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MessagePublié : ven. sept. 03, 2010 21:51 pm 
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Bonsoir, voici un "digeste" d'articles du Courrier Picard consacré au bombardement d'Eppeville le 28 août 1944 par l'UAAAF. Quelle fut la formation de la 9e Air Force qui bombarda cet objectif ? Cordialement Eric Abadie

Jour d’horreur sur Eppeville (Somme)

Le 28 août 1944, Eppeville subit un bombardement aveugle par des « forteresses volantes » qui croyaient anéantir des blindés allemands. En fait, il ne fera que des victimes dans la population civile de ce faubourg de Ham.

Il fait très chaud en cet après-midi du 28 août 1944, une colonne de blindés allemands arrive de Nesle, et s’apprête à entrer dans l’agglomération. Cette scène est devenue coutumière pour les habitants qui voient depuis plusieurs jours passer des convois de soldats en uniforme vert-de-gris et qui se dirigent vers Saint-Quentin. (1)
Mais soudain un ronronnement se fait entendre dans le ciel. Il est 15 h.30. Plusieurs ouvriers qui travaillent dans la cour de la sucrerie aperçoivent un « Piper », petit avion américain de reconnaissance, qui tourne au-dessus de l’usine. « Cela ne laisse présager rien de bon », pense Emile Villemont, un jeune apprenti ajusteur. Il imagine le scénario : « si le pilote du « mouchard » a repéré les chars allemands, il va rentrer vite fait en Angleterre avec ses photos, et les bombardiers ne tarderont pas à arriver. Pourvu qu’il ne prenne pas les cuves d’alcool de la distillerie pour un dépôt de carburants », pense le jeune homme… (1)
Pierre Desnus, qui avait vingt à l’époque, s’en souvient comme si c’était hier : « Tout a commencé vers 15 h. 30, lorsqu’un avion de reconnaissance américain est venu survoler et photographier une forte concentration de panzers, revenant de Normandie, à l’entrée d’Eppeville. Les Allemands ont filé se retrancher dans le cimetière et dans le parc voisin, où les arbres permettaient de se camoufler". (2) Là, se trouve la direction de la CN.S.R. (Compagnie nouvelle de sucreries réunies). Le commandant de l’unité allemande alerte l’épouse du directeur, Mme Gromet : « Sauvez-vous, ils vont revenir pour bombarder » (1) « Partez, vous allez être bombardés. » (2)
En début de soirée, un énorme grondement se fait entendre : des nuées de bombardiers, les « forteresses volantes » de U.S. Air Force, apparaissent à la verticale d’Eppeville et pendant une heure, en quatre [ou cinq (1)] vagues successives, par intervalles de 10 minutes (1) déversent des tonnes de bombes sur la sucrerie. L’un des avions, touché par l’artillerie antiaérienne allemande, est même revenu après les autres larguer tout ce qui lui restait. (2)
Les bombes vont pleuvoir au-dessus de l’usine, mais certaines vont s’éparpiller dans un large périmètre détruisant de nombreuses habitations et même l’église du village et faisant au passage de nombreuses victimes. (1)
Les Allemands, eux, avaient filé depuis belle lurette : à cette heure-là, ils étaient déjà à Saint Quentin. (2)
Au sol, c’était le carnage : une trentaine de morts, autant de blessés. Des victimes de tous âges, enfants et adultes, de 8 à 71 ans. (2)
Tandis que les sauveteurs s’affairent à transporter les blessés vers l’hôpital de Ham, une chapelle ardente est dressée à la mairie, où sont rassemblées les dépouilles des victimes avant d’être inhumées provisoirement derrière la ferme Bouillet. (1)

Témoignages

Emile Villemont raconte cet enfer. Les images horribles ne s’effaceront jamais de sa mémoire (2) Il n’a jamais pu chasser cette vision cauchemardesque de sa mémoire. (1)
Après avoir quitté son travail, l’apprenti ajusteur rentre à la maison, au 75, rue de Nesle, où il réside avec sa famille, juste en face des entrepôts de la sucrerie. Son père (Léon Villemont) l’envoie alors faucher de l’herbe pour les lapins dans les prés, derrière l’usine.
Il est environ 19 h. 20 lorsqu’une première formation de bombardiers B 27 ( sic) fait son apparition dans le ciel. Les premières détonations se font entendre. Puis le bruit se rapproche dans un vacarme assourdissant. Emile regarde les « forteresses volantes » déverser leurs chapelets de bombes sur la ville.
« Au début ça ne m’a rien fait. J’écoutais leur sifflement sans trop bien réaliser », se souvient-il. Puis une seconde vague est arrivée et les bombes se sont rapprochées. Le jeune homme décide alors de se mettre à l’abri dans une tranchée, creusée par les mariniers, le long du canal de la Somme. Il manquera d’y être enseveli.
Une fois l’orage de feu passé, Emile Villemont décide de regagner le centre ville en longeant les marais, et les bassins de la sucrerie. Lorsqu’il débouche du chemin de terre, à hauteur du passage à niveau, il découvre les premières images de l’horreur, sans deviner ce que celle-ci va lui réserver un peu plus tard.
Le premier blessé qu’il voit hissé sur une civière, c’est M. Durand, le gardien de la sucrerie. « Il saignait dans le dos. J’ai donné un coup de main pour le transporter vers le dispensaire. »
Dans le bourg, la mobilisation s’est organisée et c’est plusieurs dizaines de blessés que les membres de la Croix rouge et du mouvement Résistance acheminent vers l’hôpital de Ham, d’abord sur des brouettes, ou des vélos, puis dans des automobiles. C’est dans l’une d’entre elles qu’Emile Villemont aperçoit son jeune frère, André (10 ans et demi), lui aussi blessé à divers endroits du corps, par des éclats de bombes (1) qui ont atteint tout son côté droit : l’épaule, la main, la hanche, le pied. (2)
Mais son voyage au bout de l’horreur ne se terminera qu’en rentrant chez lui. Là, stupeur, il découvre le corps de son père gisant dans la cuisine. « On lui avait mis un torchon sur le visage, je n’ai pas voulu le soulever », confie Emile. Puis une fois dans le jardin, il aperçoit un énorme trou et au bord, il remarque un pied. C’est un morceau du corps de sa petite sœur, Eliane, déchiqueté par une bombe soufflante. Elle n’avait que 13 ans ! (1) : « Notre sœur, […], s’est littéralement volatilisée. J’ai retrouvé son pied et, un peu plus loin, son scalp, c’est tout ce qui restait d’elle. Je les ai ramassés et réunis dans un petit carton mais je n’ai jamais pu en parler à ma mère. » (2)
Complètement hébété, Emile se sauve à toutes jambes vers l’hôpital pour prendre des nouvelles de son frère. Puis, il rejoindra sa mère pour être hébergé dans la famille à Muille-Villette. (1)
Le lendemain, se souvient encore Emile Villemont, « il y avait des chats qui se disputaient des lambeaux de chair humaine ». C’est abominable, mais cela doit être su et doit rester dans les mémoires. (2)

Jean-Louis Montané, ancien habitant d’Eppeville, conserve intact le souvenir de cette journée. « J’avais 16 ans à l’époque, raconte-t-il, je préparais le cours complémentaire pour devenir enseignant, avec ma sœur et un copain. Il faisait un temps magnifique, c’était les grandes vacances… Au moment où les premiers avions sont arrivés, mon père et moi, étions, par chance, dans le jardin. Nous avons eu le temps de nous mettre à l’abri. Ma mère et ma sœur étaient parties faire des courses à Ham. Elles n’en sont pas revenues », dit-il la gorge serrée.
« Il s’agissait d’une énorme erreur », explique-t-il. « Sur les rails qui traversaient la ville, il y avait des wagons, des « cales basses » transportant des betteraves pour la sucrerie. Les Américains ont dû les confondre avec du carburant. Ils ont alors décidé de tout bombarder. C’est terrible. »
La vie a repris son cours dans les semaines suivantes pour Jean-Louis Montané. En cette même année 1944, il sera reçu au concours d’enseignant, profession qu’il exercera jusqu’à sa retraite. (4)

Yves Quillet n’était âgé que de dix ans, mais il se rappelle s’être caché sous les grumes entreposées à la scierie Collignon à Muille-Villette où, lui et sa famille résidaient à l’époque. (5)

Roberte Vassent, 9 ans et demi à l’époque, a perdu ses parents. Elle et ses deux sœurs s’en sont sorties indemnes. (6)

Micheline Roger, à l’époque demoiselle Durand, avait 17 ans. « J’étais partie chercher le lait à la ferme. J’ai rencontré deux copines qui m’ont proposé de les suivre pour nous mettre à l’abri : puis un copain, Marcel, m’a lui aussi demandé de rentrer chez lui à l’abri. » Micheline refusera et continuera sa route. Elle apprendra plus tard que ses trois amis sont morts sous les bombes. « Je serais restée avec eux, je serais morte aussi. »
Micheline n’a pas oublié cette tragédie. « Il faisait noir, ce n’était pas beau à voir. Et la trentaine de corps alignés par terre me restent à l’esprit. » (6)

La Libération, quelques jours plus tard est vécue avec beaucoup d’amertume : « Ce n’était pas du tout l’euphorie, nous pleurions nos morts ! Les américains se sont étonnés de ne pas recevoir un bel accueil. »
Depuis ce jour, tous les ans, à Eppeville, on commémore ce funeste et malencontreux événement qui marque tristement la fin de la guerre pour la commune.

(1) Extrait de l’article de Jean-Marc Dufour, Le Courrier Picard – édition du 28 août 2001.
(2) Extrait de l’article de Philippe Houbart, Le Courrier Picard – édition du 31 août 1994.
(3) L’article parle de bombardiers B-27 ( ???). Il pourrait s'agir plutôt de B 26.
TACTICAL OPERATIONS (Ninth Air Force): In France, B-26s and A-20s escorted by fighters bomb fuel dumps at Doullens, Barisis-aux-Bois, an ammunition dump at Querrieu, an ammunition and fuel dump at Compiegne/Foret de Laigue, and an alcohol distillery and fuel storage depot at Ham. [ http://paul.rutgers.edu/~mcgrew/wwii/us ... ug.44.html ]
(4) Extrait d’un article du Courrier Picard – édition du 30 août 2002.
(5) Extrait d’un article du Courrier Picard – édition du 2 septembre 2007.
(6) Extrait d’un article du Courrier Picard – édition du 30 août 2010.


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MessagePublié : ven. sept. 17, 2010 19:11 pm 
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Inscription : sam. oct. 24, 2009 10:38 am
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Bonsoir,
Pour compléter ce sujet, voici une photographie insérée dans un article de Jean-Marc Dufour, Le jour où l'horreur est tombée du ciel, Le Courrier Picard, édition Haute-Somme du mardi 28 août 2001.
Image

Ainsi qu'un lien vers les photographies (auteur : Michel Coste) des plaques " A la mémoire des victimes du bombardement allié du 28 Août 1944 par la Direction et le Personnel de la C.N.S.R. (Compagnie Nouvelle des Sucreries Réunies)" dans le cimetière d'Eppeville.

http://aerosteles.net/fiche.php?code=ep ... ts&lang=fr

Cordialement
Eric


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