André Noyelle

Le massacre de Château-Rouge – Cauvigny

 

Au mois de juillet 1944, un groupe de la Résistance vient se réfugier au hameau de Château-Rouge dans les bâtiments d’une colonie de vacances. Ils attaquent des soldats allemands et font même un prisonnier qu’ils cachent dans une maison isolée. Dans la matinée du dimanche 27 août, un détachement allemand attaque le maquis où huit hommes sont tués, puis encercle le hameau de Château-Rouge. Tous les habitants, au nombre d’une centaine, sont obligés de se rendre auprès d’une ferme située près d’une chapelle. Les hommes sont alignés le long d’un mur, face à la route. Le prisonnier qui avait été délivré est présent et accompagne le chef du détachement ; il désigne un à un tous les hommes. Ils sont fusillés. C’est ainsi que vingt hommes périssent.

 

Témoignage de Laure Noyelle

Nous habitions mes parents et moi à Chatenay-Malabry (Butte rouge) lorsque mon père reçu une convocation pour le travail obligatoire en Allemagne. Il n’en était pas question ; nous devions partir très vite…
Ses parents demeurant à Ully-St-Georges (Oise), l’endroit lui parut assez loin. C’est alors qu’un logement fut trouvé illico à 3 km d’ Ully, à Château Rouge, hameau de Cauvigny.
J’avais 10 ans….
Je ne connaissais pas l’activité de résistant de mon père, même si je me rappelle avoir amené un mot dans la première rue à gauche en entrant dans Cauvigny. Il faisait nuit et j’avais peur, je m’y rendais à pied depuis Château Rouge. Ma mère avait reproché à mon père de m’avoir mis dans cette situation.
Il fait beau ce dimanche d’horreur vers 9 heures, ma mère habille mon frère de 18 mois et chausse ma sœur de 6 ans. Ma grand-mère et un cousin âgé de 15 ans sont présents (cousin décédé depuis ).
Tout à coup des bruits de bottes retentissent à l’extérieur, des soldats allemands entourent la maison. Ils poussent devant eux deux maquisards (Augez Émile et son fils Serge). Les deux résistants font signe à mon père de se cacher, comment le peut-il ? En regardant vers le jardin il voit que nous sommes encerclés avec des chiens. Je me souviens de notre voisin qui, se cachant dans les WC du jardin sans bouger, fut sauvé.
Très vite, ma grand-mère ordonne à mon cousin de mettre une culotte courte pour paraître plus jeune ; pour elle ils viennent pour le STO. Il se cache dans le grenier sur de la paille (plus tard j’appris que sous sa cachette se trouvaient des armes).
Mon père sort de la maison, nous ne le reverrons plus !
Nous sommes tout prêt de notre mère, elle porte mon frère dans ses bras, elle voudrait le suivre, lui dire au revoir, mais un Allemand lui dit : « Horreur en bas ! Toi baby, reste ! » Il vient de la sauver.
En effet ma mère faisait, comme d’autres femmes, la cuisine pour les maquisards et surtout pour l’Allemand blessé (je me souviens d’une grosse marmite noire qui cuisait dans notre cour). D’après les dires, le prisonnier aurait parlé d’une femme. Il était captif dans une colonie de vacances, les Allemands ont été directement le chercher là-bas (surement sur dénonciation)
Les Allemands amènent le blessé sur cette place maudite et celui-ci désigne 10 personnes pour lui et 10 pour son compatriote mort. Ils sont fusillés.
Ensuite quelques hommes du village viennent chercher un drap pour mettre le corps de mon père dans une fosse commune (avant 12 heures sinon représailles !)
Peu de jours plus tard, Cauvigny fêtait les Américains ; pourquoi ne sont –ils pas venus plus tôt ?
Leur campement était impressionnant, il distribuait du pain blanc, des bananes séchées et du chocolat
On donna une sépulture aux fusillés.
Ensuite on fit une cérémonie aux victimes dans la chapelle désaffectée de Château Rouge. Je pouvais enfin être près de lui, des FFI montaient la garde. Puis dans la première quinzaine de septembre 44, les corps furent rendus aux familles afin d’être enterrés dans les communes voisines. Mon père gisait dans une charrette qui l’amenait a 3 km, à Ully-Saint-Georges (je n’en ai que des souvenirs)

Quelques souvenirs non vérifiés :
– Ma mère me disait que les Allemands se déplaçaient dans les alentours quelques jours avant les faits avec un enfant de l’assistance public que l’on n’a jamais revu 
– l’aviateur amené ensuite à l’hôpital avait succombé, le docteur avait fait ce qu’il fallait
-Il y avait des personnes qui ont assisté à cette exécution, j’ai essayé de savoir si mon père avait dit quelque chose avant de mourir. Il m’a été répondu que l’interprète et lui avaient été molestés par les Allemands puisque reconnu par le soldat blessé.

 

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André Noyelle
Une rue de Cauvigny porte son nom

Source : Archives famille Noyelle


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