41e RI (19e DI), Caporal Louis Cherel

 

Fougères, août 2010. Une 404 noire rutilante arrive à bonne allure. En sort un petit homme alerte, l’œil vif et pétillant. Voici Louis Cherel, 92 ans. C’est avec beaucoup de gentillesse et d’humour qu’il va conter ses années de guerre.

Né en 1918 dans la famille nombreuse (13 enfants), fils de maraîcher, Louis Cherel a quitté le collège Notre Dame des Marais de Fougères à 13 ans. Placé dans des fermes mais n’aimant pas ce travail, il s’engagea au 41e RI de Rennes en 1937 pour trois ans. Après avoir suivi le peloton des élèves-caporaux il fut affecté à la 6e Compagnie du lieutenant Cadieu.

Louis (à doite) et des camarades avant la guerre 

Pause au cours d’une marche.
Le régiment a fait la guerre avec le long et encombrant Lebel 07/15

En juin 1940 il était sur la Somme et participa le 28 mai à l’attaque de Saint-Christ [note]Un ouvrage de référence : BOURDAIS Louis, Souvenirs et témoignages sur les opérations et les combats de la 19e Division pendant la guerre 1939-1945, Amicale des Anciens 1939-1940 du 41e RI, Rennes 1947.[/note]. Il était persuadé d’aller à la mort, conscient du manque de soutien et du terrain particulièrement exposé. Cette attaque fut coûteuse et le 29, après avoir été relevée, la 6e Cie se replia sur Herleville. Un épisode l’a marqué dans son séjour sur la Somme : l’exploit de l’adjudant Tardiveau qui partit le 5 juin vers le Bois Etoilé sur une chenillette, simplement armé d’un fusil-mitrailleur. Louis se souvient d’un lieutenant qui tentait de le dissuader et lui disait : « vous êtes fou Tardiveau ! » Il revint cependant sain et sauf et accompagné de plus d’e deux cents de prisonniers. Il fallut ensuite se replier et de la Somme rejoindre l’Oise [note]Le II/41 quitta Herleville dans les premières heures du 7 juin[/note].

L’Oise fut franchie à Pont-Sainte-Maxence juste avant que le pont ne saute et la 6e Cie vint s’installer de chaque côté du pont de Boran-sur-Oise le 10 juin. Le 12 juin, la fatigue était telle que Louis s’endormit, à son réveil il ne restait que trois ou quatre camarades : le régiment était parti ! Le petit groupe refusa de rejoindre une autre unité comme le proposait un officier rencontré et préféra prendre la route de Paris. Le 13 juin, alors qu’il marchait sur le bord droit de la chaussée, une automitrailleuse survint et blessa son camarade qui marchait sur le côté gauche. Louis prit le risque de traverser pour lui porter secours avant d’être emmené dans une dépendance d’une ferme à proximité. Après y avoir passé la nuit, il embarqua en camion pour se rendre à la caserne des Spahis de Senlis.

Il y avait là plusieurs centaines de prisonniers (un nombre qu’il estime jusqu’à 800) qu’il fallait ravitailler et quand les Allemands demandèrent des hommes ayant des connaissances en boulangerie il se porta volontaire. La corvée comportait cinq hommes (dont un professeur d’allemand faisant fonction d’interprète) qui tiraient une charrette avec 200 boules de pain : une partie était distribuée aux civils à la mairie et le reste à la caserne. D’abord escorté par un sous-officier, ce groupe inspira assez de confiance pour bientôt être laissé sans surveillance, l’interprète étant responsable en cas d’évasion.
Cette liberté fut mise à profit pour mettre la main sur des volailles qui se retrouvèrent dans le four du boulanger, glaner quelques bouteilles de bon vin dans une cave très bien fournie… et prendre des contacts avec des civils. C’est ainsi que Louis fit la connaissance de Christiane Pylat qui était secrétaire de mairie et il ne cache pas, si longtemps après, qu’il en eut tout de suite le « béguin ». Il rencontra également ses parents qui acceptèrent de fournir des vélos pour que le groupe puisse s’évader.

Un camarade parisien fut chargé de partir en reconnaissance jusqu’à la capitale, le soir venu il manquait toujours… Il se présenta enfin à l’appel un grand soulagement succédant à une belle frayeur. L’évasion se passa presque normalement : deux hommes du groupe préférèrent se cacher au café rue de Paris où ils avaient fait des connaissances, les trois autres enfourchèrent en civil les bicyclettes. Ils avaient préparé une histoire au cas où, se faisant passer pour des réfugiés de la Somme dont la maison avait été détruite.
Retrouvant de la famille à Paris, ils prirent le train et c’est avec les vélos qu’ils firent, espacés de 30 mètres les uns des autres, la quarantaine de km entre Rennes et Fougères. Peu après il reprenait le combat dans la Résistance.

Sur la route de la liberté. Louis (à droite) avait réussi à conserver son appareil photo lors de sa capture. Le joyeux trio prit plusieurs clichés de cette randonnée.

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8 mai 2012 : louis Cherel (à gauche)
a reçu la décoration de Reconnaissance de la Nation

© Marc Pilot – Picardie 1939 – 1945 – novembre 2012)