2e RIC – Rapport CAB2

2-ric

Rapport du capitaine MAILLOUX commandant la C.A.B.2
Concernant les événements survenus le 7 juin 1940



La C.A.B.2 était répartie comme suit : 

– P.C. section de commandement, 4e S.M. (adjudant-chef SOMMIER), groupe de 81 (lieutenant BLANCHET), un fusil Boys à REMIENCOURT.
– 1ère S.M. (lieutenant DUBOIS) et 2e S.M. (Adjudant VIGOUROUX), 2 canons de 25 (sergent-chef DELANNOY) avec la 6e compagnie à DOMMARTIN.
– 3e S.M. (sous-lieutenant LE SAUX) avec la 5e compagnie à FOUENCAMPS.

A REMIENCOURT – Les éléments de la C.A.B.2 étaient disposés le 7 au matin :

– Section de commandement (Adjudant LE CLECH) au P.C. du capitaine dans la ferme à l’Est de l’usine de tissage.
– S.M.4 (P.C. avec G.M. du sergent LEVERN), 1 G.M. (LERVERN) au passage à niveau Sud battant de la voie ferrée au petit bois, 1 G.M. (sergent-chef LECLEACH) à l’ouest du cimetière battant les points de passage sur la Noye.
– Le groupe de 81 m/m dans le pré, entre la place de l’église et le parc du château ; tirs préparés sur le pont A et sur le plateau sud du village.
– Le fusil Boys, près du P.C. du capitaine en direction du pont B de l’usine de tissage. En début de la matinée le lieutenant VIE, commandant la section de la C.D.A.C. vint placer un canon de 25 à cet endroit ; j’en rendis compte au chef de bataillon et lui proposai, pour éviter le double emploi, de placer le fusil Boys dans le parc du château avec les éléments de la 7e compagnie qui venait de s’y mettre, pour interdire le pont C, ce qu’il approuva et fut fait.

Dans la matinée du 7 juin vers 6 heures environ je reçus l’ordre de faire partir les voitures de la C.A.B.2 (sauf les voiturettes) sur la corne sud du bois situé au S.O. d’AILLY S/NOYE. Le sergent comptable, le sergent chef d’échelon, le caporal d’ordinaire, les cuisiniers ainsi que les conducteurs des voitures quittèrent REMIENCOURT immédiatement par la route d’AILLY S/Noye. Il restait avec la section de commandement l’adjudant chef de section, le sergent chargé des transmissions, le caporal-chef second comptable, le caporal mitrailleur mécanicien et les agents de transmission.
Les premiers coups de feu se firent entendre vers 10 heures venant de la direction du pont A et du S.O.. En même temps des éléments ennemis étaient vus, s’infiltrant entre les deux bras de la Noye, remontant vers le Nord en direction de la ferme D et du pont.
Je fis déclencher les tirs préparés des mortiers, un mortier prenant à parti les éléments ennemis du pont et l’autre tirant sur les éléments venant derrière le bois au Sud. Je portai les hommes de ma section de commandement sur le bord de la Noye (bras Est) pour faire face à l’infiltration et celle-ci continuant malgré notre intervention au mousqueton, je dissocia le G.M. LE CLEACH et mis la pièce du caporal-chef LE GOFF avec la section de commandement.
Les groupes ennemis progressèrent par bonds derrière les arbres et parvinrent à passer derrière la ferme D et nous prirent sous leur feu, l’adjudant LE CLEACH fut blessé à la tête. L’ennemi abrité derrière la ferme n’étant plus justiciable de nos armes à tir tendu, j’intervins alors au V.B. jusqu’à épuisement des obus dont je disposais.
Il me fut rendu compte à ce moment que l’ennemi progressait vers le Sud par le plateau (entre ROUVREL et la voie ferrée) j’en informai le chef de bataillon et lui proposai de dissocier également le G.M. LE VERN pour faire face à ce nouveau danger ; sur son acceptation je me rendis auprès de l’adjudant-chef SOMMIER à qui je donnais l’ordre de placer une pièce sur le haut de la falaise surplombant la voie ferrée et dominant légèrement le plateau vers le Nord. J’assistai au début de l’exécution et revins à ma section de commandement que je ramenai à mon P.C. en continuant toutefois de faire surveiller la ferme D. Le décrochage put se faire sans pertes malgré un violent bombardement par Minenwerfer.
Je plaçai la pièce de mitrailleuses sur le bord du pré face à l’angle N.E. du pré et la crête au-delà de la voie ferrée et entrai en liaison avec le lieutenant BLANCHET à qui j’ordonnais de se garder de ce côté. Il plaça le F.M. de la C.D.A.C. qui se trouvait avec lui et les hommes disponibles du 81 sur le talus entre la route et la voie ferrée. Les interventions du F.M et de la mitrailleuse eurent pour effet de faire disparaître les ennemis hors du compartiment du terrain. Une automitrailleuse allemande gravit la pente du passage à niveau Nord et se rendant à ROUVREL fut arrêtée et mise…. placé près du lieutenant BLANCHET.
J’appris alors par le sous-lieutenant FETIS que l’ennemi occupait l’allée du château après avoir repoussé les éléments de la 7e compagnie qui s’y trouvaient. La section FETIS près de l’usine de tissage, faisait face à la NOYE et au château, la mitrailleuse pris l’allée depuis le château jusqu’à l’angle Nord-Est et le lieutenant BLANCHET, prévenu, ramena ses hommes et le F.M. de la C.D.A.C. dans ses tranchées et leur fit faire face à l’angle N.E.
Vers 14 heures l’ennemi occupait les maisons environnant l’usine. Les sections de la 7e compagnie et le canon de 25 de la C.D.A.C. du pont A avaient été enlevés. J’ordonnai au lieutenant BLANCHET de tirer sur ces résistances, ce qu’il fit avec succès. Vers 14H.15 j’appris que le sous-lieutenant FETIS venait d’être tué et que les Allemands progressaient par la contre-allée venant du château à mon P.C. Quelques hommes de la 7e compagnie se réfugiaient près de moi. Ils avaient un F.M. dont le caporal-chef LE GOFF et le soldat PIOLOT de la C.A.B.2. assurèrent le service tandis que j’assurai personnellement le commandement de la pièce de mitrailleuse. Le sergent JOANNIN de la section de commandement, avec les hommes de la 7e compagnie et les miens fit face, de la grange à la rue et à l’usine. Nous arrêtâmes l’ennemi que le lieutenant BLANCHET de son côté prit à parti au mousqueton.
Vers 15 heures j’appris que l’adjudant-chef SOMMIER était blessé au crâne mais LEVERN, son chef de groupe, tenait bon. LE CLEACH de son côté se battait comme un lion.
De l’usine et des maisons voisines nous vinrent des rafales sérieuses ainsi que de l’allée. Un tir de 81 réglé de mon P.C. calma ces rafales. Nous tenions, empêchant de nouveaux groupes de déboucher du château.
Vers 16 heures 2 automitrailleuses furent vues sur la crête à 800m ou 1000m venant du N.O. et allant vers le S.E (direction de ROUVREL) L’intervention du 25 qui se trouvait avec le lieutenant BLANCHET n’eut pour résultat que d’en faire disparaître une derrière la crête et de faire rebrousser chemin à l’autre. Le 25 s’enraya et ne put intervenir à nouveau avant que cette automitrailleuse eut le temps de disparaître.
L’ennemi devint plus actif autour de mon P.C. sans doute sa progression avait-elle pu se faire par les maisons. Nous entendîmes des commandements allemands « en avant ». J’ordonnai un tir de 81 « sur moi ». Le tir donna des résultats.
De nouveaux commandements allemands auxquels nous répondîmes par « Vive la Coloniale ». Nous reçumes des grenades à manche au P.C. Le sergent JOANNIN et moi-même eûmes des éclats mais non sérieusement touchés. Nous répondîmes à la F1. Il n’y avait plus de cartouches de F.M., j’en demandai à la voix au P.C. du bataillon. Le caporal-chef LE GOFF et le soldat PIOLOT tirèrent au mousqueton pour y suppléer. PIOLOT, blessé à la main put continuer.
Les balles tirées par les allemands allumèrent des plaques de paille éteintes immédiatement. Toutefois les tas de paille du pré à proximité de BLANCHET flambèrent. Des obus de 25 tirés sur le P.C Btn et C.A.B.2. Le feu se propage vers le lieutenant BLANCHET qui put continuer ses tirs de la tranchée profonde jusqu’à épuisement de ses munitions. Nous tînmes ainsi jusqu’à 21H.15 heure à laquelle les allemands réussirent à mettre le feu à mon P.C. Tout flamba rapidement et il fut impossible de rester dans les flammes. Je dis au soldat HELLEC de se saisir de la pièce de mitrailleuse et de se rendre au PC. Bataillon en essayant de traverser la maison. Je bloquai tout le monde près de la grange sud, dis à VIE de mettre en marche sa chenillette pour sortir le 25, que nous allions rallier la place près du P.C. Bataillon. Départ à mon signal tout le monde ensemble aussitôt prêt. La chenillette en état de marche, je déverrouillai la porte et ordonnai de partir. Nous réussîmes par surprise à passer. Du petit groupe que nous formions il manquait à l’arrivée le lieutenant VIE (mort) et le caporal-chef BLIN.
Sur la place les hommes furent placés dans les tranchées près du sergent-chef LE CLEACH qui également chassé par les flammes s’y était retiré avec sa pièce.
J’allais au P.C. Bataillon pour retrouver HELLEC et la pièce de mitrailleuse et rendre compte au chef de bataillon à qui je demandai des cartouches. Le commandant m’apprit qu’il n’y avait plus de munitions, que toutes les issues de la place étaient tenues par l’ennemi et que le P.S. n’était pas en flammes. Les allemands surgirent sur la place et nous mitraillèrent à 10m. Nous étions prisonniers et fûmes dirigés sur DOMMARTIN où je retrouvais le s/Lt LE SAUX et sa 54e S.M. Le lieutenant BLANCHET fut pris dans sa tranchée et nous y rejoignit ainsi que le sergent LE VERN et son groupe.
Le commandant de compagnie a appris en captivité que le lieutenant DUBOIS a quitté DOMMARTIN avec sa section. Il n’a pas de nouvelles de la 2e section et de son groupe de 25.

Signé MAILLOUX

Propositions de citations

Lieutenant BLANCHET Robert – Officier ayant fait preuve le 7 juin, d’un remarquable mépris du danger ; dans les flammes et sous des tirs ennemis très violents a commandé, avec le plus grand calme, ses tirs de mortier jusqu’à épuisement de ses munitions. (Particulièrement appuyée – signé GILBERT)