44e BCP (47e DI) Capitaine Guéneau de Mussy

Capitaine Guéneau de Mussy

44e BCP

Le capitaine Philippe Guéneau de Mussy commandait la 1ère Cie du 44e BCP (47e DI) qui livra de durs combats sur l’Avre à hauteur de Guerbigny (Somme) à partir du 6 juin. Le 8 à 23H30 la division donna l’ordre de décrocher mais ce n’est qu’à 2H30 du matin le 9 que le capitaine le reçut. Ces longues heures perdues allaient avoir des conséquences dramatiques pour son unité car les troupes allemandes étaient déjà sur ses arrières. Comment une troupe éprouvée par des combats récents et se déplaçant à pied pouvait-elle rivaliser de vitesse avec des unités motorisées ?

C’est au niveau du hameau d’Eraine, commune de Cressonsacq que le piège va se refermer, à partir de ce moment le destin du Capitaine de Mussy est très difficile à reconstituer jusqu’à sa disparition. Sa famille se livra à une enquête auprès d’autres membres du bataillon mais les réponses furent vagues et parfois contradictoires.

 » Je me trouvais avec lui, le Commandant et deux camarades officiers le 9 juin à midi à Eraine (Oise) village dans lequel nous avons été surpris par des engins blindés ennemis. Il n’y a presque pas eu de combat, en tout état de cause je puis vous certifier que votre père est vivant puisque on l’a vu monter dans les camions allemands qui ramenaient les prisonniers. « 

Lieutenant Hispa à Mademoiselle Mussy
Castelnau le 8/9/40

Ce témoignage très succinct du Lieutenant Hispa comporte une confusion importante : un premier contact a bien eu lieu vers midi dans ce secteur mais le bataillon est parvenu à décrocher par l’est et à se diriger vers Estrées-Saint-Denis. L’ennemi semblait venir de l’ouest mais faute de documents plus précis il est impossible pour l’instant de déterminer quelle unité allemande barrait la route.

« Dans la soirée du 8 juin, le Bataillon a commencé à décrocher pour se replier en direction générale de Sacy-le-Grand avec mission en arrivant à la jonction de la route conduisant à ce village de bifurquer sur Pont-Sainte-Maxence en vue du franchissement du fleuve. La marche vers l’Oise commencée à 20 heures dure toute la nuit. En fonction des renseignements reçus le chef de Btn de forcer l’allure car l’étau se resserre. Il faut pourtant se reposer et se ravitailler. Une grand’halte est donc prévue à Eraine, village situé après une des grandes transversales utilisées par les colonnes qui se replient. Nous arrivons donc à l’entrée d’Eraine où GRD35 et 23 ½ Bde entière font grand’halte vers 10 heures 30. J’ai rejoint personnellement pour prendre liaison avec le Cdt vers 12 heures ayant au préalable laissé le convoi hippo dont j’avais la charge à 2 km en arrière. Comme je rendais compte au Chef de Btn de la bonne fortune que nous avions eu malgré les difficultés d’avoir pu les rejoindre ; conséquence de la non-transmission de l’ordre de repli, une quantité importante d’engins blindés ennemis qui nous avaient tourné fait irruption à environ 800m encerclant dans leurs feux de mitrailleuses et leur mouvement à toute allure le lieu de stationnement. Dans n’importe quelle tenue les dispositions de combat sont prises. Les feux amis et ennemis se croisent dans toutes les directions, en un mot c’est une pagaïe indescriptible. Cependant les engins blindés continuent le scindage des unités stationnées. A eux sont venus se joindre un nombre important de camions qui embarquent les prisonniers. L’ennemi nettoie tant bien que mal le terrain et se retire vers ses lignes. »

Lettre du Lieutenant Hispa au Commandant de Madières
Meknès le 17/4/41

Dans cette seconde lettre le Lieutenant Hispa fourni des détails importants sur le combat. Il ne peut s’agir d’un combat mené par l’ID 33 qui n’est arrivée par l’est (départ du sud de Roye dans la matinée) dans le secteur de Blincourt qu’après 19H (heure allemande). Le secteur était aussi dans l’axe de progression de la 10 Panzer Division qui arrivait de l’ouest mais à cette heure ses régiments blindés étaient encore retenus dans les environs de Saint-Just-en-Chaussée. L’attaque semble donc avoir été menée par des blindés légers, ce qui est suggéré par la vitesse de l’enveloppement et l’armement léger. Ils appartenaient très certainement au Panzer Aufklärungs-Abteilung 90. Dans le Kriegstagebuch de cette division il est mentionné dans le compte-rendu de 18H (17H heure française) qu’interdiction fut faite à l’Aufklärungs-Abteilung 90 d’ouvrir le feu sur les colonnes en retraite vers Cressonsacq parce que l’on craignait que les bois et les villages du secteur fussent fortement tenus.

Un 8-Rad SdKfz.232 (Fu) au premier plan, reconnaissable à son antenne galerie, voisine avec un SdKfz.232 tandis que l’on distingue à l’arrière-plan un SdKfz.261 (Fu). La lettre K indique qu’ils appartenaient au groupe Kleist dont dépendait la 10e Panzer.

Le commandant de Madières distingue bien deux actions : c’est donc à Blincourt que le 44e BCP rencontre l’ennemi pour la seconde fois :

« En tant qu’ancien commandant du 44e BCP, je viens vous demander si vous avez des nouvelles de votre mari, le capitaine de Mussy ? Votre mari a disparu le 9 juin au cours de la retraite. A Blincourt, village situé au nord de Pont Ste Maxence sur l’Oise, nous avons rencontré l’ennemi qui pour la deuxième fois au cours de la journée, nous barrait notre route. Cette rencontre eut lieu par surprise et fut engagée par nous dans de très mauvaises conditions, étant donné le degré de fatigue extrême où nous nous trouvions : votre mari était à quelques mètres de moi sous la fusillade. Les circonstances m’empêchèrent par la suite de le voir. Coupé de mon bataillon avec un officier et quelques chasseurs, je dus attendre la nuit pour tâcher de regagner nos lignes. A la tombée de la nuit, je me remis en marche et ne vis personne du bataillon sur le lieu où le combat s’était déroulé. J’ai pensé alors que, comme la plupart de mes officiers, le capitaine de Mussy avait été capturé. »

Lettre du Commandant de Madières à Madame de Mussy
Marrakech 22/11/40

Personne ne peut attester que le Capitaine de Mussy a bien été capturé ni préciser les circonstances exactes de sa mort :

« La dernière fois que je l’ai vu c’était le 9 juin dans l’après-midi… et je crains pour lui : nous étions attaqués de tous côtés et il venait de prendre un fusil-mitrailleur pour se défendre ».

Témoignage du capitaine Leber commandant la 3e Cie rapporté par Paul Lamy (Aumônier du Bataillon, lettre du 6 janvier 1941.

« Le 9 juin vers 17H00 se voyant cerné avec de nombreux camarades et s’étant caché dans de hautes herbes grâce auxquelles il a pu échapper aux recherches de l’ennemi, il entendit à ce moment-là la voix du Capitaine de Mussy, rassemblant ses hommes pour le départ en captivité : il n’était pas blessé ».

Témoignage du sergent Godel, ibid.

« Sur le bord de l’Oise, le Capitaine de Mussy, fait prisonnier n’aurait pas voulu livrer son pistolet automatique et aurait été tué par les Allemands ».

Témoignage du chasseur Moutard, Ibid

Si le Capitaine de Mussy avait regroupé ses hommes au moment de la capture l’un d’eux aurait pu en témoigner formellement et expliquer pourquoi il n’aurait pas été emmené avec l’ensemble, s’il y avait eu par exemple séparation des officiers et de la troupe. Le témoignage du chasseur Moutard à ce titre pourrait être capital s’il était plus affirmatif mais il reste au conditionnel et ne semble pas avoir été témoin direct de la scène. Cette hypothèse ne peut être cependant écartée : le Capitaine de Mussy aurait mis une certaine mauvaise volonté à se rendre et aurait été abattu. Les forces allemandes n’étaient pas en nombre suffisant pour occuper le terrain, leur action s’apparente plutôt à un « raid » et dans ce cas les prisonniers peuvent être une gêne. Le Capitaine a pu être abattu froidement. Il ne faut pas écarter non plus la possibilité qu’il soit tombé les armes à la main mais dans ce cas il aurait été bien isolé car l’emplacement des tombes des trois autres chasseurs du 44e BCP tombés à Blincourt est éloigné de plusieurs centaines de mètres de la sienne, la seule sur le chemin de Froyères à Blincourt.

En 1941 le corps fut exhumé et identifié formellement par Mme de Mussy à l’aide d’une chaînette en or avec médaille attachée au cou. Inhumé dans un premier temps dans le cimetière communal de Blincourt puis transféré au cimetière militaire de Verberie le 21/6/1958.

« Officier d’une haute valeur morale et d’un grand courage. A réussi à faire une unité d’élite de la compagnie qu’il avait formée. A demandé à rester au front malgré ses charges de famille. Les 7 et 8 juin 1940 à Guerbigny, a repoussé malgré des pertes sévères, les rudes assauts ennemis appuyés de chars et de bombardements massifs, faisant preuve d’un grand sang-froid. A trouvé une mort glorieuse le 9 juin à Blincourt (oise), au cours d’un rempli effectué par ordre, alors qu’encerclé, il refusait de rendre son arme. A été cité ».

Elévation au grade de Chevalier de la Légion d’Honneur à titre posthume, décret N° 1237 en date du 17 avril 1942 publié au Journal officiel du 24 avril 1942.

Sources :

Archives familiales communiquées par Monsieur Guéneau de Mussy
Service des sépultures de l’Oise
Kriegstagebuch de la 10e Panzer Division
La 23e demi-brigade de chasseurs à pied dans la bataille de France, Lieutenant-Colonel Ortholan, Histoire de guerre N°43, janvier 2004.

 

© Marc Pilot – Picardie 1939 – 1945 -juin 2012)