34e Escadron anti-chars (7e DINA)

Lieutenant Decarpigny

1er peloton du 34e Escadron anti-chars, rattaché au G.R.D.I 97 de la 7e D.I.N.A

Lettre du 23/2/41

Le 8 juin au soir je contribuais à former le point d’appui d’Etelfay (3km au sud-est de Montdidier) avec le G.R.D.I. 97. Nous avions devant nous Davenescourt, Lignières, des chasseurs de la 47e DI, mon camarade Delorme (3e peloton du 34e Escadron était à Pierrepont avec le 30e RTM de la 7e DINA, au coude de l’Avre, à 7 km au nord de Montdidier.
Le G.R. décroche d’Etelfay à 22 heures. L’itinéraire qui nous a été communiqué devait être Piennes, Assainvillers, Domfront, Dompierre, Tricot, Maignelay, Montigny, Cuignières, Lamécourt, point de regroupement.
L’E.H.R du G.R.C.A. 2 est passé à Etelfay direction sud le 8 à 21 heures. J’ai fait conversation avec l’officier du service auto, la marche du G.R. 97 s’est effectuée dans d’assez bonnes conditions jusqu’à Maignelay-Montigny à part des fusées de toutes couleurs que l’on voyait sur notre droite, c’est-à-dire à notre ouest.
Le 9 juin environ 0H30 ou 1H30 énorme embouteillage et au bout d’une demi-heure nous recevons des 77. Le capitaine Stévenin de l’Escadron mitraille du G.R. 97 me dit de profiter d’une transversale à ma gauche pour faire un détour et retrouver le G.R. plus loin vers Léglantiers ou Lieuvillers, cela dégagerait un petit peu la route. Je ne devais plus revoir mon pauvre G.R.
Avec mon peloton comprenant encore 4 canons, 5 voitures TT, 2 solo, 2 sides, 40 hommes et moi, je me détourne vers Montiers et St Martin-aux-Bois. Des chars que j’estime être de la taille des Hotchkiss de la cavalerie étaient embossés dans les bois. Pierre Boy, officier de liaison de la D.I.N.A., privé de véhicule monte sur une de mes TT, il en descendra plus loin sans m’avertir.
Mon peloton se trouve isolé mais obligé de se frayer un passage parmi des colonnes d’artillerie hippo et de réfugiés hippo également. Cela jusqu’à La Neuville Roy. 5 heures, là je tourne à droite pour rejoindre mon itinéraire et retrouver mon G.R 97. Mon peloton est isolé sur la route, je passe à Lieuvillers à 5H30 le 9 juin , personne du G.R 97. mon camarade Rontein avec les débris de son 2e peloton de l’E.A.C. 34 est là, sonné par des bombes d’avions. Il me dit que Faule et tout l’escadron anti-chars se dirige vers Pont Ste Maxence. Je lui propose de me suivre moi qui connais un peu le pays, il n’en fait rien, j’arrive à Erquinvillers à 5H45.
À l’entrée Nord du pays, des réfugiés refluent, 40 casques français d’artillerie gisent sur le trottoir. Un capitaine d’artillerie, j’ignore son régiment, paraissant affolé me donne des explications confuses.
Une rapide reconnaissance du pays m’apprend ceci : des chars ennemis sont venus donner un coup de poing. Ils ont dû faire des prisonniers (les casques). Un immense drapeau à croix gammée est accroché au toit de l’église. Un lieutenant artilleur français voulant le décrocher a fait sauter un P.A.C qui en tombant sur la chaussée a enflammé un camion d’essence. L’officier a reçu une rafale de balles explosives. Un conducteur de TC se meurt à quelques pas de là (c’était paraît-il un artiste de cinéma). A 1km direction la Folie est arrêté un camion paraissant chargé d’hommes (peut-être des prisonniers). À 2500 mètres au nord-ouest sur la route N16 sont arrêtés 5 chars, un homme debout sur l’un d’eux paraît observer. Avec mes faibles moyens je forme un point d’appui. L’observation aux jumelles ne m’a pas permis de reconnaître les chars pour amis ou ennemis et je n’étais pas en mesure de pousser une reconnaissance.
Le G.R n’était pas passé, comme son chemin direct était plus court que celui que j’avais suivi j’en ai déduit qu’il s’était détourné.
À 8H30 je quitte Erquinvillers pour Lamécourt, dans l’espoir de trouver le G.R ou un renseignement. Les chars et les camions n’avaient pas bougé. J’arrive à 8H45 à Lamécourt. 3 camions égarés du G.R 97 égarés s’étaient joints à moi mais ils ne savaient rien du G.R. A 9H30 ne voyant rien, ne sachant rien, je me décide à gagner Pont Ste Maxence pour retrouver Faule à défaut du G.R.
À 10H30 mon peloton à l’abri dans les marais de Sacy-le-Grand, je vais à pont et j’ai la chance de trouver Faule qui me dit de rallier le 34e E.A.C qui va passer l’Oise. Mon peloton passe le pont à 11H30 et l’E.A.C 34 se regroupe à Beaurepaire. C’est seulement au passage de l’Oise que j’apprends par Frappa (officier de transmission du G.R. 97) que le G.R. 97 est cerné depuis le matin par 60 ou 100 chars ennemis dans le bois de Noroy. Malgré mon désespoir de ne pas pouvoir aider le G.R avec mes 4 petits canons je passe l’Oise. Faule m’ayant confirmé dans mon impression qu’il était trop tard pour moi de rejoindre Noroy et que mon intervention n’aurait pas servi. Sans l’ordre du capitaine Stévenin qui croyait bien faire, le Colonel de la Tour aurait eu l’appoint de mes canons et s’en serait peut-être tiré.