7e DIC – Historique

LA 7e DIVISION D’INFANTERIE COLONIALE
DANS LA CAMPAGNE DE FRANCE (1939-1940

À partir du 1er Juin, la Division est en réserve de la VIIe Armée. Regroupée après sa relève entre Poix et Breteuil ses éléments font mouvement sur la région située entre Lassigny et Noyon. Les attaques sur Amiens, ont fort éprouvé les unités et la fatigue des hommes est encore très grande. Aussi l’arrivée du 4e R.I.C. est-elle bien accueillie. Ce beau régiment fera désormais partie de la Division. Au cours de l’hiver il avait été en Alsace avec la 4e D.I.C. Commandé par le Lieutenant-Colonel Jouannet, il vient de la réserve de l’Armée des Alpes et après un pénible voyage de trois jours et trois nuits en chemin de fer, débarque le 3 Juin à Ourscamps et Ribécourt. Il subit un bombardement au cours du déplacement qui suit son arrivée.

Derrière le Front de la Somme et du Canal Crozat, tenu par le 24e CA. (3e D.L.I. et 23e D.I.), la 7e D.I.C. reçoit pour mission de constituer une position en bretelle sur la rive ouest du Canal du nord et l’Oise de Campagne à Ribécourt face au nord-est, elle doit en outre aménager la forêt de Carlepont au sud de Pontoise-les-Noyon. Le 4 Juin le dispositif réalisé est le suivant :
- Le Sous-Secteur du 7e R.I.C. va de la hauteur de Campagne à gauche à Porquericourt inclus.
- Le Sous-Secteur du 33e R.I.C.M.S. (centre) va de ce village à Chiry-Ourscamps (exclus).
- Le Sous-Secteur du 57e R.I.C.M.S. comprend cette agglomération et s’étend jusqu’à Ribécourt. Il a relevé le 52e B.M.M. de ce village à Pont-1’Evêque.
Sur ce nouveau terrain, la 7e D.I.C. essaie de s’organiser rapidement. Les Officiers effectuent leurs reconnaissances. Les travaux de campagne sont poursuivis. Le Génie prépare les destructions dont les dispositifs seront achevés le lendemain, les colonels commandant les Sous-Secteurs recevant délégation des mises de feux.

L’activité aérienne adverse est intense. Les appareils de reconnaissance s’efforcent sans arrêt de déterminer nos mouvements et nos installations, les bombardiers continuent sans cesse les harcèlements ; le 4e R.I.C. est pris à partie .dans son mouvement sur Lassigny.

 

LES COMBATS DU CANAL DU NORD

Au matin du 5 juin, le dispositif d’ensemble est le suivant : la 49e D.I. est à gauche de la 7e D.I.C., devant laquelle se trouve, en première ligne, la 23e D.I. Sur l’Oise la liaison à droite est réalisée avec le G.R.C.A.25, lui-même voisin de gauche de la 87e D.I.A. A partir de 4 h. 30, de violents bombardements sur tout l’arrière se déchaînent, accompagnement lointain de l’offensive qui se déclenche sur tout le front du 24e C.A. L’ennemi passe l’Oise à Abbecourt, traverse le canal de l’Ailette et essaie de s’infiltrer. L’alerte est donnée aux régiments dont les éléments au travail occupent leurs emplacements de combat. Le G.R.D. reçoit une mission de protection contre les parachutistes et les attaques éventuelles sur le terrain de la Potière. Il doit aussi barrer la route Fresnières-Lassigny. Le 4e R.I.C. qui devait relever le 33e est maintenu en réserve de Division (Lassigny, Thiescourt, Orval). A midi, le Q.G. du Corps d’Armée est fortement bombardé. Devant la gravité de la situation la Division passe à la disposition du 24e C.A. (13 heures 30).

L’effort ennemi s’accroît au cours de la journée. Malgré la résistance acharnée de la 87e D.I. l’adversaire progresse sur la rive gauche de l’Oise. Et, sur la rive droite, la 23e D.I. est sérieusement attaquée, son Q.G. doit se replier sur Beaurains derrière le canal du Nord. Dans la soirée, l’Allemand atteint Pontoise-les-Noyon.

La nuit du 5 au 6 juin est relativement plus calme, mais l’offensive ennemie reprend avec le jour. Les blindés menacent Roye (29e D.I.). Les positions de la 7e D.I.C. sont traversées par les éléments des divisions de première ligne qui se replient et elles subissent de nombreux bombardements. La Division prête main-forte aux voisins. Le G.R.D. est mis à la disposition du Général Arlabosse (11e D.I.) pour la défense de l’Oise de Compiègne à Ribécourt.

Un bataillon du 4e doit relever les éléments du G.R.D. du terrain de la Potière. Le IIe Bataillon (Commandant Paing) est prêté au. Général Jeannel (23e D.I.). Poussé vers Porquericourt, les délais de transmission et de transport le mettent un peu en retard. À 16 heures, avec l’appui des chars, il contre-attaque en direction de Morlincourt, La poche ennemie est détruite, à l’exception des éléments de ce village qui résistent avec acharnement.
Cependant devant la pression ennemie qui s’accentue le 33e reçoit l’ordre de faire sauter les ponts du canal. La proximité de l’Allemand permet au 32e R.A.C d’effectuer des tirs. Ceux de la 6e batterie en particulier obtiennent plein succès.
La situation s’aggrave dans la journée du 7 juin. Les panzer atteignent Champien. La 7e D.I.C. reçoit l’ordre de maintenir l’intégrité de sa position afin d’assurer l’écoulement de la 23e D.I. et de la 3e D.L.I. (Général Duchemin). Sur la rive gauche de l’Oise la 87e D.I. est retirée du front, couverte par les 16e et 77e G.R.D. Toutes les opérations se déroulent soins l’intense activité aérienne habituelle. Par centaines, les appareils allemands attaquent à la bombe et à la mitrailleuse, mais les tirailleurs commencent à s’accoutumer à ce fracas du ciel et la surprise ne joue plus comme au début. L’infanterie adverse borde progressivement le canal. À 7 heures elle est à Porquericourt devant le 33e et devant Sermaize tenu par la 11e Compagnie du 7e R.I.C. Ce régiment doit tenir jusqu’à la dernière minute le pont de Catigny, par où s’écoulent les colonnes de la 23e D.I.

À 9 heures une attaque se déclenche sur Vauchelles occupé par le II/33e. Elle est stoppée par les feux intenses de nos armes automatiques et les tirs violents de nos 75 d’appui direct. Après deux cents cinquante-trois coups tirés sans arrêt, une pièce éclate à la 6e batterie. Mais l’ennemi éprouve des pertes extrêmement sévères. I1 s’infiltre cependant aux abords nord et sud de Noyon.

Un peu plus au nord, à 17 heures, une action se déclenche sur Beaurains (III/7e R.I.C.). Le Lieutenant Tournier contre-attaque immédiatement après avoir fait sauter le pont, il ramasse des prisonniers et des armes. À la tombée de la nuit le sous-lieutenant Morens du même bataillon nettoie les boqueteaux est de Porquericourt des éléments ennemis qui s’y étaient infiltrés. Afin d’éviter les surprises possibles le commandement donne l’ordre de faire sauter tes ponts de l’Oise : à 4 heures ceux en amont de Ribécourt et à 19 heures 30 celui de Thourotte sont détruits.

Le IIe Bataillon du 4e R.I.C. combat magnifiquement, couvrant le mouvement de la 23e D.I. Il arrête l’ennemi à Salency. Durement accroché dans les fermes de Happlincourt, il s’y défend durant deux heures en une lutte désespérée à la grenade et à courte distance. Enfin pour assurer à son tour le repli du Bataillon la section de mitrailleuses du Lieutenant Debray se sacrifie, elle épuise ses munitions. L’ennemi, ne pouvant l’aborder de front, l’encercle. Elle ne rejoindra pas le IIe Bataillon qui pourra se reformer à Thiescourt dans l’après-midi. Le Ier Bataillon du 4e R.I.C. avait été chargé d’assurer la liaison avec la 47e D.I. et de couvrir la gauche du secteur.

Au cours de la nuit, les derniers détachements de la 3e D.L.I. et de la 23e D.I. décrochent. Les routes sont très encombrées, il n’y a pratiquement pas de régulation. L’ennemi se masse dans Noyon et sa pesée s’accroît sur la 87e D.I.A. De même devant le 7e R.I.C. des formations se rassemblent. Des motocyclistes attaquent le pont de Sermaize le 8 juin à 4 heures, ils sont repoussés. Le Lieutenant Graciés fait jouer la destruction. A 6 heures, la 6e Compagnie (Lieutenant Vigneau) met en échec des cyclistes auxquels il fait des prisonniers. A 7 heures des formations serrées ennemies débouchent des bois nord-est de Catigny, les feux nourris de nos points d’appui les arrêtent, mais à 10 heures le Lieutenant Dumez fait sauter le pont de Catigny.

Tenace, l’Allemand étend son action jusqu’à Ecuvilly. À cinq reprises il est repoussé par les tirs violents du Groupement Pierrot d’artillerie d’appui direct.

Les autres groupements effectuent des concentrations sur les chars ennemis vers Tarlefesse et Crisolles malgré les bombardements aériens continuels. Devant le 33e l’ennemi s’est heurté à une résistance extrêmement tenace. Dans les quartiers de Suzoy et du Mont-Renaud, deux contre-attaques menées avec brio débloquent deux points d’appui encerclés et les Allemands éprouvent des pertes sérieuses. Quant aux éléments du 57e ils doivent être relevés par la 23e D.I.

 

LE REPLI SUR L’OISE

En effet le repli de la 7e D.I.C. a été décidé « in-extremis » sur l’initiative du Général Noiret dans l’esprit des directives qu’il a reçues et à l’intérieur du 24e C.A. elle va effectuer une manœuvre très délicate : après avoir défendu le canal de l’Oise face à l’est, elle doit se rétablir sur l’Oise de Verberie inclus à Compiègne (exclu), sur la rive gauche, face à l’ouest.

Ces ordres sont diffusés vers 24 heures. Les éléments non indispensables au combat sont dirigés sur Montlognon, près de Senlis et les bois au sud. Les unités au contact décrocheront avec l’appui du Ier Bataillon de chars et sous la couverture de la 23e D.I., qui barre la vallée de l’Oise de Compiègne à Choisy-an-Bac. Le Quartier Général s’installe au château de la Brévière au milieu de la forêt de Compiègne.

La journée du 9 juin se déroule sous un ciel clair, il fait un temps splendide et très chaud, le soleil semble insulter à nos difficultés. Les routes sont encombrées, embouteillées, soumises aux incessantes attaques aériennes.

Face au nord-ouest le G.R.D, protège la manœuvre. Le décrochage de son premier échelon nord (Ricquebourg, château de Séchelles) se passe à peu près normalement. Le deuxième échelon (Bayencourt, Bois de Ressons) est plus difficile. Le contact est pris, puis rompu à 12 heures 30. L’ennemi réussit à accrocher au carrefour de Monchy-Humières le G.R.D. qui ne peut se dégager que grâce à l’appui des chars. Malheureusement les éléments du 7e R.I.C. ont moins de chance. Dans ce terrain très coupé du nord de la Matz, le IIe Bataillon (Commandant Chatillon) est accroché à Mareuil-la-Motte ainsi qu’une partie du IIIe (Commandant Musso).

La 3e Compagnie du 4e R.I.C. en arrivant à Mareuil-la-Motte est accueillie par de violents tirs d’armes automatiques et éprouve des pertes. Son chef, le Capitaine Boulanger est tué. Le Commandant Chatillon du IIe Bataillon du 7e accourt accompagné de l’Aspirant Organini. Le Sergent Niel prend une pièce de mitrailleuse dont les servants viennent d’être tués, il engage avec l’ennemi un duel serré où son tir précis lui donne l’avantage. La section Bayle aborde aussi le village, met en batterie ses pièces, nettoie la rue et appuie la progression de la 3e Compagnie.

La moitié de la Compagnie Crez s’installe défensivement pour permettre le passage aux autres unités. Le II/7e peut ainsi gagner les bois à l’est de Mareuil. Mais l’ennemi encercle bientôt le village, après un furieux combat et l’épuisement de ses moyens, à 15 heures 30 le détachement Bayle-Crez est fait prisonnier.

Le Commandant Chatillon blessé dirige dans les bois au sud du village le feu d’un groupe de mitrailleuses qui interdit à l’ennemi le débouché de Mareuil jusqu’à 17 heures. Ce combat d’arrière-garde a coûté dix-sept morts et soixante blessés au IIe Bataillon. Les restes de cette unité se divisent en deux colonnes. Elles tombent entre les mains de l’ennemi l’une près de Braisnes, l’autre à Antheuil, toutes deux après épuisement de leurs munitions. Grâce à ces sacrifices les autres unités peuvent atteindre l’Oise. Le 33e et le 57e passent l’Oise à Croix- Saint-Ouen, ainsi que des éléments du 32e R.A.C. Les régiments d’infanterie perdront toutefois une partie du matériel lourd, quelques unités ayant été isolées sur la rive gauche par la destruction des ponts, ce qui diminuera leur capacité de résistance.

À 18 heures le G.R.D. traverse la rivière de Verberie. Ce passage important étant occupé depuis le 8 au soir par une Compagnie de voltigeurs et des engins du 94e R.I. commandés par le Chef de Bataillon Bel qui avait pris aussi sous ses ordres les éléments du 21e Régiment Régional se trouvant là.

À 19 heures quelques automitrailleuses viennent prendre le contact. À 20 heures 15 la poussée plus forte s’exerce sur le barrage de Port-Salut. Le Sous-Lieutenant Demey du 94e R.I. et sa section se défendent héroïquement. Finalement pour arrêter les blindés ils mettent le feu à une barricade de bottes de paille. Le lendemain on retrouvera les carcasses de quatre engins ennemis calcinés. Mais l’ennemi écrase la petite section dont le chef a été tué.À 21 heures 45 le Commandant Bel fait sauter le pont. Les éléments de la colonne ouest : 7e et 4e R.I.C., III/32e R.A.C. n’étaient pas encore passés. Ils peuvent néanmoins emprunter le pont du chemin de fer au prix de l’abandon de leurs voitures.

 

VERBERIE

La plupart des éléments de la Division ont parcouru une étape de 50 kilomètres dans des conditions très pénibles. Leur fatigue est extrême.
La défense de l’Oise est assurée de la façon suivante :
- sous-secteur sud de Compiègne : 57e R.I.C.M.S.
- sous-secteur Croix Saint-Ouen : 4e R.I.C.
- sous-secteur Verberie : 7e R.I.C.
- en réserve à Saint-Jean-aux-Bois : 33e R.I.C.M.S.
- des groupements mixtes de 75 et de 155 sont en appui des sous-secteurs.

Le 10 juin à 9 heures, sous la pression adverse, le pont de Croix-Saint-Ouen saute. L’ennemi qui attaque dans cette direction vers 15 heures est repoussé. Mais à 16 heures parviennent les ordres de repli, le 57e R.I.C.M.S, devant occuper des positions entre Rhuis et Verberie. Seule la 3e Compagnie pourra gagner ses emplacements. Le 2e Bataillon, en cours de mouvement, reçoit à hauteur de Verberie l’ordre de repli sur la position de Baron-Versigny, et exécute cet ordre immédiatement.

À 5 heures, le Commandant Musso installe son P.C. à Verberie (station du chemin de fer). À sa disposition se trouve le Lieutenant Smagghe du 52e B.M.M. qui prend le commandement du point d’appui du pont des Ageux et divers éléments du G.R.C.A.25. Le Groupement Padovani, appui d’artillerie au nord du pont, protège le flanc droit du Quartier.

L’action ennemie commence bientôt.À 7 heures des motocyclistes et une trentaine de véhicules se présentent. Le Commandant qui se trouve là les fait prendre sous le feu de la section de mitrailleuses Smagghe. À 7 heures 30 un détachement allemand tente de passer, il est mis en échec, mais riposte par un tir de Minenwerfer.

Heureusement, à 8 heures 30, le détachement Laurendeau rejoint, formé de quatre sections, des 9e et 10e Compagnies du 7e R.I.C. L’ennemi continue à harceler le pont avec ses tirs de mortiers et de 105, puis, après une courte et violente préparation d’artillerie, i1 lance à 10 heures une nouvelle attaque. Mais il est immédiatement refoulé avec des pertes importantes. Le Lieutenant donne l’ordre de destruction du pont. Le Sergent du Génie, qui en est chargé, tombe frappé d’une balle en plein cœur aux côtés de son Aspirant qui continue son travail avec la plus belle abnégation.

Vers midi, l’accalmie permet réorganisation et ravitaillement. Cela ne dure pas longtemps. L’allemand a réussi à s’infiltrer en direction de Moru et aurait atteint Roberval. Le Commandant Bel envoie immédiatement la section de Villiers du 94e R.I. Celle-ci contre-attaque vigoureusement, met en fuite deux cents soldats ennemis, libère une de nos batteries et réoccupe le village. Dans l’ignorance de ce succès, la dernière section de réserve est envoyée vers Roberval. Un nouvel et puissant effort ennemi oblige la section de Villiers à se replier sur Verberie. Au nord l’adversaire s’acharne encore, à 15 heures, après une puissante préparation d’artillerie, il essaie de passer sur les restes du Pont des Ageux et à l’aide d’embarcations l’action va jusqu’au corps à corps, et se solde par un échec pour l’ennemi. Celui-ci attaque alors plus au nord, à 17 heures sur le front du I/7e RIC réussit. Le flanc droit du IIe Bataillon est menacé directement, le Commandant Musso organise rapidement uni point d’appui au passage à niveau. Et à 17 heures 30 ce point d’appui est attaqué à son tour tandis qu’une action en conjugaison avec la première se déclenche sur le pont. Le Lieutenant Laurendeau est tué.

Jusqu’à 21 heures l’ennemi est contenu avec l’aide d’une section de mitrailleuses du I/7e. Le Groupement Padovani se tait. Les munitions s’épuisent. À 21 heures 45 la garnison du passage à niveau est prise, mais la batterie d’appui du 32e R.A.C. a pu se replier. Les restes du IIIe Bataillon, le Colonel Boivin qui avait organisé la résistance, sont pris au cours de la retraite qui suivit le repli, fixé à 21 heures.

Vers 19 heures la pression ennemie se fait plus forte sur Verberie et le Château, venant de la direction de l’ouest. Le Lieutenant-Colonel Lesage du G.R.C.A.25, mis au courant, fait envoyer des chars R.35. L’ennemi stoppé par les feux d’infanterie est alors repoussé au-delà de la ferme de Saint-Corneil.

La 3e Compagnie du 57e R.I.C.M.S. avait réussi malgré un barrage d’artillerie à s’installer dans Verberie.
La nuit est assez tranquille, de timides tentatives ennemies sont mises en échec. Dans l’obscurité, un peu dans toutes les directions éclatent les lueurs des fusées allemandes.

La lutte reprend le 11 juin au matin, elle durera encore quelques heures. À 4 heures l’ordre est donné aux éléments qui s’y trouvent encore de se replier sur les hauteurs sud du village, sous la protection des motocyclistes du G.R.C.A. L’ennemi est déjà en place sur ces collines. Un vif combat s’engage, les hommes utilisent les fossés de la route de Senlis. En trois heures 1.500 mètres sont ainsi parcourus pas à pas. Un motocycliste fonce sur la route, surprend l’ennemi et passe. Mais derrière lui, ses huit camarades qui ne peuvent plus profiter de l’effet de surprise, sont abattus les uns après les antres. La journée a été dure. Beaucoup ne sont pas revenus, leur héroïsme toutefois a permis au premier chef les mouvements de la plus grande partie de la Division. Ceux-ci ont été couverts au nord-est par le G.R.D, et une partie de la B.D.A.C. et au nord-ouest par le G.R.C.A.25.

Le 7e R.I.C. réduit à son Ier Bataillon, le 57e R.I.C.M.S. et le 4e R.I.C. à pied gagnent la position organisée à l’avance, dite du Gouvernement militaire de Paris, l’idée de résister sur l’Automne qui avait été envisagée un moment ayant été abandonnée, le 33e immédiatement disponible est envoyé en premier échelon. Seule une partie peut être enlevée en camions, le reste doit suivre à pied, portant à dos mitrailleuses et mortiers à travers les routes toujours embouteillées et où ne s’exerce aucune régulation. L’ordre du Corps d’Armée de poursuivre la retraite jusqu’à la position du G.M.P. est donné en cours de mouvement.

C’est au cours de cette pénible marche qu’eut lieu le combat de Rully.

 

 

(11 Juin 1940)

RULLY

Ce combat n’est qu’un épisode de la longue retraite, mais un épisode éclatant qui montre clairement tout ce qu’on aurait pu attendre des combattants de 1940 et plus spécialement des tirailleurs si leurs moyens matériels avaient été équivalents à ceux de l’ennemi. Obligée, à cause des avions, de marcher a travers les champs de blé une colonne du 33e R.I.C.M.S. comprenant la C.A.3, les 10e et 9e Compagnies approche de Rully, elle est prise à partie par des mitraillettes et des minen. Malgré quelques pertes la progression continue. La 9e Compagnie reçoit l’ordre de faire face au village et de faire taire les résistances ennemies qui ont été repérées. Après un court répit, le feu adverse reprend. Le Lieutenant Amadou Fall donne ses ordres : deux sections doivent marcher sur le village tandis que les deux autres appuieront de leurs feux. Malgré l’épuisement, les tirailleurs sont prêts, sentant l’Allemand non loin d’eux, ils ont hâte de se venger. Au milieu du crépitement des F.M. et dans le tumulte des cris de guerre ils se lancent à l’assaut : un combat rapide et farouche se déroule. L’ennemi s’est tu. A coups de grenades et de coupe-coupe, c’est alors le nettoyage des maisons. Une mitraillette au clocher : le sergent Vibert épaule son F.M. et lance quelques rafales, elle ne riposte plus.

La section Guigon est contre-attaquée par les éléments boches qui ont essayé de tourner le village par le sud-ouest. Elle leur fait face. Le Lieutenant est tué, mais l’ennemi est mis en échec.

Le combat a duré deux heures. La Compagnie quitte Rully en bon ordre, sous la protection d’une section qui stoppe l’Allemand, réveillé de sa surprise et qui voudrait poursuivre avec des renforts. Trop tard !

 

BARON VERSIGNY

Le Quartier Général s’installe le 17 juin a Montgé, puis à Eve. Bien que l’ennemi ne soit pas très mordant les avant-postes du G.R.D. ne peuvent être mis en place. Mais, dans l’après-midi, le III/33e abat de nombreux motocyclistes qui viennent buter dans les barricades de Baron et fait des prisonniers. Les unités s’installent suivant un dispositif assez profond, entre la 47e et la 11e D.I, Le 57e à l’est, le 33e à l’ouest ont leurs premiers bataillons en deuxième ligne. Derrière eux se trouvent respectivement : 52e B.M.M., 7e R.I.C. et I/4e R.I.C. Le I/32e R.A.C. est en appui direct du sous-secteur est, les II et III/321e formant l’appui du sous-secteur ouest. Le 232e R.A.L.C, (action d’ensemble) n’a plus que 19 coups par pièce. Le 32e appuie efficacement par ses feux violents l’action du, 26e R.Ide la division voisine qui, à l’est, reprend le bois de Rozières.

À Rozières, les 2 et 3e Bataillons du 4e R.I.C. supportent le choc allemand jusqu’à épuisement des munitions. Le Commandant Le Cam est tué et la moitié du 3″ Bataillon faite prisonnière. Le 2e Bataillon, ravitaillé par le 26e R.I reprend le village après un dur combat ; il est relevé à la nuit par un régiment de la 11e D.I.

La nuit du 11 au 12 juin est calme, troublée seulement par quelques tirs de harcèlement. Tandis que la matinée se passe pour les 57e et 33e à parfaire leurs organisations, à rechercher les liaisons, remettre de l’ordre dans les unités, l’ennemi effectue ses tirs de réglage. A 14 heures 30, après une violente préparation d’artillerie, accompagnée de bombardement et de mitraillages aériens, l’attaque violente est lancée sur tout le front.

Après le vacarme des avions volant bas, les obus fumigènes aveuglent nos observatoires et désorganisent nos feux. Une partie de l’artillerie a subi des changements de dernière heure, les liaisons téléphoniques ont été très souvent coupées, aussi l’appui n’en est-il pas ce qu’il aurait dû être.

À 17 heures 45, après une courte accalmie l’attaque reprend. Le 33e maintient son front, les Allemands sont repousses par les feux violents des mitrailleuses mais, sur la droite du 57e, des infiltrations se produisent. L’appui de nos canons est devant le IIe Bataillon moins serré, l’effort ennemi plus considérable : le bataillon perdra ce jour-là 4 Officiers, 183 hommes ou sous-officiers. La réserve contre-attaque et rétablit temporairement la situation.

Publié dans la revue des Troupes Coloniales, février 1947

 

© Marc Pilot – Picardie 1939 – 1945 -juin 2012