65e BCA

 
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bergonsi
François Bergonsi , 3e Cie, recrutement de Marseille, matricule 6471, classe 1933 déclaré tué à Nesle le 10 juin 1940
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29 mai 1940

Dans la nuit, malgré la fatigue, le bataillon se remet donc en marche, traverse la petite ville de Roye et atteint Gruny au petit jour, le 29 mai. Mais de nouveau, dans l’après-midi, arrive l’ordre de repartir : le bataillon doit aller occuper dans la nuit le village de Curchy, quelques kilomètres plus au Nord.

 

30 mai 1940

À minuit, les chasseurs reprennent donc la route. Depuis six nuits, sauf le 26 à Marest, ils n’ont cessé de marcher avec chargement complet. Ils traversent Crémery et Étalon et atteignent Curchy au petit jour, le 30 mai. Le bataillon a reçu l’ordre de s’organiser en point d’appui fermé dans ce village. Malgré la fatigue et le manque de sommeil, il se met aussitôt à la construction de ses barrages anti-chars.

 

31 mai 1940

Le lendemain, les travaux sont activement poussés. Les barrages sont renforcés et des abris constitués. Le Lieutenant Ollivier, de la C.R.E., détaché depuis quelques jours au 65e, a mis en batterie ses deux canons anti-chars de 25.

 

1er juin 1940

La liaison téléphonique avec la 6e demi-brigade a été assurée. Dans le milieu de la journée, le 1er juin, la lisière Nord du village, tenue par la 2e Cie, est bombardée par des percutants à fusée instantanée. D’après l’épaisseur des éclats, le calibre doit dépasser le 105. Le centre du village reçoit également des fusants. Dans l’après-midi, le bataillon reçoit l’ordre de se porter à la petite ville voisine de Nesle dans la nuit. Il sera relevé à Curchy par le 25e B.C.A. qui occupera également les hameaux de Fonches, Fonchette et Hyencourt.

 

2 juin 1940

À une heure du matin, le 2 juin, le 65e B.C.A. quitte donc Curchy et, par Manicourt, atteint Nesle avant le jour. Il a reçu l’ordre de s’organiser dans la ville même en points d’appuis fermés et de tenir solidement par des barrages anti-chars cet important nœud de communications. Les travaux sont aussitôt entrepris avec le concours d’un détachement du Génie divisionnaire, commandé par le Lieutenant Balmelle, (Sous-Lieutenant Ricolfi, Sergent Olive-Perrot). La C.H.R. du bataillon et l’échelon muletier s’établissent à Billancourt à 2 km. 5oo environ au Sud de Nesle, La liaison téléphonique est aussitôt réalisée avec ce village par la section des Transmissions qui relie également le P.C. à un central organisé à Nesle par le Génie.

 

3 juin 1940

Le 3 juin, deux sections, de la 3e Cie, sous les ordres du Sous-Lieutenant Barreau vont occuper le petit village de Herly à 2 km à l’Ouest de Nesle. À Nesle même, chasseurs et sapeurs achèvent la construction de très solides barrages anti-chars. Les voies d’accès secondaires sont interdites définitivement. Au contraire, les deux grands axes Amiens-Ham et Péronne-Roye sont coupés par des barrages en chicanes. Des camions chargés de pavés attendent derrière les barricades le moment d’être poussés dans les chicanes, où d’étroites tranchées ont été creusées à l’écartement de leurs roues. Pour permettre passage des convois amis, ces tranchées sont obturées par un madrier qu’il suffira d’enlever le moment venu : les camions seront alors poussés dans la chicane où ils s’enfonceront jusqu’au moyeu. Des tranchées, des abris, des emplacements de mitrailleuses, de canons de 25 et de canons de 37 sont activement construits. Chaque fois que cela est possible, ces abris sont creusés dans le sol, en dehors des maisons, mais, le plus souvent, les chasseurs sont malheureusement contraints de s’organiser dans des maisons. Les caves les plus solides sont aménagées et étayées.

 

4 juin 1940

Un observatoire est établi dans la partie Nord de la ville, sous le toit d’une maison. Au premier étage sont placées les mitrailleuses du Sous-Lieutenant Chevallier qui n’a pas pu trouver d’autre emplacement pour avoir un champ de tir convenable. Ce point d’appui est gardé par la 1ère Cie (Lieutenant Brunel et Lieutenant Repellin). Plus à l’Ouest et au Sud, les sections Voglimacci et Valo gardent les entrées des routes de Curchy et de Roye avec un canon de 25 et un canon de 37.

Dans le sud de la ville, le Lieutenant Poilroux et le Sous-Lieutenant François-Julien tiennent un second point d’appui avec deux sections de la 3e Cie. Tous ses abris détruits par le bombardement, le Lieutenant Poilroux, réfugié dans des maisons avec une de ses sections, tiendra encore le 6 à la nuit et disparaîtra après une belle résistance. On apprendra longtemps plus tard qu’il a été fait prisonnier avec un certain nombre de chasseurs. Dans le centre de la ville, sur la place, un réduit central avec un canon de 25, la section Fouque et le P. C. est installé à l’abri des murs épais de la mairie. Immédiatement à côté, dans les caves de l’Hospice que le docteur Frèrejean fait étayer, s’établit le poste de secours. Ce réduit sera particulièrement bombardé. Le canon de 25 sera atteint par plusieurs coups directs et les abris finiront par s’effondrer sous l’avalanche des bombes, après avoir longtemps résisté. Le Lieutenant Ollivier et de nombreux chasseurs y disparaîtront. Au cours de l’après-midi, la partie Sud de la ville est bombardée par fusants, et un détachement des Transmissions est envoyé à Herly pour réaliser la liaison téléphonique avec le P.C. à Nesle et avec le 25e B.C.A à Curchy.

Dans la mesure du possible, le 65e s’est préparé à la lutte. Il ne lui reste plus maintenant qu’à attendre l’assaut allemand qui ne va pas tarder.

Le 5 juin 1940, la bataille de France commence Quand, le 17 mai, la 29e D.I. fonçait dans la nuit vers la Somme, elle s’attendait à attaquer aussitôt, face au Nord, pour tenter de couper les divisions motorisées allemandes si hardiment lancées, de Sedan à la Manche. Mais, depuis plusieurs jours déjà, la VIIe armée, du Général Frère, à laquelle appartient maintenant la 29e D.I. (Ier Corps d’Armée), n’attend plus l’ordre d’attaquer vers le Nord pour donner la main à l’armée du nord attaquant vers le Sud. Cette opération, qu’un ordre du jour du général Weygand, nous a fait espérer jusque vers la fin du mois de mai, ne peut plus être réalisée maintenant. Ce sont, au contraire, les Allemands qui attaquent avec une énorme supériorité d’effectifs et de matériel. La bataille de France est commencée… Les 19e et 29e D.I. vont recevoir l’effort principal de l’ennemi, attaquant, de sa tête de Pont de Péronne, droit vers le Sud, avec une énorme masse d’engins blindés. La 29e Division Alpine, avec` ses mulets, ses 75 de montagne et ses canons de 37, occupe un front de 17 km, sur la Somme, au Sud de Péronne, à cheval sur le canal du Nord, avec le 11e R.I.A à l’Ouest du canal et le 3e R.I.A. à L’Est et avec la 6e demi-brigade en profondeur. À sa droite, la 3e D.L.I. À sa gauche, la 19e D.I. Derrière elles, en deuxième position, les 7e D.I.N.A. et 47e Division de réserve.

 

5 juin 1940

Le 5 juin, l’attaque prévue depuis quelques jours se déclenche.

Les divisions blindées allemandes attaquent sur l’axe Péronne-Roye, à la jonction de la 19e et de la 29e D.I. Plus de 500 chars diront les observateurs de la VIIe Armée, attaquent l’aile gauche de la 29e D.I. Aussi nombreux sont ceux qui attaquent la 19e.

Sur la droite de la division, le 3e R.I.A. attaqué uniquement par de l’infanterie, résiste sans trop de peine. Une poche créée un moment entre Voyennes et Offoy est colmatée avec l’appui de chasseurs du 24e et du 65e B.C.A. Mais à l’Ouest, les blindés ont attaqué par vagues et la situation est tout de suite beaucoup plus critique ; pourtant le 112 résiste courageusement sur place. La bataille n’atteint donc pas immédiatement les emplacements où la 6e demi-brigade, chargée de donner de la profondeur au dispositif et de couvrir ses flancs Est et Ouest, reste en attente, 25e à gauche, 65e au centre, 24e à droite. A quelques kilomètres au Nord, Misery, Licourt, Omiécourt sont bombardés, investis par les chars et vigoureusement attaqués par l’infanterie, mais le 112 n’abandonne aucun de ses points d’appui. Malheureusement, à l’Ouest, la 19e D.I. a dû céder du terrain et le 22e Régiment de Volontaires Étrangers est très profondément pénétré par les chars ennemis. La liaison avec la 19e D.I. est ainsi rompue et la 29e Division se voit tournée sur son flanc gauche par les blindés qui s’infiltrent dans un véritable couloir. Fonches, Fonchette, Curchy, Liancourt sont ainsi débordés et attaqués de flanc par les chars. Mais le 25e B.C.A. et la 6e demi-brigade résistent héroïquement dans ces villages et, plus au Nord, le 112 tient encore. Couvert au Nord par le 112e et à l’Ouest par le 25e, Nesle n’est pas encore atteint.

Ce répit permettra au 65e B.C.A. d’intervenir avec abnégation en se portant au secours des camarades en danger.

C’est ainsi qu’à 17 heures, il fait parvenir au P.C. du 112e R.I.A. dans Pertain investi par les chars, un camion chargé de 10.000 cartouches de mitrailleuses ; le Lieutenant-Colonel Nauche dont le téléphone n’a pas encore été rompu, remerciera lui-même en termes émus.

C’est ainsi que la section de mitrailleuses du Lieutenant Hilpert est envoyée en appui de feu au 2e bataillon du 3e R.I.A. â Hombleux, sur la rive Est du canal du Nord, où les Allemands ont réussi à progresser quelque peu entre Voyennes et Offoy.

C’est ainsi surtout que la 2e Cie du 65e B.C.A. (Lieut Benezit, Sous-Lieut. Guirant, Adjudant-Chef Aubert, Sergent Liberotti) va contre-attaquer en direction du bois de Dreslincourt et dégager un groupe du 294e R.A.L.T. qui, débordé, a déjà commencé à démonter ses culasses. Toute la région est sillonnée par les chars allemands, aussi l’ordre reçu prescrivait-il un itinéraire passant par Hattencourt, où les chasseurs devaient recevoir l’appui d’une compagnie de chars R. 35 (Capitaine Detcharry). Mais il est tard et le temps presse : le Commandant de Jankowitz ordonne donc de prendre l’itinéraire direct par Curchy. Le Lieutenant Benezit prend aussitôt les devants en camionnette avec le Sergent Liberotti et 3 F.M. Mais à peine est-il à 3 km de Nesle qu’il doit traverser un violent bombardement d’artillerie et ne peut continuer la progression qu’à pied, en utilisant les fossés de la route. Peu avant Curchy, il est pris sous des rafales de mitrailleuses, mais il continue à avancer en rampant au milieu des blés. Il atteint enfin le bois de Dreslincourt vers 22 h 30 et met aussitôt ses F.M. en batterie. Le restant de la Cie sous les ordres du Sous-Lieutenant Raynaut parvient à passer entre les chars et le rejoint vers 23 h. 3o. Les abords du bois dégagés, les chasseurs s’organisent face au Nord et à l’Ouest et les artilleurs renforcent leur plan de feu avec deux mitrailleuses St-Étienne et 2 F.M. 1915.

A Nesle même, la journée est relativement calme. Vers 4 heures du matin, un immense vrombissement emplit le ciel : une centaine d’avions allemands survolent la ville mais ils se dirigent vers le Nord-Ouest.

Dans la matinée, nouveau bombardement par fusants la maison où la section des Transmissions a son abri est atteinte, mais les radios continuent leur écoute ; les Transmissions se transporteront peu après au réduit central.

Vers 11 heures, la lisière Nord de la ville, à son tour, est, bombardée, beaucoup plus sérieusement d’ailleurs. A la fin de l’après-midi, trois avions de chasse français fondent soudain sur l’avion de reconnaissance allemand qui faisait sa tournée habituelle et l’abattent en quelques secondes. Ce sont, croyons-nous, les seuls avions français que le 65e aura vus pendant toute la durée de la campagne. Plus tard, de nombreux chars ennemis sont aperçus s’infiltrant entre Nesle et Herly. A Herly, les chasseurs du Sous-Lieutenant Barreau ont dispersé avec leurs F.M. quelques éléments d’infanterie allemande qui progressaient vers l’Est, venant d’Étalon. Dans la soirée, la 6e demi-brigade informe le bataillon que des chars B français doivent traverser Nesle dans la nuit ou au petit jour pour contre-attaquer et dégager les points d’appui qui, encerclés, tiennent toujours. Mais les guetteurs, placés pour guider les chars, attendront en vain. Au cours de la nuit, des convois d’artillerie et quelques chars R. 35 traversent Nesle mais ils battent en retraite vers le Sud. Les chasseurs apprendront plus tard que la contre-attaque de chars, écrasée par l’aviation, n’a pas pu déboucher de ses bases de départ. Aux 1.000 chars allemands, qui viennent d’enfoncer l’aile droite de la 19e D.I. et de s’infiltrer entre les points d’appui de l’aile gauche de la 29e DI, la VIIe armée n’a à opposer, en effet, que la contre-attaque d’un bataillon de chars légers et d’un bataillon de chars B. Cette contre-attaque, orientée d’abord du Sud-Est vers le Nord-Ouest, devait se redresser vers le Nord-Est le long du couloir de pénétration des chars, ennemis, et on pouvait espérer qu’elle dégagerait ainsi les points d’appui encerclés de la Division. Mais son débouché tardif, le 6 au matin, sans appui d’aviation en face d’une puissante aviation de bataille allemande, la vouait à l’insuccès. Nos chars, pris à partie un à un par l’aviation ennemie entièrement libre de ses mouvements, seront cloués sur place, ou contraints à se replier, sans avoir pu remplir leurs missions. Les points d’appui ne seront pas dégagés.

 

6 juin 1940

Les points d’appui du 112 et des chasseurs tiennent encore, complètement investis. Mais en raison de l’immense front de la division, ces points d’appui sont forcément assez distants les uns des autres et les forces ennemies s’infiltrent entre eux, et continuent leur progression pendant que leurs avions, maîtres de l’air, bombardent tranquillement, comme à l’entraînement, les centres de résistance qui n’ont pas encore été attaqués, et plus généralement tous les villages. A son tour, le 65e B.C.A. déjà largement débordé à l’Ouest et au Sud, devra subir le plus effroyable bombardement aérien avant de recevoir le choc des chars et des fantassins allemands.

Dès le petit jour, de nombreux blessés arrivent, qui sont soignés au Poste de Secours, par les docteurs Frèrejean et Petit et évacués par des moyens de fortune. A 7H., bref bombardement d’artillerie (105) sur la lisière Sud de la ville.

A 9H. 25, Nesle subit un premier bombardement aérien, extrêmement violent, qui dure près d’une heure et occasionne plusieurs incendies. Un dénombrement hâtif fait ressortir 15 tués, presque tous enterrés dans leurs tranchées ou leurs abris, et d’assez nombreux blessés. La section de l’Adjudant Voglimacci (1ère Cie) est particulièrement éprouvée, ainsi que celle du Sous-Lieutenant François-Julien, dont le sous-officier adjoint, sergent Robert, est tué ainsi que cinq de ses hommes, et dont le chasseur Perroti est blessé. L’abri d’un canon de 37, soigneusement enterré dans la chaussée d’une rue, a reçu une bombe qui a écorné l’un de ses angles. Le souffle de la bombe a détruit les deux maisons de chaque côté de la rue, mais les occupants de l’abri sont sains et saufs. Les communications téléphoniques sont coupées avec le central de Nesle et avec Billancourt.

Deuxième bombardement aérien de 12H35 à 13 H. qui fait 7 tués et 3 blessés à la section Valo, et 1 tué à la section Repellin, et coupe les fils téléphoniques de l’observatoire d’où le chasseur Roso continue avec le plus grand sang-froid à établir et faire parvenir ses comptes-rendus par coureurs. Les Transmissions travaillent à rétablir la liaison téléphonique avec Billancourt, par où l’on peut espérer recevoir des ordres. Malgré le bombardement qui reprend à 14H45, elles parviendront à rétablir un moment la communication à 17H. mais les fils seront de nouveau définitivement coupés peu après.

Le bombarderaient, le troisième de la journée, devient d’une formidable violence ; il durera jusqu’à 16 H 45. Pendant ces deux heures, une centaine d’avions se relaieront en permanence dans le ciel de Nesle, bombardant systématiquement la ville par zones, avec des bombes lourdes, puis avec des bombes incendiaires et parachevant leur oeuvre en bombardant en « piqué » les points importants de la ville malgré le feu des chasseurs qui tirent sur eux de leurs tranchées avec leurs F.M. et leurs fusils. Cependant, à 16H0, deux avions ennemis sont abattus et tombent en flammes à l’ouest et proximité de l’observatoire.

À 17H20, quatrième bombardement, court et violent.

Le bataillon a subi des pertes que l’on n’aura pas le loisir de chiffrer. Les abris établis dans des tranchées tiennent, encore pour la plupart, mais les points d’appui organisés dans les maisons sont littéralement écrasés et les barrages anti-chars nivelés. L’abri du groupe des mortiers de 81 notamment, s’est effondré sur-ses occupants et un seul chasseur a pu être dégagé. Le canon de 25 réduit central est détruit et le Lieutenant Ollivier a disparu, ainsi que plusieurs chasseurs de la C.R.E. Les abris de 3e Cie au Sud de la ville sont littéralement bouleversés. Le Sous-Lieutenant François-julien, renversé par le souffle d’une bombe, a été légèrement blessé au genou. Le chasseur Bousquet Cyprien a eu la cuisse traversée par un éclat de bombe alors qu’il tirait sur les avions. En divers endroits des chasseurs sont ensevelis, certains pourront être dégagés, d’autres périront sous les décombres. La circulation est impossible, même à motocyclette, car il est tombé tous les dix mètres. A pied même, il faudra près d’une heure pour aller du P.A. de la 3e Cie au P.C. du bataillon qui, cependant, ne sont guère distants de plus de plus de 150 mètres. De nombreuses maisons sont incendiées en effet, et interdisent, les rues. Des réserves d’essence, un camion de munitions, des entrepôts brûlent avec des explosions qui durent plusieurs heures. Le P. C. qui a reçu plusieurs bombes s’est écroulé. Le Sous-Lieutenant Michel enseveli sous les décombres, se dégage à grand peine et retourne aussitôt chercher la serviette dont il a la garde et où se trouvent des documents importants. On transporte le P.C. au Poste de Secours qui est voisin et dont les magnifiques caves ont déjà supporté plusieurs bombes, mais le Poste de Secours aussi finira par s’effondrer sous de nouvelles bombes. A peine dégagés, le Caporal Vier, les chasseurs Mir, Benzo et Meyer retournent sous les décombres enflammés, qu’ils arrosent avec l’eau d’un tuyau crevé par la bombe et travaillent avec acharnement pour déterrer les blessés ensevelis vivants. Ils en dégageront quatre, mais plusieurs resteront enterrés dans l’Hospice qui brûle. Chassés de leurs abris par l’incendie, le P.C., les infirmiers, la section des Transmissions, la section Fouque et divers éléments de la C.A. finissent par se rassembler dans la crypte de l’église. A ce moment (18H3o), les avions reviennent pour un cinquième bombardement et pendant un quart d’heure bombardent l’église « en piqué. ». Plusieurs bombes traversent la toiture et explosent dans le chœur mais la crypte résiste parfaitement.

Pendant toute cette journée, la 2e Cie du 65e B.C.A. continue à tenir le bois de Dreslincourt sous les bombardements de l’aviation (de 8H à 11H30) et de l’artillerie (à 14H) recueillant des isolés du 22e R.M.V.E. (de la 19e division) et du 112e R.I.A. qui se replient.

À 16 H, l’ennemi est annoncé par les guetteurs. Les officiers de la 2e se portent aussitôt à la lisière du bois… et le feu est ouvert. L’ennemi attaque de face, avec deux compagnies et un char, pendant que les avions nous mitraillent le bois. Mais les artilleurs du. 294e ont enlevé les culasses de leurs mitrailleuses et commencent leur repli, et les Allemands parviennent à s’infiltrer entre les sections Liberotti et Raynaut, isolant la section Liberotti. La mission de la 2e Cie est remplie puisque les artilleurs qu’elle devait protéger ont quitté le bois; le Lieutenant Benezit décide cependant de tenir encore une demi-heure pour couvrir leur retraite ; mais quand l’ordre de repli est enfin donné, la section Sergent Liberotti reste engagée et ne peut suivre le mouvement. Avec huit chasseurs et deux. F. M., le Sous-Lieutenant Raynait s’arrête aussitôt et tente, par l’appui de son feu, de permettre le décrochage de son camarade. Le Sergent Escouffier et le chasseur Guiol retournent alors vers le bois, en volontaires, pour tenter de reprendre le contact, avec Liberotti, mais les lisières sont déjà occupées et ils ne pourront mener à bien leur courageuse tentative. Encerclée, la section Liberotti s’accroche au terrain, refuse de se rendre et arrêtera longtemps à elle seule l’effort allemand. Les chasseurs Guelfucci, Micoud, Rey, Curet, Mozone, se distingueront particulièrement. Le Lieutenant Benezit et le Sous-Lieutenant Guiran parviendront cependant à récupérer quelques hommes de cette section, dont le Sergent Cotte, deux fois blessé. Les survivants de l’héroïque section, presque tous blessés, tiendront encore de longues heures et brûleront jusqu’à leur dernière cartouche, refusant toujours de se rendre. Submergés sous le nombre, Liberotti et quelques blessés ne seront faits prisonniers que le 7, à 3 H du matin. Leur sacrifice aura arrêté longtemps l’avance allemande et permis aux trois autres sections de se replier sur Nesle. Lorsqu’elle y parviendra vers 19 H., la 2e. Cie., qui vient de perdre une quarantaine d’hommes, presque tous tués ou blessés, recevra aussitôt l’ordre de se porter vers Billancourt. Nesle incendié s’avère en effet intenable et le Commandant de Jankowitz a décidé de reporter la défense en dehors de la ville. L’ordre de repli est d’ailleurs donné depuis longtemps., mais le 65e B.C.A. ne l’a pas reçu. Le Lieutenant Froysse, du 3e R.I.A. a été chargé en effet, par le Colonel Galy de porter l’ordre de repli au 3e R.l.A. et au 65e B.C.A.  A 18 heures, cet officier a atteint le. P.C. du 65e à Nesles. Mais le P.C. est complètement effondré sous les bombes et brûle au milieu des explosions d’un camion de munitions. Le tube tordu du canon de 25 émerge encore d’un soupirail obstrué par les décombres, mais il n’y a pas de chasseurs en vue. Le P.C. et la centaine d’hommes du réduit central viennent en effet de se transporter dans la crypte de l’église, à 150 mètres à peine, mais le Lieutenant Froysse ne peut les voir. Les points d’appui de la 1ère Cie au Nord et de la 3e Cie, au Sud de la ville, tiennent toujours sur place, mais les chasseurs, tapis dans leurs tranchées ou leurs abris, sont peu visibles. La ville à demi en flammes paraît vide. Le Lieutenant Froysse croit donc que Nesle a été évacué et rejoint l’I.D. sans avoir communiqué son ordre.

Les chasseurs se rendent bien compte que la division se replie ; l’observatoire a signalé les mouvements de troupes vers le Sud, et à 17 H, les artilleurs du 294e se sont repliés à travers Nesle. Mais puisque l’ordre de repli n’a pas été reçu il faut s’en tenir à sa mission. Cependant, Nesle en feu, avec ses barrages anti-chars nivelés et ses abris détruits, ne se prête plus à une résistance efficace. Le Commandant de Jankowitz a décidé en conséquence, de porter la défense un peu au Sud, à l’abri du ruisseau voisin, le Ru d’Ingon, où le Poste de Secours s’est déjà transporté. Le Capitaine Leppert, vers 19 H, est donc chargé d’établir sur la rive sud du Ru d’Ingon, en direction de Billancourt, une base de feu à l’abri de laquelle le bataillon pourra s’organiser et se défendre ou retraiter suivant les ordres. Il disposera à cet, effet, des trois sections de la 2° Cie qui viennent d’arriver de Dreslincourt, de la demi-3e Cie qui occupait Herly et, a reçu l’ordre de rejoindre le bataillon, de la section du Sous-Lieutenant Folique, de la section de mitrailleuses de l’Adjudant Sartor et d’un canon de 37.
Le Capitaine Leppert a à peine commencé son mouvement par la route de Roye lorsqu’il apprend que cette route est coupée par les Allemands à 5 km au Sud-Ouest de Nesle, au village de Rethonvillers que le G.R.D. a abandonné. L’ennemi (infanterie et chars) est également signalé au sud de Herly, progressant vers Nesle. Le Capitaine Leppert, décide alors d’installer son dispositif face à l’Ouest, le long de la route de Roye, en appuyant, sa gauche au village de Billancourt où se trouve toujours la C. H. R., pour éviter l’encerclement de Nesle par le Sud. Il avise ensuite le Chef de Corps par coureur que le repli n’est plus possible que par les bois au Sud de Nesle et par la route de Noyon.
La section Fouque s’établit sur la route de Roye, à 500 mètres environ au Sud de Nesle, et les deux sections du Sous-Lieutenant Barreau (qui viennent de Herly) prolongent, le dispositif jusqu’à hauteur de Billancourt où s’établit la 2e Compagnie.
À 19H45, le compte-rendu du Capitaine Leppert n’est pas encore parvenu au P.C. lorsque la section des Transmissions, sous les ordres du Lieutenant du Chaffaut reçoit, l’ordre de rejoindre le Capitaine Adjudant-major. Elle part, en emportant à bras tout son matériel radio et d’observation, en utilisant, les fossés de la route de Roye, mais elle se voit soudain débordée, à 100 mètres à peine, par trois chars allemands guidés par trois cavaliers qui surgissent d’un petit bois. C’est alors que le lieutenant du Chaffaut décide de brûler les documents du Chiffre et de se joindre aux sections Fouque et Barreau pour défendre la route de Roye. Mais les Allemands n’attaquent pas ; on les voit s’écarter de cette hâtive ligne de défense et défiler vers le Sud à travers champs. La section des Transmissions rejoindra alors le Capitaine Leppert à Billancourt.
Billancourt a été sérieusement bombardé par l’aviation et plusieurs maisons sont en flammes, mais le village parait un Eden en comparaison de Nesle et la C. H. R. n’a pas eu à souffrir. À hauteur des premières maisons, un char léger français est immobilisé, son occupant est mort, affreusement blessé à la tête, et le Capitaine Ancian l’a fait ensevelir.
Vers 20H00, par la route de Noyon, le Commandant de Jankowitz fait commencer le mouvement du restant du bataillon à l’abri du dispositif qui tient la route de Roye : le Capitaine Desaphy et le Sous-Lieutenant Chevallier emmènent la C.A., qui transporte ses mitrailleuses à bras, et l’établissent en base de feu, face au Nord dans un chemin creux, sur les pentes sud du Ru d’Ingon, à quelques centaines de mètres à peine de Nesle.
Un peu plus tard, le Commandant de Jankowitz, le Lieutenant Brimel, le Sous-Lieutenant François-Julien et le Sous-Lieutenant Michel les y rejoignent avec le restant du bataillon.
Le Lieutenant Poilroux, avec la section du Sergent-chef Mathieu, reste seul dans Nesle pour couvrir ce dernier mouvement. Vers 23H00, sa mission largement remplie, il décroche à son tour, mais Nesle est maintenant entièrement cerné, et presque dès son départ, il tombe dans une embuscade, et est fait prisonnier avec ses hommes.

À ce moment, le bataillon qui a déjà perdu plus de cent cinquante hommes, se trouve scindé en deux éléments d’importance à peu près égale : l’un avec le Commandant sur les pentes Sud de l’Ingon, face au Nord ; l’autre, avec le Capitaine Leppert, dans le petit bois au Nord de Billancourt (où les sections Fouque et Barreau ont finalement été contraintes de se replier) fait face à l’Ouest et maintient les Allemands qui continuent à défiler sur la route de Roye. Ces deux fractions ne sont guère séparées par plus de 1500 mètres. Malheureusement, la nuit est venue, le terrain est difficile, les bois sont touffus et la liaison ne se fera pas…

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Historique du 65ème Bataillon de Chasseurs Alpins pendant la guerre 1939-1940 d’après le carnet de route d’un officier du bataillon avec une préface du Général de Corps d’Armée Gérodias, M. Leconte Imprimeur Editeur, Marseille 1941.

 

Marc Pilot / Picardie 1939 – 1945 / avril 2018