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 Sujet du message : Kommando de Neu STRASSFURT
MessagePublié : lun. mars 10, 2014 11:37 am 
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Voici le témoignage de Marcel COLIGNON qui vient de nous quitter à l'âge de 91 ans après n'avoir jamais cessé de témoigner...

Allocution de Marcel Colignon prononcée le 24 avril 2011, lors d'une journée du souvenir de la déportation.

Citer :
Monsieur le Sous-Préfet, Monsieur le Maire, Mesdames, Messieurs.



L’Association des Déportés et Internés d’Abbeville m’a demandé de relater, le jour du souvenir des Déportés, deux épisodes, qui sont restés gravés dans ma mémoire d’ancien Déporté, relatifs à quelques camarades qui ont eu le courage et la dignité de poursuivre jusqu’à la mort leur combat pour la liberté.

Le premier épisode est un souvenir purement auditif et se déroule dans la prison d’Abbeville. J’y avais été interné avec mon camarade Jacques Moignet, après avoir été arrêtés le 20 juillet 1944 par une patrouille de parachutistes allemands, au retour d’une réunion de notre réseau Béarn à Roye où nous avions reçus divers documents pour faciliter notre travail de renseignements et en transmettre le résultat.

Or, le 20 juillet eu lieu l’attentat manqué contre Hitler et le déclenchement d’un mouvement de révolte de l’armée allemande contre le régime nazi. Ce qui fait que nous n’avons pas été transféré à la gestapo d’Abbeville, mais placés tous deux bras et jambes entravés dans un petit baraquement où nous avons pu élaborer un emploi de notre temps ce jour là, pour éviter d’évoquer Roye, et préciser l’endroit exact où nous prétendions avoir transmis les documents trouvés dans nos sacoches.

Tard dans la nuit, la révolte ayant échouée nous avons été remis à la gestapo, où pendant cinq jours, les deux premiers sans boire, nous avons été sauvagement interrogés. (Coups de poing, coups de pied, nerf de bœuf, hurlements de colère incessants).

Mais nous avons maintenu ce dont nous étions convenu.

Les entraves et les menottes nous furent ôtées, les interrogatoires ont cessé et nous avons été placés chacun dans une cellule à l’étage de la prison.

Quelques jours plus tard nous entendîmes à nouveau ces hurlements provenant du hall de la prison. La gestapo,(Kraus, Gaidra, Philippe) interrogeaient trois prisonniers, deux adultes et un jeune garçon qui subissaient ce que nous venions de souffrir. La gestapo voulait leur faire dire d’où provenaient les armes trouvées chez eux. Après s’être seulement acharnés en vain sur les deux adultes, ce fut le tour du plus jeune, qui criait aux adultes : «Ne parlez pas, ne dîtes rien ». Cela dura plusieurs heures.

J’ai ressenti cet interrogatoire plus douloureusement que ce que nous avions nous-mêmes subi et je peux aujourd’hui encore qu’admirer le courage et la dignité de ces trois personnes dont les corps martyrisés des deux aînés furent découverts quelques jours après la libération d’Abbeville dans les bois de Cambron.

Le deuxième épisode se déroule en Thuringe où, venant de Buchenwald avec un kommando de 500 Déportés, nous sommes descendus le 21 janvier 1945, à 460 mètres dans la mine de sel de Springen, pour n’en remonter que le 31 mars.

Le kommando était composé d’une majorité de slaves dont 60 soldats de l’armée rouge, de nombreux prisonniers de guerre italiens transformés en concentrationnaires et de 18 Français.

Ils étaient répartis par groupes de 50 à l’intérieur des blocks délimités par des planches enfoncées à champ dans le sel sur lequel nous dormions.

J’étais affecté au block des Russes avec deux Français, et au travail à un groupe de 8 Russes qui chargeaient et poussaient les wagonnets de sel extrait par des mineurs allemands ou des prisonniers de guerre français. Il faut noter que les Allemands ne restaient que 6 heures par jour dans le fond et les prisonniers de guerre et les autres ne sortaient jamais.

Les Russes obéissaient visiblement à un adjudant de l’armée rouge qui se montrait très efficace et dont j’avais eu l’occasion de me rapprocher à la suite d’une dispute avec un prisonnier qui m’avait volé mon pain. Dispute que nous avions réglée par un accord passé avec ce chef clandestin avec lequel j’avais pris l’habitude de parler dans le sabir des camps composé de russe et d’allemand.

Vers la mi-mars pendant l’appel qui était souvent rapidement expédié, ce camarade russe sortit des rangs et au garde à vous interpella le rapport-führer SS pour lui dire que la ration de soupe avait été réduite à ¾ de litre au lieu du litre habituel.

Le rapport-führer fit apporter la louche à long manche métallique qui avait été utilisée ce jour-là et demanda à son interpellateur de reconnaître qu’il s’agissait d’un litre. Celui-ci redit que cette louche ne contenait que ¾ de litre. Le SS saisit la lourde louche et en frappa violemment notre camarade au visage en répétant sa demande. Sur une nouvelle dénégation, le SS continua à frapper de plus en plus violemment jusqu’à ce que sa victime, toujours au garde à vous, s’écroule le visage ensanglanté, sans faillir, et finit par mourir sur le sel.

J’étais à 6 mètres de cette scène que tout le kommando avait suivie avec une attention terrorisée.

Là, j’ai retrouvé l’admiration que j’avais éprouvée pour les Picards de la prison d’Abbeville. Aujourd’hui, je l’ai toujours dans ma mémoire de Déporté.



Mes camarades Francs-tireurs et partisans assassinés au bois de Cambron en août 1944.

Mon camarade Iouri adjudant de l’armée russe assassiné le 15 mars 1945 à Springen.

Mon camarade Jacques Moignet Sous Lieutenant des Forces Françaises Combattantes, assassiné le 19 avril 1945 à Gotterfelsen.

Mes camarades de Springen dont 200 sur 500 furent assassinés en moins de 3 mois, surtout au cours de la marche de la mort que j’ai effectuée avec eux en avril 1945.

Mes camarades de la mine de sel de Stassfurt dont 240 furent assassinés en 7 mois en 1944 et 1945 surtout pendant la marche de la mort effectuée en avril et mai 1945 dont j’ai partagé la vie pendant 3 mois.

Tous vous avez eu la dignité et le courage de lutter jusqu’à la mort pour la défense de la liberté.



Marcel Colignon


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