7e RIC (7e DIC), Chef de Bataillon Musso

 

Rapport du Chef de bataillon Musso
ancien commandant du III / 7 RIC en captivité à l’Oflag II B
sur le combat qu’il a soutenu sur l’Oise le 10 juin 1940
(15 septembre 1942)

Le 10 juin 1940 le III./ 7e RIC a été engagé sur l’Oise entre le village de Verberie et le pont de chemin de fer, appelé Pont des Ajeux.
Bien que le combat soutenu sur l’Oise soit indépendant de ceux livrés les jours précédents, il est indispensable pour avoir une idée exacte de la valeur combattive du Bataillon à la date du 10 juin, de lier la situation à celle du 9 juin et de rappeler également qu’au cours d’actions successives du 21 mai au 8 juin au sud d’Amiens et à l’ouest de Noyon et également le 9 juin, le III./ 7e RIC avait éprouvé des pertes sérieuses qui n’avaient pas été comblées. Le 9 juin à 3 heures, le III./ 7e RIC qui tenait à l’ouest de Noyon les points d’appui de Beaurains, Sermaize et Porquericourt reçut l’ordre de se replier sur l’Oise par l’itinéraire Thiescourt, Mareuil-la-Motte et Marquéglise.
Par suite de l’action de l’ennemi à Mareuil-la-Motte et la destruction du pont de Verberie à 21H40, avant l’arrivée sur l’Oise de tous les éléments du Bataillon, le III./ 7e RIC a perdu au cours du repli : la moitié de la 9e Cie (section de commandement et 2 sections de F.V.), une section de la 10e Cie et 2 sections de mitrailleuses.
L’Oise fut passée à Verberie dans la soirée du 9 juin par la 11e Cie (Lt Léger), les sections de commandement du Bataillon et de la CA3, le 10 au matin à La Croix-Saint-Ouen par la 10e Cie (Lt Laurendeau), deux sections de la 9e Cie sous le commandement du sous-lieutenant Morens et deux sections de mitrailleuses.
L’étape de repli, supérieure à 50 km, a été accomplie sous la pression de l’ennemi, par une chaleur torride et les fractions qui avaient pu franchir l’Oise, déjà éprouvées par les pertes des combats précédents et de la journée, se sont encore trouvées diminuées des traînards et des égarés.
Ce qui restait du Bataillon était dans un état d’épuisement extrême, et il eut été désirable de disposer d’une journée ou seulement de la matinée du 10 juin pour faire reposer la troupe et procéder à une réorganisation. Mais, pour cela, il eut été nécessaire de se replier derrière un échelon déjà en place.
Il conviendra donc de ne pas donner aux termes de compagnie et de section leur signification complète mais entendre par eux des groupements de forces placés sous les ordres de chefs qui, dans un effort désespéré, ont rempli leur mission malgré la faiblesse de leurs moyens.
Le point de ralliement du Régiment avait été fixé au Chêne de Saint-Sauveur, localité approximativement entre Verberie et La Croix-Saint-Ouen.
Le chef de bataillon passa la nuit du 9 au 10 juin sur la route de Verberie à Saint-Sauveur afin d’orienter au fur et à mesure de leur passage les éléments du Bataillon et de faire procéder à leur regroupement.
Au lever du jour, il est appelé au P.C. du Colonel Cdt le Régiment et reçoit la mission d’organiser la défense sur la rive gauche de l’Oise et de placer de toute urgence deux « bouchons », l’un à la passerelle de l’écluse et l’autre au pont du chemin de fer. Son P.C. est fixé au passage à niveau de la station de Verberie. Dans son ordre, le Colonel Cdt le Régiment avait précisé de la manière la plus expresse que la défense devait être installée sur les bords de l’Oise. Le chef de Bataillon Cdt le III./ 7e RIC était fondé à penser que cette prescription qui contenait la conception du Colonel Cdt le Régiment sur la défense de la coupure de l’Oise, devait avoir le même caractère impératif pour le commandant du I./ 7e RIC lorsqu’il fut plus tard chargé d’assurer la défense de l’Oise à droite du III./ 7e RIC entre le pont des Ajeux exclu et le méridien passant par le village de Rivecourt, situé sur la rive droite de l’Oise.
La situation était grave. Les passages de l’Oise n’étaient pas tous tenus et ceux qui l’étaient ne disposaient que de faibles moyens de défense. La mission reçue était une mission de sacrifice qu’il importait de remplir à tout prix quelle que fût la faiblesse des moyens disponibles.
Le chef de Bataillon ne disposait à ce moment que des éléments qui avaient passé l’Oise à Verberie : la 11e Cie et le groupe de mortiers organique du Bataillon. Le Colonel mit à sa disposition ce qui restait du peloton motocycliste régimentaire : 2 F.M. avec leurs servants et le lieutenant commandant la section. D’après les renseignements connus à ce moment, le pont du chemin de fer était miné et déjà tenu ; par contre aucun élément ne se trouvait à la passerelle de l’écluse. Cette direction paraissait particulièrement dangereuse et il importait de la barrer.
Deux groupements de forces furent constitués : l’un sous le commandement du lieutenant Léger (11e Cie) avec mission de tenir la passerelle de l’écluse et d’interdire le franchissement de l’Oise entre la passerelle incluse et le pont du chemin de fer exclu, l’autre sous le commandement du capitaine Padovani, commandant de la CA3, avec le groupe de mortiers organique, l’escouade de motocyclistes et une section réduite de la 11e Cie. Ces ordres initiaux furent donnés au chêne de Saint-Sauveur, après examen d’une carte Michelin qui était l’unique document cartographique que possédait le Bataillon.
Comme il fallait agir vite et occuper au plus tôt les emplacements de combat, les groupements furent transportés par des camionnettes du Régiment de Saint-Sauveur au passage à niveau de la station.
A 5 heures le P.C. du Bataillon est ouvert au passage à niveau.
Le chef de Bataillon se porta aussitôt au pont du chemin de fer, afin de procéder à la reconnaissance du terrain et d’organise la défense.
Le pont des Ajeux était encombré par des véhicules automobiles qui avaient tenté de passer l’Oise au jour mais la voie, détériorée par la circulation de la nuit, n’offrait plus un chemin roulable et les conducteurs avaient abandonné leurs véhicules.
Dès 5 heures, le pont était soumis à un tir de harcèlement de 105 qui a causé quelques pertes particulièrement à une fraction du 32e RAC. Au pont du chemin de fer de Verberie se trouvaient déjà en position un détachement placé sous le commandement du lieutenant Smagghe du 52e BMM et comprenant une section de mitrailleuses, 2 groupes de F.V. du I/ 94e RI (S/lieut Cateau) et une fraction du Génie sous le commandement d’un aspirant chargé de la mise en œuvre du dispositif de destruction du pont. Les éléments du III./ 7e RIC renforcèrent la défense. Le capitaine Padovani est immédiatement chargé d’installer le groupe de mortiers de 81. le chef de Bataillon ne reverra cet officier qu’à son retour au P.C. du Bataillon vers 11H. A l’écluse étaient en position 1 groupe de mitrailleuses et 1 groupe de combat du I./ 94e RI
Vers 5H30 arrivent au pont du chemin de fer un lieutenant commandant un peloton motocycliste du GRCA 25 et un officier du même GRCA avec un canon de 25. Ces officiers reçoivent sur place des missions de combat du chef de bataillon : le premier à gauche du pont et le deuxième sur le pont.
En raison de la diversité des éléments installés au pont il importait d’organiser le commandement. Le chef de bataillon écarta de son esprit l’idée de confier le commandement de la défense du pont au capitaine Padovani parce que cet officier n’avait pas par son attitude antérieure mérité son entière confiance. Il confirma simplement dans son commandement le lieutenant Smagghe qui était sur la position depuis la veille et qui avait produit une impression favorable.
Le lieutenant Smagghe reçut le commandement du point d’appui du pont des Ajeux avec délégation du chef de Bataillon pour la mise en œuvre de la destruction du pont. Il lui fut précisé que pour aucune raison le pont ne devait tomber intact aux mains de l’ennemi. Le pont continuait d’ailleurs à être emprunté par des isolés qui signalaient à leur passage que des détachements amis encore de l’autre côté de l’Oise faisaient des efforts pour gagner la rivière. De plus certains conducteurs étaient retournés et essayaient de dégager leur camion immobilisé sur le pont. Pour toutes ces raisons sa destruction devait être retardée le plus possible.

1ère attaque

Peu avant 7H, pendant que le chef de Bataillon en compagnie du lieutenant Smagghe s’assurait des dispositions prises, un détachement ennemi fut aperçu se dirigeant de Rivecourt sur Verberie, comprenant une trentaine de véhicules dont un grand nombre était chenillé. Le convoi stoppa à hauteur du pont des Ajeux et débarqua du personnel. Comme quelques officiers d’artillerie appartenant au 32e RAC se trouvaient à proximité du pont, le chef de Bataillon Cdt le 7e RIC leur demanda le déclenchement d’un tir d’artillerie. Un chef d’escadron qui se trouvait dans le groupe répondit que l’artillerie n’était pas encore en mesure d’intervenir. Le chef de bataillon fit alors ouvrir le feu par la S.M. du lieutenant Smagghe. L’ennemi surpris par le feu des mitrailleuses se dispersa et les véhicules se replièrent sur Rivecourt.
Vers 7H30 un détachement ennemi tenta de s’emparer par surprise du pont du chemin de fer. Il avait mis à profit pour s’en approcher les cultures et les bâtiments d’une usine. L’attaque fut repoussée par le feu des armes automatiques du point d’appui du pont. L’ennemi qui avait subi des pertes se replia mais accentua son tir de harcèlement de 105 et déclencha des tirs de mortiers sur le pont et les abords. Le chef de Bataillon rendit compte de la situation au Colonel Cdt le Régiment. Il lui signala dans le même compte-rendu qu’il n’y avait aucune autre troupe amie entre le pont des Ajeux et la Croix-Saint-Ouen et appela ainsi son attention sur le flanc droit de Bataillon qui était découvert.

2e attaque

Vers 8H30, un détachement d’éléments des 9e et 10e Cie, sous le commandement du lieutenant Laureaudeau rejoignit le Bataillon. Ce détachement comprenait 2 sections de la 9e Cie sous le commandement du S/lieut Morens et 2 sections de la 10e Cie, la dernière section de cette unité ayant été retenue comme réserve de sous-secteur à Saint-Sauveur par le Colonel Cdt le Régiment. Les lieutenants Laurendeau et Morens vinrent au pont du chemin de fer pour prendre les instructions du chef de Bataillon. Le lieutenant Laurendeau reçut la mission d’interdire avec son détachement le franchissement de la rivière à droite (N.E) du pont et de couvrir le flanc droit du dispositif. Il lui fut précisé de s’étendre le plus possible sur les bords de l’obstacle avec la moitié de son effectif et de tenir les layons qui conduisaient à la voie ferrée et au passage à niveau de la station.
Mettant à profit les couverts, bois et champs de blé, le détachement Laurendeau parvint à border l’Oise sous le feu de l’ennemi qui ne cessait de harceler le pont et ses abords par des tirs de mortiers et de 105.
A 10H, après une courte et violente préparation d’artillerie et de mortiers et sous la protection de tirs d’encagement latéraux, l’ennemi lança une 2e attaque sur le pont des Ajeux. Au cours de cette action, le dispositif de mise à feu électrique de la destruction du pont fut coupé. Il est probable que cette coupure a été effectuée par un détachement spécial ennemi. L’ennemi parvint jusqu’au pont, mais il fut à nouveau repoussé par les feux des armes automatiques, de mousqueterie et de mortiers de 81 (groupe organique du Bataillon). Le lieutenant Smagghe, conformément à la délégation qu’il avait reçue du commandant du quartier, donna l’ordre de faire sauter le pont. La mise à feu fut effectuée par un aspirant et un sergent du Génie qui, avec le plus grand mépris du danger s’exposèrent à découvert pour amorcer le dispositif lent. Au cours de l’opération, le sergent du Génie fut tué d’une balle en plein cœur. Les noms de ces deux braves sapeurs avaient été notés par le chef de Bataillon sur son agenda qui lui fut confisqué à sa capture. Ces deux braves méritent d’être cités à l’ordre. Le pont a sauté à 10H20.
La destruction n’a pas été complète : une poutrelle maîtresse restait intacte et donnait encore au pont une valeur comme passage pour l’Infanterie. Ce détail n’échappa pas à l’ennemi qui renouvela ses attaques dans l’après-midi et la soirée. Au moment de la 2e attaque, le chef de Bataillon se trouvait sur les bords de l’Oise et fut pris dans le tir d’encagement de droite (N.E). Au cours de cette attaque, l’ennemi a subi des pertes importantes et l’activité de son infanterie ne se manifesta pas avant 15H.

3e attaque

Le chef de bataillon rentra à son poste de commandement du passage à niveau de la station de Verberie par les boqueteaux et les layons situés à droite (N.E) du pont et de la voie ferrée. Il ne rencontra aucun élément du I./ 7e RIC sur sa route. A 11H, il rendit compte au Colonel Cdt le Régiment de la 2e attaque et de la destruction du pont. Dans ce compte-rendu, il indiqua à nouveau qu’il n’avait aucune troupe amie à sa droite et que son flanc était découvert. Vers 11H30 parvint au Bataillon un ordre du Colonel relatif à l’organisation des quartiers du sous-secteur.
Le quartier du III./ 7e RIC était limité à gauche (S.O) par le village de Verberie où se trouvaient des éléments du I./ 94e RI et à droite (N.E) par le pont du chemin de fer inclus. Le I./ 7e RIC d’après cet ordre prenait place à droite du III./ 7e RIC. Le détachement Laurendeau se trouvait donc dans la zone d’action du I./ 7e RIC. La liaison avec cette unité n’étant pas établie, le chef de bataillon Cdt le III./ 7e RIC décida de surseoir provisoirement à toute modification du dispositif du lieutenant Laurendeau. Il prescrivit à cet officier en lui transmettant l’ordre de l’organisation des sous-quartiers de rechercher la liaison avant de procéder à tout mouvement.
Vers midi, une chenillette régimentaire avec remorque chargée de munitions arriva au P.C. Les munitions furent aussitôt réparties entre les P.A y compris celui du lieutenant Smagghe. Elles permirent de soutenir la lutte contre l’ennemi.
Vers 12H30, le chef d’Escadron Danglade du GRCA 25 vint prévenir le chef de Bataillon qu’il retirait en accord avec le Colonel Cdt. Le sous-secteur, et en vue de son réemploi dans un secteur menacé le peloton motocycliste en position sur l’Oise, à gauche (S.O) du pont des Ajeux, ainsi que le canon de 25. Il indiqua même d’une manière confidentielle qu’un faible détachement ennemi était parvenu jusqu’au château de Roberval, qu’il avait été surpris et fait prisonnier dans le château au moment où il se restaurait. Il importait, de toute urgence, de boucher le trou qu’allait produire le départ de ce peloton. En outre naquit dans l’esprit du chef de Bataillon l’inquiétude de la possibilité du retrait de la section Smagghe du 52e BMM.
Il fallait donc resserrer au plus tôt le dispositif du détachement Laurendeau sur le pont du chemin de fer. Les limites des sous-quartiers furent modifiées comme suit : sous-quartier Léger (11e Cie) la gauche limitée par le village de Verberie exclu et la droite par la passerelle de l’écluse incluse, sous-quartier Laurendeau (10e Cie) ; la gauche limitée à la passerelle de l’écluse exclue et la droite au pont du chemin de fer inclus avec la double mission de liaison avec le I./ 7e RIC et la protection du flanc droit du quartier, le P.A Smagghe lui étant subordonné. L’ordre destiné au lieutenant Laurendeau fut en raison de son importance apporté par le chef de Bataillon qui prit ainsi un nouveau contact personnel avec cet officier. Le lieutenant Laurendeau rendit compte au chef de bataillon que ses patrouilles de liaison n’avaient rencontré aucun élément du I./ 7e RIC tant sur l’Oise que sur les layons conduisant à la voie ferrée. Le chef de bataillon indiqua au lieutenant Laurendeau le dispositif qu’il devait réaliser au pont des Ajeux : une section à gauche au pont pour remplacer le peloton motocycliste, une section sur le pont et la dernière section à droite de la voie ferrée pour tenir les layons et assurer la protection du flanc droit du dispositif. Le détachement Laurendeau fut en place à 14H.
Au cours de son déplacement du passage à niveau au P.C du lieutenant Laurendeau, le chef de bataillon ne rencontra aucun élément du I./ 7e RIC. Entre-temps un officier de l’Etat-Major de la 7e DIC (capitaine Amillat) était venu apporter directement au chef de Bataillon Cdt le III./ 7e RIC l’ordre du Général Cdt la Division prescrivant la destruction du pont de chemin de fer, ordre qui se trouvait déjà exécuté. Le chef de Bataillon mit le capitaine Amillat au courant de la situation difficile de son Bataillon. En outre, cet officier d’Etat-Major demanda, conformément aux instructions qu’il avait reçues, qu’il soit opéré à la destruction de la passerelle de l’écluse. Il précisa même que le Général de Division attachait du prix à cette destruction. Le Bataillon ne disposait d’aucun explosif et il en était de même au Régiment comme l’indiqua l’Officier pionnier du Régiment qui fut saisi de la question au cours d’une reconnaissance qu’il fit au P.C du bataillon. Par la suite arrivèrent au P.C du Bataillon le lieutenant Montblanc et l’adjudant-chef Giovanangeli, chefs de section de mitrailleuses qui avaient devancé leur section. Il leur fut donné à chacun une mission, le premier dans le sous-quartier Léger et le deuxième dans le sous-quartier Laurendeau.
A 15H, après une violente préparation d’artillerie (105) et de mortiers sur le pont, ses abords et le passage à niveau de la station, l’ennemi tenta à nouveau de passer l’Oise en utilisant les ruines du pont, la poutrelle maîtresse restée intacte et des canots légers. Il fut à nouveau repoussé après un vif combat qui alla jusqu’au corps à corps avec des éléments qui avaient réussi à prendre pied. Le lieutenant Cdt la section motocycliste du GRCA 25 déclara au chef de Bataillon, à son passage au P.C du passage à niveau : « Vos hommes se battent comme des lions. » Il s’agissait du détachement Laurendeau – Morens. Au cours de l’attaque un avion de reconnaissance ennemi qui volait à très basse altitude fut abattu par les feux de mousqueterie des sections de commandement du Bataillon et de la CA3. L’action de nos éléments fut appuyée par le feu d’une batterie d’artillerie du 32e RAC qui avait pris position au passage à niveau de la station, sur la route de Verberie. Le lieutenant commandant la batterie (lieutenant Somprou) fut tué au cours de l’action à son observatoire avancé du pont des Ajeux. Pendant cette action dont le chef de bataillon suivait le développement avec angoisse, un agent de transmission du Colonel Cdt le Régiment arriva au P.C porteur d’une de demande de renseignements portant sur les points suivants : – la section du 52e BMM est-elle toujours en place ? – avez-vous la liaison avec le I./ 7e RIC ? Il fut répondu affirmativement à la première question et négativement à la seconde.
Le chef de Bataillon fit rechercher sans succès sur la route de Verberie à Compiègne par des agents de transmission de sa section de commandement la liaison avec le I./ 7e RIC. Dès qu’il fut tranquille sur l’issue favorable du combat sur le pont des Ajeux, le chef de Bataillon se rendit à Verberie avec le lieutenant Gemeau (officier pionnier du Régiment) dans le double but de prendre la liaison avec la 3e Cie du 94e RI (lieutenant Baïsse) afin d’être exactement renseigné sur la menace allemande sur Roberval et de s’assurer si le détachement du génie qui lui avait été signalé dans le château de Verberie disposait d’explosifs pour faire sauter la passerelle de l’écluse. Malheureusement, le détachement du Génie s’était déjà replié. D’autre part, le lieutenant Baïsse précisa qu’un escadron à cheval du 25e GRCA continuait à assurer la protection à gauche (S.O de Verberie) mais qu’il n’avait aucun renseignement sur l’engagement de Roberval. Le chef de bataillon rentra de Verberie par l’écluse où il prit contact avec le lieutenant Léger (11e Cie).

4e attaque

L’accalmie fut de courte durée. L’artillerie ennemie qui paraissait s’être renforcée accrut son activité. Des rafales de 105 battaient systématiquement les lisières N de Verberie, le pont du chemin de fer et le passage à niveau où il y eut des pertes en tués et blessés.
A 17H peu après le retour de Verberie et de l’écluse du chef de Bataillon, arriva au P.C du Bataillon un officier du I./ 7e RIC, le lieutenant Courbin, pour prévenir que l’ennemi avait franchi l’Oise en nombre et qu’il s’infiltrait par les bois en direction de Verberie. Jusqu’ici, l’ennemi n’avait manifesté aune activité à droite (N.E) du pont des Ajeux. Il n’avait été entendu ni canonnade ni fusillade dans cette direction. Une liaison téléphonique entre le P.C du III./ 7e RIC et le Colonel Cdt le Régiment venant d’être établie, le chef de Bataillon téléphona le renseignement au Colonel Cdt le Régiment. A la fin de la conversation, le chef de Bataillon Cdt le I./ 7e RIC entra dans le circuit téléphonique et apprit ainsi le passage de l’Oise par l’ennemi devant son front et reçut directement du colonel Cdt le Régiment les instructions pour faire face à cette nouvelle situation. Le lieutenant Courbin fut renvoyé à son unité. Au même moment parvint au P.C du Bataillon l’ordre de repli exécutoire à 23H.
Le point de ralliement du Régiment était Raray. La menace de l’ennemi s’annonçant proche, la situation était grave. Le chef de Bataillon prit la décision de résister sur place afin de permettre le repli de la batterie de 75 du 32e RAC, d’empêcher l’ennemi de prendre à revers les sous-quartiers Laurendeau et léger, de lui barrer la route qui menait du passage à niveau à Saint-Sauveur P.C du Colonel et de l’empêcher de pénétrer dans Verberie d’où partait la route de Senlis. Le chef de Bataillon rendit personnellement compte par téléphone de cette décision au Colonel Cdt le Régiment qui l’approuva.
Il organisa le point d’appui dont il prit le commandement avec la section de commandement du bataillon, celle de la CA3, la fraction de la section motocycliste du lieutenant Jeannot et des éléments du I./ 7e RIC qui refluaient : section de F.V du lieutenant Courbin et section de mitrailleuses du sous-lieutenant Antonietti. Le capitaine Padovani avec sa section de commandement et 1 groupe de mitrailleuses de la section Antonietti fut chargé de défendre une portion du point d’appui située de part et d’autre d’un layon en direction en direction du N.E et conduisant à l’Oise ; le lieutenant Praud (officier de transmissions du Bataillon) d’empêcher de déboucher de la partie boisée du carrefour du passage à niveau et le lieutenant Jeannot avec 1 F.M et l’autre groupe de mitrailleuses de battre la route de Verberie à Compiègne et de surveiller celle du passage à niveau à Saint-Sauveur.
A 17H30, l’ennemi, appuyé par des mortiers attaqua avec vigueur le passage à niveau. Il tenta de franchir à plusieurs reprises la route de Verberie à Compiègne soit en vue de se rabattre sur Verberie soit en vue de continuer sur Saint-Sauveur. Les feux des armes automatiques du lieutenant Jeannot brisèrent l’élan de l’ennemi qui chercha abri dans les fossés de la route où il fut à nouveau pris sous le feu des armes automatiques. Ses pertes furent lourdes. Le groupement du lieutenant Praud empêcha l’infiltration par les couverts. Le groupement Padovani entra également en action. La liaison permanente à la vue avec ce groupement n’était pas possible mais cette liaison fut prise à plusieurs reprises par le chef de Bataillon et le capitaine Castagnary, capitaine adjudant-major du bataillon. L’ennemi fut partout contenu. Il mit en œuvre ses mortiers et la lutte prit un caractère individuel où le nombre eut l’avantage. Le point d’appui fut progressivement encerclé.
Vers 21H, le groupement Padovani ne se fit plus entendre. De la direction qu’il couvrait claquèrent à courte distance des coups de feu qui causaient des pertes dans les rangs des défenseurs. Il fallut prélever des hommes des groupements Praud et Jeannot pour faire face à cette direction dangereuse. Le groupement Padovani n’assurait plus la protection qui lui avait été demandée. Dès ce moment, la situation devint critique. Les munitions des armes automatiques s’épuisèrent, celles des armes individuelles devinrent rares. Tout mouvement devenait difficile sinon impossible. Le capitaine Castagnary qui fit preuve d’un grand mépris du danger fut grièvement blessé à la tête. L’ennemi qui sentait la résistance faiblir encercla entièrement le point d’appui, intensifia son tir de mortiers, attaqua à la grenade et pénétra dans le point d’appui. Le P.A a succombé à 21H45. le sort n’a pas permis qu’il tint jusqu’à 23H, heure à laquelle le repli était permis. La résistance du point d’appui du passage à niveau avait duré plus de 4H et n’avait pas été vaine. Elle avait permis le repli de la batterie de 75 du 32e RAC, fait échec à la tentative de débordement et d’encerclement des compagnies Laurendeau et Léger, arrêté à la voie ferrée l’élan de l’ennemi, barré la route de Saint-Sauveur et retardé jusqu’au lendemain l’attaque sur Verberie, empêchant ainsi l’ennemi de disposer dans la nuit de la route Verberie-Senlis. Le P.A du passage à niveau a fait son devoir jusqu’à la limite de ses forces. Il avait été attaqué par une compagnie.
Après sa capture, le chef de Bataillon Cdt le III./ 7e RIC fut conduit auprès du Major allemand qui commandait l’attaque, son bataillon en formations denses bordait la voie ferrée. Sur le chemin de la captivité l’Oise fut passée exactement au sud de Rivecourt. L’attaque sur le passage à niveau était conjuguée avec une attaque sur le pont des Ajeux. Le combat a été rapporté au chef de Bataillon par des prisonniers du détachement Laurendeau avec lesquels il a pu s’entretenir dans les centres de rassemblement des prisonniers. Le combat a revêtu un caractère acharné jusqu’au corps à corps et jusqu’à épuisement des forces. Le lieutenant Laurendeau qui s’était fait remarquer par sa belle attitude au feu et par son magnifique courage depuis le début de la campagne a été tué en combattant, donnant ainsi à ses hommes l’exemple du sacrifice.
Au cours de la journée du 10 juin, le III./ 7e RIC avait subi 4 attaques, résisté avec énergie et esprit de sacrifice sur ses positions, empêché l’ennemi de franchir l’Oise entre Verberie et le pont des Ajeux, et de déborder Verberie. Il avait entièrement exécuté l’ordre reçu. Si le chef de Bataillon Cdt le III./ 7e RIC n’a pas trouvé auprès du bataillon placé à sa droite toute la protection qu’il a fournie à son voisin de gauche (I./ 94e RI), à son artillerie, à son Colonel, il a néanmoins rempli la mission qu’il s’était délibérément imposée en prenant la décision de résister au passage à niveau de Verberie. La satisfaction du devoir accompli est dans la captivité la plus belle source de résignation.

 

© Marc Pilot – Picardie 1939 – 1945 -juillet 2012)