24e B.C.A. (29e DIA) – Carnet de Guerre

Sergent-chef Lucien MARTELLI, 2e Cie

24e BCA

 

La publication de ce témoignage a été rendu possible grâce à l’aimable autorisation de sa fille, Monique BOURGEOIS-MARTELLI, qui a voulu rendre hommage à son père [note]Adjudant-chef en 1945.[/note] à l’occasion du soixante-dixième anniversaire des combats de 1940. Tous droits de reproduction du présent carnet lui sont réservés.

Liminaire

Les lignes qui vont suivre sont extraites d’un carnet de guerre, sorte de petit journal, parfois succinct, écrit au jour le jour par Lucien Martelli. Nous en donnons le détail entre le 22 mai et le 12 juin 1940. A cette date, le24e B.C.A., est déjà sorti du département de l’Oise en direction du canal de l’Ourcq. Le carnet de guerre s’achève le 17 juillet 1940.

Ce récit dépouillé mais non moins authentique sera mis encore plus en relief par une lecture parallèle de la page consacrée au 24e BCA sur notre site Picardie 1939 -1945.

Dans un ordre général adressé aux officiers, sous-officiers et soldats de la VIIe Armée, en date du 24 juin 1940, 23 heures, quelques heures avant la mise en application de l’armistice, le Général Frère déclarait :

« La guerre se termine sans que la VIIe Armée ait été battue. Attaquée sur la Somme et sur l’Ailette par un ennemi disposant d’une supériorité écrasante en aviation et en engins blindés, vous n’avez pas cédé.

Ces durs combats ont été suivis de la douloureuse épreuve de la retraite. L’avance de l’ennemi sur nos deux flancs nous menaçant d’encerclement, il a fallu, pour échapper à son étreinte, opérer un repli de plus de 400 kilomètres. Je connais les efforts surhumains que vous avez dû fournir. Si je vous les ai demandés, c’est pour vous éviter la honte et les misères d’une capitulation en rase campagne. 
[…]

Soldats de la VIIe Armée, vous représentez une force contre laquelle l’ennemi s’est brisé et qu’il n’a pu dissocier. Il faut que les vôtres le sachent, quand vous rentrerez dans vos foyers. »

Carnet de Guerre

22 – 5 – 40  :
Nous bivouaquons au carrefour de l’Armistice où nous avons l’occasion d’aller visiter le fameux wagon et le monument commémoratif [note]Lucien Martelli ne se doute pas qu’un mois plus tard ce lieu accueillera la signature de l’armistice demandé par la France.[/note].

23 – 5 – 40  :
Nous rejoignons le bataillon à Pontoise-les-Noyons [note]Pontoise-les-Noyon.[/note] Ferme de la Courcelle [note] Ferme située à environ 1 km au sud de Pontoise-les-Noyon.[/note]

25 – 5 – 40  : 
Mouvement sur Brethigny [note]Brétigny, village situé à l’est de Noyon sur la rive gauche de l’Oise.[/note]

26 – 5 – 40  :
Mouvement sur Babœuf [note]Village à l’est de Noyon sur la rive droite de l’Oise et au nord du canal de Saint-Quentin.[/note]

27 – 5 – 40 :
Halte dans la forêt d’Avricourt [note]À mi-chemin entre Roye et Noyon.[/note]

28 – 5 – 40  :
Nous arrivons à Moyencourt (Somme) [note] Village situé à quelques kilomètres au sud-est de Nesle.[/note]
Le bataillon est arrivé à l’endroit qui lui est désigné.

2 – 6 – 40 :
Étant en 2ème ligne, les compagnies F.V. vont prendre position derrière le canal du Nord.

3 – 6 – 40  :
À partir de ce moment, l’activité aérienne de l’ennemi devient de plus en plus formidable, d’autant plus qu’aucun avion français ou allié ne se montre.

4 – 6 – 40  :
L’attaque ennemie semble se dessiner. Quelques engins blindés forcent le front sur notre droite. Celui-ci se referme, les engins blindés sont détruits plus en arrière par nos armes anti-chars.

5 – 6 – 40  :
Attaque ennemie. Réveil en trombe.

6 – 6 – 40  :
Assistons depuis Moyencourt au bombardement par les avions allemands des villes de Roye – Nesle – Liancourt-Fosse – Avricourt. 
Les avions ennemis évoluent comme au-dessus d’un terrain d’exercice. Il est vrai que le champ est libre et qu’aucune résistance ne se révèle à eux.

Débordement par la gauche d’une colonne ennemie. Prise par eux de Fosse, Liancourt.

La 6e ½ qui se trouvait à Fosse, disparaît en entier. 
Les Allemands ont une cohésion, formidable et une liaison toute mathématique entre les différentes armes. Nous n’avons rien d’autre que nos armes propres à leur opposer.

7 – 6 – 40  :
Nous quittons Moyencourt à 1 h. 30. Avons ordre de nous porter à Flavy-le-Meldeux [note] Village situé au nord-nord-ouest de Guiscard.[/note] Ce secteur était tenu par le 141e R.I.A. Lorsque nous y arrivons, il n’y a plus qu’une section, car le repli général a été ordonné. Peu après notre arrivée, nous devons nous replier sur Murancourt [note]Muirancourt, village situé au sud-ouest de Guiscard.[/note] L’ennemi est à nos trousses et recevons ordre de nous replier sur Tricot.

En cours de route, nous avons subi des bombardements furieux, principalement à Campagne et Cattigny [note]Campagne et Catigny villages entre Guiscard et Lassigny.[/note] où nous sommes restés plus de deux heures.

Plus de cent avions étaient sur nous. Cela ressemblait même à un grand meeting s’il n’y avait de la casse. 
Enfin bombes, mitraille ne nous ont pas été ménagées.

8 – 6 – 40  :
Arrivons à Tricot au petit jour. Avant midi gagnons Mairie [note]Méry-la-Bataille ( ?), village à l’est-sud-est de Tricot.[/note] Après-midi, étape Mairie – Estrés-Saint-Denis.

9 – 6 – 40  :
Estrées-Saint-Denis – Pont-Sainte-Maxence. Campons dans la forêt d’Arlatte [note] Forêt d’Halatte.[/note]

10 – 6 – 40  :
Déplacement dans la forêt d’Arlatte et prise de contact sur l’Oise. Après-midi, vif engagement pour le bataillon. Encerclement de la 1ère Compagnie. Avons le dessus, et repli normal du bataillon sur Avilly-Saint-Léonard [note]Village situé à l’ouest de Senlis.[/note]

Durant toute l’après-midi, avons été sous le feu de l’artillerie allemande (77 et minens).

Entre temps le T.C. se replie sur Fosse [note]Fosses entre Luzarches et Survilliers.[/note], après un arrêt dans la forêt de Coye.

Nous attendant à trouver une ligne de résistance avec des troupes fraîches sur l’Oise, grande est notre déception de ne rien trouver. Le bataillon est seul et livré à ses propres moyens. Il s’acquitte très bien de sa tâche. Nous commençons cependant à comprendre que nous sommes trompés et que nous ne sommes pas les plus forts.

11 – 6 – 40  :
Sans ordres précis, déplacement inutile de Fosse à Lagny. 
Lagny – Orry-la-Ville (Seine et Marne).

12 – 6 – 40  :
Repli d’Orry-la-Ville à Vaujours (Seine et Oise).

 

© Éric Abadie – Picardie 1939 – 1945 – mai 2012)

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