CE qui est écrit sur le site du centre hospitalier de Clermont :
http://www.chi-clermont.fr/site_2015/histoire.htmlLa guerre 39-45Entre 1934 et 1940, la population passe de 2802 à 4484 malades.
C’est à partir de 1938 que la crise commence avec le rappel sous les drapeaux de nombreux employés.
La défense passive s’organise déjà et 800 masques à gaz, complétés l’année suivante par 600 autres, sont achetés.
Septembre 1939 marque la mobilisation de 404 agents, avec parmi eux quatre médecins, un pharmacien, quatre internes, le receveur, l’économe. L’hôpital doit s’organiser et fait appel à de nombreux auxiliaires tout en déployant le personnel féminin dans les services d’hommes. Il ne reste plus que trois médecins aidés de trois internes pour veiller sur près de 4500 hospitalisés.
Des tranchées sont aménagées dans les cours et jardins entourant les pavillons ; des abris bétonnés sont creusés.
Du matériel de pharmacie doit par ailleurs être cédé à l’Armée française.
De nombreux agents fuient, comme le reste de la population locale et certains pavillons sont abandonnés presque totalement.
Les chefs de services et affectés spéciaux seront révoqués d’office, tandis que les autres agents, d’abord licenciés, seront ensuite réintégrés pour les besoins du service avec perte de salaire.
Le 4 juin, il est décidé d’évacuer 750 patients sur des hôpitaux psychiatriques de l’intérieur.
Les employés infirmes ou âgés et les femmes enceintes partent quelques jours plus tard.
Le 7, il reste 3750 malades et 608 agents tous services confondus.
Deux jours plus tard, les bombardements et l’avance des troupes provoquent la fuite de 260 autres agents.
Le 10, les Allemands occupent notre cité et y installent une Kommandantur. Ils ordonnent à l’établissement de pourvoir à l’alimentation de la population locale non évacuée et des réfugiés.
Des pillages répétés sont perpétrés par l’occupant. Du matériel sanitaire et des lits sont réquisitionnés.
La crise, les restrictions ne vont cesser de s’intensifier dans l’ensemble du pays bien-sûr et avec une puissance accrue à l’intérieur de l’hôpital.
Le 15 juillet, l’administration constate déjà l’épuisement des stocks de vivres, de charbon et d’essence.
A partir du 1er novembre, les pavillons les plus récents, les mieux agencés sont évacués pour y transférer diverses populations: des malades de l’hôpital général d’abord, puis des vieillards venus des hospices de Saint-Valery sur Somme et de Rue, des troupes d’Occupation en 1942, 964 malades de l’hôpital psychiatrique de Sotteville-lès-Rouen accompagnés de leurs soignants en 1943, de nouveaux aliénés venus de La Roche sur Yon en 1944.
Cet entassement n’est possible que par la très forte mortalité constatée avec impuissance par la Direction et les médecins.
Marcel Godeau, directeur de l'établissement note dans son rapport de 1946 que « les restrictions alimentaires très sévères provoquant une crise alimentaire grave se traduisent par des décès de plus en plus nombreux parmi les hospitalisés (...). L’encombrement est généralisé dans l’ensemble des services ».
Sagement accumulées durant la drôle de guerre, les réserves sont pillées par un système de réquisition, d’abord sauvage par l’armée nazie les premiers jours de l’Occupation, puis plus organisé par l’administration française, les jours suivants, pour venir au secours de la population locale et des réfugiés, errant dans une évacuation, cruelle et tellement symbolique de l’état de notre pays à cette époque.
Le gouvernement de Vichy met en place, on le sait, le rationnement de toute la population. Rationnement des denrées alimentaires de base, mais aussi des biens de première nécessité. D’un point de vue théorique, le rationnement est un système censé défendre les plus fragiles, les plus pauvres ; ceux qui, sans un minimum d’organisation publique, ne pourraient pas avoir accès à des marchandises que la rareté rendrait trop coûteuse.
Le rationnement doit donc assurer un minimum vital pour chacun. Toutefois, en pratique, ce minimum est tellement faible, qu’il ne suffit pas à vivre correctement et chacun doit se débrouiller par tous les moyens. Les internés des hôpitaux psychiatriques ont droit à une part plus faible que les malades des hôpitaux généraux, déjà très insuffisante elle aussi.
A Clermont par exemple, dans les années 30, le taux de mortalité est resté stable, entre 5 et 6 %. Dès 1940 il double, et atteint en 1941 26,58 % : ce qui signifie qu’un quart des hospitalisés meurent dans l’année. Les années suivantes le taux, en décrue, reste cependant toujours très élevé: 19,87 % en 1942, 15,03 % en 1943 et 19,35 % en 1944.
Séraphine Louis, admise en 1932 dans l'annexe de Villers-sous-Erquery et décédée en décembre 1942, fait partie de ces victimes. Elle enterrée dans le « carré des indigents » à Clermont.
D'autres établissements sont touchés en France: à Lyon (Centre hospitalier Le Vinatier, où 2000 personnes ont été abandonnées à la mort) ; Dijon (Hôpital La Chartreuse, où est décédée la mère de Rita Thalman, historienne, qui a dénoncé ce drame) ; Avignon (Hôpital Montdevergues-les-Roses, aujourd’hui Centre hospitalier Montfavet, où est morte Camille Claudel en 1943).
Un chiffre devra rester en mémoire, il s’agit d'une estimation du nombre de décès enregistrés dans l’établissement, de 1940 à 1944: 3063 morts, inhumés dans le cimetière de Clermont.