N° 10 Squadron RAF

N° 10 Squadron RAF

Halifax codé ZA-W

 

La désorganisation des voies de communication (Transportation Plan) amena le Bomber Command à procéder à deux raids dans la nuit du mercredi 28 au jeudi 29 juin 1944. Les cibles étaient les gares de triage de Metz (Moselle) et Blainville-sur-l’eau (Meurthe-et-Moselle). Le Halifax ZA-W fut attaqué lors du retour par un chasseur de nuit, les sept membres d’équipage périrent sur le territoire de Feigneux où leur avion s’écrasa.

P/O M.Livesey KIA
Sgt J.R.Sissons KIA
F/S A.G.Rhodes KIA
WO2 T.G.Evans RCAF KIA
F/S L.W.Hughes KIA (2e en partant de la droite)
F/S W.Tudberry RAAF KIA
Sgt K.E.Chandler KIA

Le point de chute de l’appareil se situe à « La garenne de Morcourt », à proximité du croisement

 

Comment la France a honoré un aviateur « porté disparu »

La France était sous l’occupation allemande. Montrer de l’amitié envers les Britanniques était dangereux. Mais Mme Élisabeth Huraux alla courageusement au commandement militaire allemand de l’Oise le 29 juin 1944, et demanda à l’officier la permission d’enterrer sept membres d’un bombardier Halifax de la R.A.F.
Malgré les difficultés la permission fut accordée et les aviateurs anglais, avec des fleurs sur leurs cercueils, furent inhumés dans le petit village de Feigneux près de Crépy-en-Valois.
Ce n’est qu’en juin de cette année, plus de deux ans après la guerre, que la mère de l’un des aviateurs, Mrs Hughes, Abbey Road Penthey, fut mise en relation avec Mme Huraux par l’intermédiaire du Ministère de l’Air. Elle a appris des détails de la mort de son fils, opérateur-radio, duquel elle ne savait rien d’autre que « porté disparu ».

 

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SA LETTRE

Mme Huraux écrit :

« j’espérais depuis longtemps être mise en rapport avec les familles de ces pauvres garçons qui sont tombés et reposent ici et je vous dirai tout ce que je sais sur la mort tragique de votre fils.
Vers 2 heures du matin le 29 juin 1944, un escadron de bombardiers revenant d’un raid sur l’Allemagne fut attaqué par des avions de combat allemands. Je vis et entendis l’attaque de la fenêtre de ma chambre. Il y eut une flamme sortant d’un bombardier et ensuite une explosion.
A l’aube, montée sur mon cheval, je suis allée jusqu’à l’endroit où l’avion avait été abattu en espèrent trouver quelqu’un de vivant. Je ne trouvai que des morceaux fumants de l’avion au bord d’un petit bois, sur les terres de mon mari. Hélas, il n’y avait aucun survivant. Les aviateurs avaient probablement été éjectés hors de l’avion par l’explosion.

*  *  *  *

« VERBOTEN »

Les soldats allemands arrivèrent et interdirent à toute personne d’approcher des débris. Je suis allée voir le Commandant allemand et demandai la permission d’enterrer les morts. C’est difficile…, dit-il. Mais je lui ai demandé de me laisser prendre la place de leurs mères ou de leurs femmes, et il décida de me donner l’autorisation. J’ai dû promettre toutefois que seuls le maire du village, le prêtre et moi-même seraient à l’enterrement avec les porteurs des cercueils. Je fis fabriquer sept cercueils ; sept gerbes de fleurs, des bleuets, des fleurs de lis et des roses rouges furent placées dessus. Le temps était superbe le jour de l’enterrement, lorsque nous avons traversé le village pour aller au cimetière. Les cercueils étaient placés sur une charrette de ferme. On entendait le seul bruit des sabots des chevaux. Les gens du village formaient une haie sur la route à notre passage. Ensuite, au bord des tombes, il y eut des moments que je n’oublierai jamais ; tout était si simple et cependant si mémorable. »

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PHOTOGRAPHIES

Dans une lettre du 7 septembre, Mme Huraux envoya à Mrs Hughes des photos en espérant que d’autres parents recevraient aussi un jour des nouvelles de leurs fils « portés disparus ».
W/O William Hughes, second fils de Mrs Hughes, était élève à l’école de Marham. Il avait 22 ans quand il fut tué. Il était engagé volontaire dans la R.A.F. à l’âge de 19 ans et avait effectué plus de trente missions de bombardement.
Mrs Hughes a écrit à Mme Huraux pour la remercier de son attention. «  J’espère que d’autre mères qui ont des fils « portés disparus » reprendront courage devant mon expérience, a confié Mrs Hughes à un reporter, elles peuvent encore espérer avoir des informations aujourd’hui ».

 

Extrait du LYNN NEWS & ADVERTISER. FRIDAY, SEPTEMBER 26, 1947

Acte de décès et d’inhumation rédigé dans son registre paroissial par l’abbé Henriot, curé de Morienval desservant Feigneux, le 29 juin 1944 : « N° 7. Inhumation de sept aviateurs canadiens ou anglais.

Récit de l’abbé Henriot, curé de Morienval desservant Feigneux, le 3 juillet 1944 : « Un avion bombardier canadien a été mitraillé par un avion allemand, et il est tombé en flammes dans le bois de Morcourt dans la nuit de mercredi à jeudi 29 juin 1944. On a relevé sept aviateurs morts, tous canadiens, et leur corps était intact. Ils n’ont pas sauté assez haut en parachute et ils se sont tués en tombant à terre. Leurs corps ont été transportés à Feigneux, et déposés au frais, dans la cave-prison. Ces aviateurs s’appellent : Sissons, Tudberry, L.W. Hughes, Rhodes, Evans, Chandler, le dernier reste inconnu [note]L’inconnu est Martin Livesey, officier pilote. Cette version des faits ne s’accorde pas avec celle, très précise, fournie par deux témoins qui se rendirent sur le lieu du crash. André Carrier, alors âgé de 15 ans, se souvient des débris éparpillés dans les bois et des corps des aviateurs dépourvus de parachutes. Ce témoignage est conforté par celui de Jean Létrillard qui participa à la collecte des corps avec son père et son oncle (Gaston Rollet, maire de Feigneux). Alors âgé de 17 ans, il se souvient que les corps étaient abîmés et qu’aucun ne portait de parachute, ni ouvert, ni fermé. Il semblerait donc que l’avion ait explosé avant que l’équipage ne parvienne à l’évacuer.[/note] pour le moment, n´ayant pas sa plaque. Ils faisaient partie du Blood-Group 40.
Le vendredi soir à 19 h 07 j’ai fait la conduite au cimetière, avec seulement les porteurs et M. le Maire, car les autorités allemandes ont voulu qu’il n’y ait aucune manifestation. En cours de route j’ai récité les vêpres des morts et j’ai chanté le libéra au cimetière. Justement il se trouvait que deux jours après, le 2 juillet, c’était la fête patronale à Feigneux, et donc le lendemain 3 juillet il y avait une messe de requiem, comme de coutume pour les défunts de la paroisse, et j’ai eu une attention spéciale pour ces sept canadiens. Une population très nombreuse assistait ; à cette cérémonie
 ».

Les cercueils des aviateurs devant le mur du « Poste » à Feigneux.
Ce local servait de prison au XIXe pour enfermer les mendiants. Les corps de l’équipage y furent placés la nuit du 29 juin avant la mise en bière


L’abbé Henriot lors de la bénédiction. Madame Huraux se tient en retrait.
Cette photo montre que si, conformément à l’interdiction des autorités allemandes, les habitants ne suivirent pas le cortège funèbre ils se regroupèrent en revanche au cimetière.


Les sapeurs-pompiers rendent les honneurs aux aviateurs
dans le cimetière de Feigneux après la guerre.
Les croix de bois n’ont pas encore été remplacées par les stèles du Commonwealth.


Fleurissement des tombes le 8 mai 1994. Ce même jour s’est tenue une exposition à la mairie.


Plaque apposée à l’entrée du cimetière par l’association FENI’VAL

Sources :

Jean-Claude Huraux, fils de Madame Elisabeth Huraux
Jean Létrillard
André Carrier
Daniel Gibert, président de FENI’VAL
(Sauvegarde du patrimoine historique, culturel, naturel et esthétique à Feigneux )

© Marc Pilot – Oise 39 – 45, juillet 2009 / Picardie 39 – 45, août 2013