
(5) Brétigny, village situé à l’est de Noyon sur la rive gauche de l’Oise.
(6) Village à l’est de Noyon sur la rive droite de l’Oise et au nord du canal de Saint-Quentin.
(7) A mi-chemin entre Roye et Noyon.
(8) Village situé à quelques kilomètres au sud-est de Nesle.
(9) Village situé au nord-nord-ouest de Guiscard.
(10) Muirancourt, village situé au sud-ouest de Guiscard.
(11) Campagne et Catigny villages entre Guiscard et Lassigny.
(12) Méry-la-Bataille ( ?), village à l’est-sud-est de Tricot.
(13) Forêt d’Halatte.
(14) Village situé à l’ouest de Senlis.
(15) Fosses entre Luzarches et Survilliers.


Dernière édition par ae80 le sam. mai 22, 2010 9:20 am, édité 1 fois.

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MessagePublié : lun. mai 17, 2010 19:11 pm 
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Inscription : jeu. sept. 27, 2007 23:35 pm
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Localisation : Berteaucourt-les-Thennes (80) / Vieux-Moulin (60)
Bonjour

Carnet certes dépouillé mais oh combien précieux!

A signaler que la localité d'Orry-la-Ville se situe dans l'Oise et non en Seine-et-Marne. L'orthographe souvent approximative des lieux s'explique par l'absence presque totale de cartes et l'urgence du moment.

Un grand merci à cette dame et à Eric.

A+


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MessagePublié : lun. mai 17, 2010 20:43 pm 
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Inscription : sam. oct. 24, 2009 10:38 am
Messages : 7049
Localisation : Somme
Ce qui me frappe dans le récit du sergent-chef MARTELLI, c'est cette phrase écrite le 10 juin 1940, quand il comprend la défaite inexorable de France en ce printemps 40 :"Nous attendant à trouver une ligne de résistance avec des troupes fraîches sur l’Oise, grande est notre déception de ne rien trouver. Le bataillon est seul et livré à ses propres moyens. Il s’acquitte très bien de sa tâche. Nous commençons cependant à comprendre que nous sommes trompés et que nous ne sommes pas les plus forts."
Dans la même optique, le Général Frère écrit à peu près au même moment :"Nous voici au sud de Paris. La situation générale de nos armées dans cette soirée du 12 m'apparaît irrémédiablement compromise. En attendant, la VIIe Armée n'est ni rompue, ni encerclée".
Cité par le Général Weygand in "Le Général Frère, Un chef - un héros - un martyr", Ed. Flammarion 1949, p. 186.
Bonne soirée
Cordialement
Eric


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MessagePublié : lun. mai 17, 2010 20:51 pm 
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Inscription : jeu. sept. 27, 2007 23:35 pm
Messages : 2044
Localisation : Berteaucourt-les-Thennes (80) / Vieux-Moulin (60)
Bonsoir

J'avais noté cette phrase également. Cet espoir était partagé par nombre de soldats avec qui j'ai pu correspondre et qui s'attendaient à "un nouveau miracle de la Marne".
Le moral était encore bon et il n'imaginaient pas l'ampleur de la catastrophe. Toutes leurs illusions se sont définitivement envolées quand Paris a été déclaré ville ouverte.

A+


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MessagePublié : lun. mai 17, 2010 20:51 pm 
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Inscription : ven. sept. 28, 2007 12:41 pm
Messages : 1419
Localisation : St Leu d'Esserent
Bonsoir, un beau témoIgnage de première main, j'invite nos lecteurS à lire où à relire sur le site l'article du Marc sur le 24ème B.C.A. Amicalement jph


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